— Paul Otchakovsky-Laurens

Les hannetons volaient

05 février 2018, 19h15 par Valérie Mréjen

Notre dernier échange : un sms pour s’assurer que je n’avais pas pris mal ce commentaire dubitatif émis à propos d’une programmation de films, dont les miens, projetés au cours d’une soirée. Tu sais ce que je pense n’est-ce pas ? Paul était comme cela aussi, et c’est là-dessus que je resterai désormais : un homme d’une infinie délicatesse qui avait peur d’avoir pu commettre une maladresse. Quant à moi je ne m’étais pas sentie visée une seule seconde, mais son inquiétude, d’un coup, avait réveillé la mienne, Oh là là, il a pensé après coup que j’avais pu prendre cette critique personnellement, mais pas du tout bien sûr. Le rassurer, tout de suite lui envoyer un mot.

Il y a quelques années, je l’avais filmé dans son bureau pour ma série Portraits filmés 2.

Voici le souvenir qu’il avait choisi de raconter :

J’avais onze-douze ans, c’était après ma première communion, au mois de juin, il faisait un temps magnifique. Les journées étaient très longues, le jardin était splendide, il y avait des fleurs partout… les hannetons volaient… et puis j’étais très heureux, un soir, on redescendait après le dîner dans le jardin, j’étais très heureux, et j’étais remonté dans ma chambre, j’avais écrit sur un bout de papier Je ne crois pas en Dieu, je l’avais roulé dans un tube d’aspirine, j’étais redescendu et j’avais enterré le tube d’aspirine. J’avais le cœur qui battait, j’étais très ému. J’avais l’impression de faire quelque chose d’énorme, j’étais très fier.

Texte paru dans Le Nouveau Magazine Littéraire, en février 2018

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