— Paul Otchakovsky-Laurens

Perfecto

Ce mausolée : se souvenir

Thierry Fourreau

Au moment où ils se rencontrent, ils ont vingt ans ou à peu près. Ils s’aiment, se séparent, se retrouvent, autrement. Et puis l’un meurt et l’autre se tait, interdit, dix ans. Un jour, il essaie de dire, d’écrire, et découvre que, justement, on ne peut pas tout dire mais juste essayer d’être au plus près du souvenir, pour que ça existe, pour que la mort ne soit pas vaine, pour faire savoir aux autres et trouver en soi ce qui a manqué à ce moment-là. Dix ans après on peut faire ça : écrire le pire et le plus doux pour assembler, pour construire, sans le savoir avant, ce mausolée : se souvenir.


 

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La presse

Le Deuil, et après


Perfecto est le premier livre de Thierry Fourreau. Un récit court qui raconte la fin d’un deuil, celui de Jean-Jacques, son amant mort du sida il y a dix ans. Perfecto pourrait être « une petite histoire personnelle, ou bien un épisode tragique, mais hélas banal, de la fin des années 80 ». Il est davantage. Il est l’histoire d’un retour à la vie. Fourreau pose délibérément son regard sur le passé et recourt à la photographie pour nous présenter un polaroïd littéraire, un « hors-champ » où tout ce qui s’est dit sur la maladie, ses souffrances ou son accompagnement, l’a été par Hervé Guibert, Christophe Bourdin, René de Ceccaty et tant d’autres dont les voix résonnent dans ce texte limpide. Par élégance – ou par discrétion – le narrateur n’occupe jamais le centre de gravité de son récit, réservant cette place à Jean-Jacques et à leur histoire commune, ce « nous » qui cesse peu à peu d’exister. Dix ans plus tard, celui « qui est passé à travers les balles » du sida renoue avec l’énergie créatrice. Évoqués, Renaud Camus et Christine Angot hantent Perfecto, tels les balises littéraires de cette histoire d’amour tragique. Pendant toutes ces années de deuil, Thierry Fourreau s’est exclu lui-même de sa vie, incapable d’écrire une ligne ou de prendre une seule photo. La courte scène du Père-Lachaise ressemble à un vieux cliché : on est bien dans l’image figée de la mémoire, dans un album douloureux qu’on ose ouvrir à nouveau, dix ans après, pour reprendre la vie là où elle a laissé tant d’anonymes qui doivent aujourd’hui regarder l’avenir, envisager un après. « J’aimais que nous soyons, l’un pour l’autre, des miroirs », écrit l’auteur. Avec ce livre libérateur, il brise a jamais ce miroir et assume le fait d’avoir survécu. Pour que les deux amants soient enfin en paix.


Alexandre Rosa, Têtu, avril 2004



À la VIH, à la mort


en 1986, Thierry Fourreau rencontre en boîte un garçon qui allait changer sa vie. 1994, l’amant meurt du sida. Il a fallu plusieurs années avant que l’auteur parvienne à écrire ce que furent la rencontre, la maladie et la mort. « Nous nous aimions mais nous vivions mal », commente l’auteur au détour de ce récit bouleversant qui, de l’éblouissement d’une rencontre au deuil à vivre (en passant par l’horreur de la maladie, la fin, la crémation…), se nourrit d’un style émouvant, loin du larmoiement, si juste. Ce court récit, ces mots contre l’oubli, sont à lire absolument.


Jules Lefeuvre, Illico, 12 mars 2004



Constat de douleur


Un homme jeune rencontre un jeune homme. Ils s’aiment, ils se quittent. Le plus jeune découvre qu’il est atteint du sida. L’aîné l’accompagne dans sa souffrance, dans sa déchéance physique. Le plus jeune demande à être incinéré avec son blouson Perfecto, et les boutons de métal, que le feu n’a pas détruits, cliquettent dans l’urne que l’aîné tient contre sa poitrine, au Père-Lachaise. Près de quinze ans après, il raconte cette histoire, leur histoire, celle d’un amour, d’une séparation et d’une mort, à la fin des années 80, qui pour beaucoup furent les années sida.


Il est extrêmement difficile de parler d’un tel livre, comme il est difficile de parler de n’importe quel texte aussi intime, aussi brûlant, aussi digne et aussi douloureux. Aussi pudique dans l’impudeur. Il faut simplement dire que Perfecto, en une cinquantaine de pages, dit des choses essentielles sur l’amour, sur la souffrance, sur le deuil. Ce constat de douleur est d’une écriture sèche, retenue. C’est cependant un livre bouleversant, au sens fort du terme. Et qui permet de comprendre de l’intérieur le drame que, pour certains, ont été ces années qui aujourd’hui – dans l’information, on le sait, un clou chasse l’autre – semblent si lointaines.


Christophe Mercier, Le Point, 11 mars 2004



[…] Un beau et bref « mausolée » pour un amant mort, qui raconte aussi comment on devient écrivain (en ne cessant pas de l’être).


Libération, 11 mars 2004