— Paul Otchakovsky-Laurens

Rupture

16 janvier 2020, 21h21 par François Matton

Il y a bientôt douze ans, j'ai eu une brutale rupture d'anévrisme cervical. Coma, plein de sang dans la tête, on me tenait pour mort. Même après l'opération du dernier espoir à la Pitié-Salpêtrière, le neuro-churgien a dit à Anne : "L'opération s'est bien passée, mais on ne vous cache pas que la probabilité qu'il se réveille est extrêmement faible. Et même s'il se réveille, il y aura encore deux chances sur trois qu'il y passe dans les quinze jours suivants".
Douze ans plus tard, donc, je suis apparemment encore là. Et sans séquelles ! Ce qui tient du miracle (ou du film de morts-vivants).
Bon, dans la bataille j'y ai tout de même laissé une des deux artères qui irriguent le cerveau. Ils l'ont carrément sacrifiée, comme on le ferait d'un tuyau tout pourri. Sauf qu'ils n'en ont pas remis un neuf à la place. (J'imagine que l'artère qui me reste fait le travail pour deux.)
Vous imaginez mon désarroi ? Alors que tout s'était subitement éteint sans me laisser le temps de faire mes adieux au public..... abracadabra, me revoilà !
Le film est reparti comme si de rien n'était : le corps, les sensations, les émotions, les perceptions, les objets, les autres, tous les phénomènes.
Alors quoi ? Voulez-vous me dire à quoi rime cette farce ?
J'ai passé un temps fou à essayer d'y croire à nouveau (à ce retour à "la vie"). J'ai fait des efforts, sincèrement. Et puis j'ai fini par abandonner.
Je n'y crois plus. Et c'est très bien comme ça. 

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