— Paul Otchakovsky-Laurens

quand j'étais petit

29 avril 2014, 09h44 par Charles Pennequin

quand j'étais petit j'aimais les gens. j'aimais leur contact. j'aimais les nouveaux gens. ceux qu'on croisait dans le sud pendant les vacances. j'aimais leur sourire. leur accent. leurs paroles. je comprenais rien mais je les sentais. ils avaient tous une odeur inconnue. les femmes d'un certain âge avec leur parfum. même à leur pantalon je sentais tout ce parfum qui s'étalait. je croisais ces êtres et c'était la nouveauté des gens. les gens venaient à la maison. je découvrais de nouvelles tantes. des cousines éloignées. des amis de mes frères. il y avait des tas d'amis. et tout le monde avait le sourire. tout le monde chantait. racontait des blagues. faisait des sketchs. on ne s'ennuyait jamais où qu'on puisse aller. on dansait. on se déguisait en femme avec les oncles et on dansait. tonton gérard nous pelotait les seins et on rigolait. tonton aimé et tonton jean dansaient et on chantait et on rigolait. on voyait des gens tout près des baraques à frites. des joueurs de boules avec leurs femmes tout sourire et les dents qui dépassent. des gens tout le temps dehors. au pas de leur porte. sur des vélos ou à pied. les grosses mobylettes bleues et les farces continuelles. tout le monde parlait et rigolait. tout le monde était content d'être à la fête. c'était la fête continuelle des gens quand j'étais petit. tous les gens de n'importe quel endroit. les femmes et leur jupe droite. les hommes en pantalon tergal. les femmes qui tiennent des enfants. les hommes qui sautent au-dessus des plaques. au-dessus des vagues. ou des plaques. tout prêtait à rire. mes frères étaient parmi les braves gens qui riaient. tout le monde regardait les photographes amateurs. les gens sortaient des grottes. mettaient des chapeaux mexicains. tout le monde portait des chaînettes et des colliers à barbe. tout le monde a une belle montre. une belle chemise d'été. l'été les gens se promènent doucement. ils campent. ils n'ont pas d'histoire. ils font des barbecues. ils vont se baigner dans le fleuve. ou il se font jeter de l'eau par surprise. comme mon cousin qui pousse un cri. il a peur de l'eau. il est allergique alors mon frère et mon beau frère le jettent dans le fleuve. on ne sait pas qu'il n'aime pas l'eau alors il est surpris. mais tout le monde finit par rigoler et se baigner. les gens se promènent. ils sont tranquilles. les gens font des collections de bêtes. mon frère attrape une mante religieuse. il y a aussi des papillons. la nature est partout. la lavande embaume tout le paysage. la 4L peine un peu dans les côtes. les villages sont tous accueillants. les courses à sac. les pommes de pin. les enfants se roulent partout où ils peuvent. on joue au sable. on trouve des bouts de squelettes. il y a des animaux partout. des moutons. des chevaux. des pâtures partout. des chemins pavés partout. la pluie est partout aussi. et puis le beau temps. les temps se bousculent. les gens meurent. les oncles et les tantes. tout le monde est mort ou à l’hôpital. la maladie. les lotissements. le bruit des tondeuses. les arbres coupés. la vie chère. tous unis contre la vie. toute notre vie nous passons notre vie. tout une vie à jouir.

nous gagnons à ne pas être connus.

quand j'étais petit le tour des gens sentait bon et j'allais d'un tour à l'autre je tournais autour et tous les tours sentaient bon les gens tout sourire à des terrasses avec les verres pour l'apéro et les tucs ils riaient toujours de bon cœur il y avait toujours la bonne farce en préparation une petite blague de tonton gérard ou tonton aimé en préparation une petite farce pas méchante pour un sou et une chanson de marraine un petit air de tante fernande ou un sketch de tante francine et tonton henri et eugène qui rigolent en fumant du gris ou du bleu avec les cousins dans l'armée et leur poil au torse et les femmes en maillot de bain et tante marthe qui fait marcher tonton paul et mémé qui parle aux poules en leur jetant des graines ou les neveux qui jouent avec des balles crevées et les frères qui s'allongent en souriant dans les transats

les cousins je m'en souviens qui parlent de rien
ou d'un peu tout
qui parlent doucement et gentiment
d'un peu tout
du travail et du beau temps
et les frères qui les écoutent
avec bonhommie
et tout le monde marche paisiblement
dans les allées les chemins
et se fait prendre en photo le dimanche
au retour de la messe
où mon frère m'a fait rire
en faisant des grimaces
et lorsque le curé chante
allez dans la paix du christ
une joie monte en moi
c'est à nouveau la liberté
je vais monter la rue
et le repas sera prêt
et ma sœur et mon beau-frère seront à l'apéro
et le cousin s'allongera sous le petite table du salon
et se prendra une baffe

quand j'étais petit
il y avait plein de
bonnes odeurs
des odeurs de manger
et des odeurs
qui venaient
du vent des odeurs
des gens et de plantes
il y avait plein
d'odeur de pluie
tout avait
une bonne odeur
quand on ouvrait
la porte pour accueillir
les oncles et tantes
qui venaient conduits
par les cousins c'était la
fête je prenais mon
mini vélo je faisais
visiter les marais
du village et on rentrait
pour prendre l'apéro
et à la nuit tombante
les copains de mes
frères chantaient des
chansons de scouts
 

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