— Paul Otchakovsky-Laurens

Comptine 3

10 avril 2011, 15h15 par Édith Msika

Il n'y aurait plus d'imagination. Il y a de la dictature. Je recommence. Je traiterais du sexe aujourd'hui. J'en traite, j'en fais un traitement, une conférence, une circonférence, si je veux. Je le veux. Je ne veux rien, je marche à très petits pas dans une chambre d'hopital pâle. Je ne marche pas, je me traîne, je vais mourir. C'est toi qui vas mourir, c'est moi. J'ai du mal à marcher. Rien ne me retient, que la vie qui. Mais cries-tu ? Le cries-tu ? Il y a de la dictature, et je ne peux revenir au mièvre chuchotant, mièvre chu dans une boue liquide. Rien que de se tenir à la rampe me fortifie, rien que de me tenir, là, debout, un petit peu debout, je me tiens debout. C'est urgent, je n'ai pas le choix, tu as le choix, tu ne l'as pas. Tu le joues aux dés, tu les fais rouler sur le tapis de la chambre, tu t'affales pour vérifier les chiffres. C'est urgent : vérifier les chiffres, tous les chiffres. Le chiffre de la dictature, recouvrer l'élégance du cristal (ou d'une autre matière aussi pure). Le sexe, je l'apprivoise, caresses, entrées, sorties, impasses, issues, traversées, transformations. Ce n'est pas un événement. Et tu cries, et encore cries. Tu te vantes de jouir, tu jouis tu te vantes. Je traite du sexe cahin-caha, à petits pas, comme je marche et je me tiens à la rampe et je m'affale au milieu des chiffres de l'économie globale en jouant aux dés dans ma chambre d'hopital où je me traine à petits pas. Tu cries comme je crie. Je crie le sexe n'est pas un événement, je le respire, le dire l'est, un événement. Je me rapproche de la fenêtre, fermée. Je prends la mesure exacte, je chiffre la dictature, je ne veux rien, je me traîne devant la fenêtre, fermée. Temporairement.

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