— Paul Otchakovsky-Laurens

Exercice de poésie pratique n° 2

03 novembre 2013, 09h12 par François Matton

Nous vivons à partir d'une illusion : celle d’être une personne séparée de tout. C’est frustrant, c’est épuisant, je ne vous le fais pas dire. Pourtant il suffit d’être très attentif à ce que nous percevons réellement dans l’instant pour faire tomber cette illusion en un claquement de doigts. Et remettre alors magiquement les choses à leur juste place. Joie.

Pour cela, avant de vous tourner vers le monde comme vous le faites d’ordinaire, tournez-vous donc cette fois vers vous. Ou, plus exactement, tournez-vous vers ce qui se passe ici. Du côté de ce qui voit plutôt que du côté de ce qui est vu. Notez qu’il n'y a personne de ce côté-ci. En lieu et place d'un moi misérable, vous ne trouvez qu'une grande ouverture donnant sur le spectacle du monde. Une sorte d’espace d’accueil, vide, silencieux, très vaste. Merveille.

Tel un saumon déterminé remontant la rivière, vous venez de remonter le sens ordinaire de la perception pour arriver à son seuil, sa source. Voyez comme à partir de là votre perception se libère. N’étant plus entravée par l’obsession d’un moi illusoire au premier plan, elle peut enfin s’étendre dans toutes les directions. Observez comme vos sens se réveillent quand vous n’êtes plus là pour les étouffer. Votre œil n’a plus rien à envier à celui de l’aigle royal, votre odorat vaut celui des chiens truffiers, votre ouïe peut s’aligner sur celle de la chouette effraie, votre toucher est aussi fin que celui des grands primates. Bref, vous voilà enfin équipé pour une vie de poète digne de ce nom.

 

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