— Paul Otchakovsky-Laurens

SUITE ZAMA

25 septembre 2013, 15h23 par Jean-Jacques Viton

(…)


au dessous des portiques du quai un miroir géant
renvoie inversés les passants effet boule de verre
impression reçue par le vaporetto sentinelle du rivage
s’alignent des blockhaus démolis sous le tag
j’avale avis noir placé entre voler et recevoir
le récit fait le rêve dans une buée de cercueil
en même mesure entrée d’une tristesse pesante
passage des tags à l’heure qui file sur la même piste
comment accepter l’entrée de la tristesse pesante
sans entendre le pleur des veaux dans l’abattoir



oublier résister tenir muet ne rien réclamer
laisser défiler les processions volantes c’est du sable
on regarde il s’écoule entre les doigts il est fait pour ça
on comprend tristesse en lisière d’un bonheur
chambre étroite table napperon chaise fauteuil
fenêtre ouverte un mur un peu de lierre
étagère avec photos deux visages souriants
tapis usé passage des ombres description suffisante
à table un cardinal invité livre des recettes fameuses
pieds et paquets numéro d’acteur dîneurs séduits



rester à l’écart savoir la plainte d’un loup
entendu à midi est le pire des présages savoir
les gratte-ciel sont des tentes nomades pétrifiées
savoir la folie c’est l’absence d’œuvre et
n’oubliez pas de fouiller le silence des bosquets
où se cachent les moments nécessaires
chacun de nous peut connaître quelqu’un
qui se souvient de quelqu’un d’autre
et remonte le passé à cent ans de distance
sombres temps des anges de la boue

 

 

 


Jonas Mekas connaissait un homme nommé Démon
précurseur des zazous il brandissait un Y allongé
lance pierre sans élastique parlait du gaz moutarde
qui tuait les hommes poumons en feu courant en rond
parmi les chevaux hurlant il remplaçait les formules simples
couper un café trop fort par des innovations sévères
mitiger un excessif café il conservait avec prudence
vivement demain premier jour du reste de ma vie
j’ai une vision de la vie et je tente des équivalences
parfois je me sens si seul que j’ai envie de hurler

 

 


maintenant ailleurs même pays autre refuge
bar d’habitués uniformes mentaux repassés
enfouis dans un coin amarrés à une table
maréchal nous voilà discret algérie française voilé
halte hommes perdus guerriers renvoyés
réunis dans des scénarios répétés attaques nettoyages
interrogatoires paniques barrières de foules
les moments ne bougent plus protègent l’inavouable
les épisodes dérapent dans des mémoires confondues
patchigaloupo obscur marlou sudiste donne le ton

 


encore ailleurs nouveau pays autre demeure
américaine de l’Est clair de lune Hopper
sur les toits des fenêtres grappes de ténèbres
devant la porte dans la nuit une femme debout
chemise ouverte cheveux blonds sur les seins
écoute le chahut qu’elle aime des vagues proches
maison solitaire rideaux tirés obscurité sans bruit
nuages en traces déchirées gazon rasé couleur sable
fait pour ça il pourrait s’écouler entre les doigts
comme projection atone du silence sans action


(…)
 

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