— Paul Otchakovsky-Laurens

Max Jacob

09 novembre 2011, 09h37 par Liliane Giraudon

Max Jacob. Max Jacob à Quimper le 12 juillet 1876. Il est né Max Jacob, sous le signe du cancer. Max Jacob enfant, pratiquant les cartes, les charades et la pincette. Max Jacob créateur de spectacles de Guignol dans une famille juive athée. Max Jacob et les merveilleux cantiques bretons. Max Jacob et le catholicisme de ses amis. « Oui, j’ai aimé passionnément le catholicisme dans mon enfance » se souviendra Max Jacob. La mère de Max Jacob (elle chante des airs d’opérette et elle gifle). La petite soeur de Max Jacob. La petite sœur bien-aimée de Max Jacob. Max Jacob étudiant les théories de Bergson copiées dans un cahier rose. Max Jacob dessinant (« cela devient une rage »). Max Jacob au piano (il écorche les symphonies de Beethoven et chante). Max Jacob entre à l’école coloniale (section Indochine). Max Jacob et Paris. Max Jacob licencié en droit (section Droit Maritime). A la question « Quelle est la position que vous voulez avoir ? » Max Jacob répond « Ne rien faire pour faire de tout ». Max Jacob critique d’art sous le pseudonyme de Léon David. Max Jacob et Alphonse Allais. Max Jacob à l’Académie Jullian (« J’étais triste et pauvre »). Max Jacob manutentionnaire. L’amour de Max Jacob pour Cécile, Léonie ou Germaine. Max Jacob et Picasso. Boulevard Voltaire, Picasso partage la chambre de Max Jacob. Les omelettes et les haricots mangés par Picasso et Max Jacob boulevard Voltaire. Max Jacob offre à Picasso une gravure sur bois de Durer. Max Jacob partagé entre peindre et écrire (« Je suis un faiseur de méandres »). Max Jacob optant pour le port du monocle. Max Jacob écrit en quelques semaines un soi-disant conte pour enfants « Histoire du roi Kaboul Ier et du marmiton Gauvain ». La bande dessinée de Picasso saluant l’entrée de Max Jacob dans les Lettres (7 tableaux).La malle de Max Jacob. Max Jacob écrivant à Picasso parti en Espagne « Rapporte ma malle ; elle sera commode pour mettre mes papiers ». André Salmon et Max Jacob (« Nous fîmes sur l’herbe courte et pâle un pique-nique charcutier »). Max Jacob lit le Zohar et étudie La Kabbale. Max Jacob et le Bateau-Lavoir. La pauvreté de Max Jacob. Max Jacob déménage. Max Jacob fait son ménage (propreté impeccable). Max Jacob en piéton de Paris (« Je partais de la rue Ravignan tous les matins au jour, j’allais à pieds jusqu’à la place de la Nation, de là jusqu’à la cascade du Bois de Boulogne et je rentrais me coucher, ivre de jeûne, de méditation et de fatigue »). Max Jacob professeur de piano. Max Jacob chiromancien (horoscopes, tarots, lignes de la main…). Max Jacob épistolier : chaque jour il écrit des lettres et classe celles qu’il reçoit sous le signe et le décan de leurs auteurs. Max Jacob conseillant Paul Poiret sur la couleur de ses chaussures. Max Jacob descendant la rue de Rennes. Il mord dans son pain avec tant d’émotion qu’il lui semble que c’est son cœur qu’il déchire. Max Jacob et l’éther (il l’achète au litre). La cocaïne et Max Jacob. Max Jacob et Apollinaire. Max Jacob et Le Douanier Rousseau (« La pureté de Rousseau est le résultat d’une science géométrique »). Max Jacob a une vision (« Il y avait quelqu’un sur la tapisserie rouge… ma chair est tombée par terre… »). Max Jacob entend des voix. Les voix entendues par Max Jacob. Max Jacob et Gertrude Stein. Max Jacob et la langue celtique. Max Jacob et Sonia Delaunay. Max Jacob commente les Métamorphoses d’Ovide. Max Jacob écrit pour le théâtre. « Croient-ils donc qu’on ait des truffes dans le cœur ?» se demande Max Jacob. Kahnweiler publie Max Jacob (quatre eaux-fortes de Picasso, tirage à cent exemplaires). Max Jacob voit le Christ en plein jour. Deux fois. Une première fois sur le mur de sa chambre le 28 septembre 1909 « Il a une robe de soie jaune et des parements bleus. Il se retourne et je vois cette face paisible et rayonnante ». Une deuxième fois le 17 décembre 1914 au cinématographe (Max Jacob n’aimait pas qu’on dise « cinéma ») « L’écran se couvrit d’une sorte de taie sur laquelle parut un personnage ressemblant fort à celui de 1909 et qui tenait dans son manteau des enfants… ». Braque aide Max Jacob dans un de ses déménagements. Max Jacob rue Gabrielle. Max Jacob homosexuel. Max Jacob homosexuel juif désirant le baptême. Le goût de Max Jacob pour les sergents de ville et les gardes républicains. Max Jacob et le cinéma muet. Max Jacob baptisé le 18 février 1915 (Diocèse de Paris, Notre Dame de Sion. Picasso est le parrain. Son nom de baptême sera Cyprien et non Fiacre, comme l’aurait voulu Picasso). Max Jacob en bouffon affamé. Max Jacob déchiré entre son goût pour la prière et son amour des garçons. Max Jacob membre de la société des Amis de Fantômas (pas de statut, pas de local, aucun bureau ni but défini). Max Jacob introduisant Fantômas dans son Cornet à dés. Max Jacob sur une toile de Marie Laurencin. Max Jacob et les peintres Jacqueline Marval et Maria Blanchard. Max Jacob prend ses repas à la cantine pour artistes mise en place par Marie Vassilieff. Max Jacob et Picabia. Max Jacob refuse d’accompagner Picabia à Marseille « parce qu’on fait toujours la bombe avec toi et que je ne puis faire la bombe bien que j’aime être avec toi ». Les yeux bleus de Max Jacob. Les yeux bleus, pesants et vifs de Max Jacob. Les chemises roses et les complets tourterelle de Max Jacob. Le goût de Max Jacob pour les bijoux. Les bagues de Max Jacob. Les nombreuses bagues de Max Jacob. Max Jacob traité d’archange breton amphibie par Paul Poiret (il envisage un moment de le proposer à Isadora Duncan qui cherche un homme pour lui faire un enfant. Mais finalement ce sera Maeterlinck)…Max Jacob conseillant un de ses jeunes amis « Si tu ne trouves pas le moyen de te marier tu es socialement un homme perdu et peux l’être artistiquement car l’un va avec l’autre… ». Max Jacob publie une ode au peuple arménien intitulé « Les Alliés sont en Arménie ». Le poème est écrit à partir de témoignages entendus auprès de réfugiés arméniens ayant échappé au massacre et qu’il a rencontrés dans un restaurant de quartier. Max Jacob et Reverdy (« Reverdy poète objectif et sentimental, triste et tendre »). Max Jacob et la revue de Reverdy (« Le Nord-Sud en m’obligeant à rétrécir mes articles me fait souffrir comme on souffre d’un soulier trop étroit ». Max Jacob et le poème en prose. Max Jacob et les poèmes en prose de Reverdy « Les imitateurs de Rimbaud sont peut-être des poètes en prose, ils ne sont pas des auteurs de poèmes en prose ». Max Jacob modèle du mage Abel dans « Le voleur de Talan ». Max Jacob pillé. « Tu sais bien que l’imitateur est toujours mieux que l’inventeur ! » rappelle Picasso à Max Jacob. Les chaussettes de soie de Max Jacob. La robe de chambre bleue nuit de Max Jacob. L’écharpe blanche de Max Jacob et la canne à pommeau de Max Jacob. Les litres de parfum procurés à Max Jacob par un jeune ami chimiste fournisseur des grands couturiers. Max Jacob lançant des souscriptions pour parvenir à publier « Le cornet à dés » (« J’en suis le libraire, l’éditeur, le courtier, l’auteur, le critique et presque l’imprimeur (et bien autre chose). J’ai mis le mot « auteur » à sa place. ». Max Jacob fabricant ses manuscrits pour les vendre à Jacques Doucet. Max Jacob et l’homophobie. Max Jacob à l’enterrement d’Apollinaire « Il y a pour moi quelque chose de brisé quelque part. Si j’étais un peu plus sensible il me semblerait que c’est moi qui suis mort ». Satie et Max Jacob (il compose une musique d’ameublement pour l’entracte de son « Ruffian toujours, truand jamais »). Le goût de Max Jacob pour le poisson. Le goût de Max Jacob pour la langouste mayonnaise. Max Jacob et Hamlet. Max Jacob et Dostoïevski. Arlequin et Max Jacob. Max Jacob et l’opérette. A la question « pourquoi écrivez-vous ? » Max Jacob répond « Pour mieux écrire ». Avant Jean Follain et avant Roland Barthes, Max Jacob renversé par une voiture (jambe brisée). Max Jacob quitte Paris pour Saint-Benoît-sur-Loire (« Je suis dans un presbytère, ma fenêtre donne sur le jardin au rez de chaussée, j’ai des mouches, parfois un papillon ou une guêpe…Je vis dans une paix réelle – Lever à 6 heures et ne démarrant de ma table qu’aux heures d’office et aux repas...»). L’écharpe rouge qu’à Saint Benoît Max Jacob reçoit de Liane de Pougy. Max Jacob dessinant avec ses doigts et de la cendre de cigarette. Max Jacob préférant Le Tintoret au Greco. Cocteau proposant à Max Jacob : «Pourquoi ne formons nous pas le couple Bouvard et Pécuchet ? Nous fonderions une revue à deux exemplaires dont chaque numéro serait un numéro spécial… » Max Jacob vivant partiellement de la vente de ses gouaches (commandes de paysages parisiens, bretons ou italiens effectués d’après des cartes postales). Max Jacob entre Paris et Saint Benoît. Max Jacob posant pour l’étonnante photographe Rogi André. Max Jacob et Artaud. La grosse lampe de cuivre de Max Jacob. La mysticité quotidienne de Max Jacob. Le portrait de Max Jacob par Modigliani. Le portrait de Max Jacob par Picasso. Max Jacob traduit Raymond Lulle. Max Jacob et la nouvelle. Max Jacob et le roman. Max Jacob reprend un roman dont l’histoire est celle d’un homme qui volait par l’agitation des cuisses. Le « Cinématoma » de Max Jacob (« un recueil de portraits sous forme de nouvelles ou plutôt de monologues peut-être dramatiques ou humoristiques, je ne sais »). Le bouleversant « Tartufe » (avec un seul f) de Max Jacob. Max Jacob et Malraux. Max Jacob et Michel Leiris. Max Jacob et André Masson. Max Jacob et Charles Albert Cingria. Max Jacob à Naples (« Naples ! Nice en sale et fatiguant ! »). Max Jacob à Rome (il assiste à la canonisation du curé d’Ars). Max Jacob et la prière. Max Jacob et la messe. Franz Hellens comparant les romans de Max Jacob à ceux de Stendhal. « Le saumon a la chair rose parce qu’il se nourrit de crevettes » observe Max Jacob. Max Jacob projetant d’écrire un roman nyctalope. Le gros missel vespéral couvert de drap noir de Max Jacob. « L’harmonie n’est pas le macaroni » précise Max Jacob (« avant d’extérioriser il faut intérioriser »). Max Jacob trouvant que Rimbaud est « un génie de mauvaise époque ». Jean Paulhan protecteur de Max Jacob. Max Jacob et Maurice Sachs (amours et trahisons). Max Jacob écrivant à un ami : « Je n’aime plus guère que l’écorcherie. Plus de bibelot gratuit. Déchire toi ou déchire le poème fait... ». Max Jacob et Nathalie Barney. L’amitié de Max Jacob et de Conrad Moricand (futur héros d’Un diable en Paradis de Henri Miller. Ils collaborent à un « Miroir d’Astrologie »). En 1934 Max Jacob quitte l’hôtel Nollet pour partager un atelier avec Pierre Colle et Christian Dior. Max Jacob faisant une tournée dans un spectacle de music-hall. Max Jacob sur la scène des Noctambules en récitant-acteur (« Le public me fait l’effet d’une grosse fourrure chaude, vivante »). Max Jacob à Edmond Jabes « Fais en moins, et serre davantage… ». Max Jacob et sainte Véronique « Pour moi Sainte Véronique avec son voile divinement décoré devrait être le patron des artistes ». Max Jacob et la prière. Max Jacob dressant, au dos d’une carte postale, la liste des amis pour lesquels il devait prier quotidiennement (une liste pour les amis morts, une pour les amis vivants). Les exercices de méditation de Max Jacob. Max Jacob bedeau à Saint Benoît (mégot à la bouche, pantalon de velours et béret basque). Max Jacob se défendant d’être un définisseur (« Un définisseur n’est pas un homme, c’est une trique »). Max Jacob déclarant que l’intelligence poétique est une pleurésie. La carte postale que Picasso reçoit de Max Jacob (au recto une seule phrase : « La puce est un homard minuscule »). Max Jacob à l’enterrement de sa sœur Delphine (« Passé de mon passé, nous sommes des passants/ Passé de mon passé toi seul es funéraire/ La mort est un printemps qui n’est pas éphémère… »). Max Jacob, écrivain juif voit ses droits d’auteur supprimés par la Société des Gens de Lettres. Max Jacob portant l’étoile jaune (« Je n’ai pas le droit de paraître à la Basilique (monuments historiques interdits) ni dans les cafés ou restaurants »). Max Jacob prononçant « j’ai ta peau » pour « Gestapo ». Max Jacob, trois jours avant son arrestation fredonnant « J’suis l’bouquet, j’suis l’bouquet, j’suis le bouc émissaire… ». En 1944 Conrad Moricand reçoit une lettre de Max Jacob « Je t’écris dans le wagon qui me mène à Drancy. Que la volonté de Dieu soit faite. Les gendarmes sont charmants. Max. » Mort le 5 mars 44 Max Jacob échappe au convoi du 7 mars qui devait l’emmener à Auschwitz.

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