— Paul Otchakovsky-Laurens

Zig-Bang

Georges Aperghis

La plupart des compositions de Georges Aperghis font une part très importante à la voix humaine. Aussi a-t-il écrit des textes en principe faits pour être chantés mais dont la réunion en volume, au prix parfois d’un redécoupage ou d’un remodelage, s’est avérée indispensable. En effet, ces pièces, par le travail sur la langue qu’elles mettent en œuvre, ressortissent très visiblement à la poésie la plus actuelle. Les mots y sont découpés, remodelés, réinvestis. Et si le sens circule à grande vitesse dans ces pages, c’est à la manière d’une lame sans cesse projetée puis déviée,...

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La presse

Aperghis sur le bout de la langue



Quatre pupitres pour décor. Sur chacun, une partition. A terre, des bouteilles d’eau. Et debout face au public, quatre chanteurs a cappella. Les cinq premières minutes : onomatopées et borborygmes, déroutent. Les profanes subodorent le pire  : hommage raté au sketch où Villeret faisait la VO d’un film suédois ? Satire d’une performance branchée ? Les autres savent que les constructions verbales d’Aperghis se méritent. La division ne dure guère. Cinq minutes de plus et voilà tout le monde dans le grand bain d’une langue qui secoue et fait rire en décalant tout, lettres, syllabes, accents, césures. Et renvoie en enfance.
Dans Zig-bang, publié l’an dernier chez P.O.L., Aperghis rassemblait vingt ans de textes pour voix parlées, écrits pour différents spectacles, réalisés notamment avec l’Atem ( Atelier théâtre et musique ) qu’il a dirigé jusqu’en 1997.
De ce matériau disparate, Pierre Baux, Célie Pauthe et Violaine Schwartz ont décidé d’offrir une lecture en continu. Comédiens, notamment dans les spectacles de Ludovic Lagarde, ils s’intéressent depuis longtemps aux rapports entre musique et poésie. Et ont réalisé en 2001 un spectacle obsédant à partir de Comment une figue de paroles et pourquoi de Francis Ponge. Pour ce Zig-bang parade, ils ont reçu le renfort d’Hélène Schwartz, musicienne familière d’Aperghis. Solos, duos, trios ou quatuors, ils se régalent d’une langue qui les mobilise, la réinscrivant dans une filiation rabelaisienne où bouffe et sexe sont des ingrédients essentiels. Rire de dire, telle est leur feuille de route. Extrait: « d’en bout-en-cul-de-j’t’vaij’en sur /ell’en tant droipp’écartuisse-ruiss’elle /écart’d’en boutroippant tant ruiss’roipêle d’en écart le houdart ». Encore.



René Soli, Liberation, 17 février 2005