— Paul Otchakovsky-Laurens

Les Japonais

Raphaël Majan

Le commissaire n’est pas un imbécile qui tue pour se bâtir un palmarès. Il n’empêche que, parmi les ressortissants de multiples nationalités à avoir été victimes de ses enquêtes et assassinats, ne figure aucun Japonais. Peu à peu, ce manque l’obsède. Et d’autant plus qu’il n’est pas aussi facile qu’il pouvait le croire d’y remédier. Car les Nippons ont des manières bien à eux de se soustraire à ses crimes, et les assassins n’échappent pas à la loi qui pèse sur chaque être humain et transforme tout désir d’envergure en torture inassouvissable.

Ce nouvel épisode accentue les traits...

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La presse

Raphaël Majan récidive avec deux antipolars à mourir (de rire). Encore plus drôles que les précédents.


Il est très rare de hurler de rire en lisant un roman, plus encore un polar. Alors quand les éditions P.O.L décident de consacrer une collection aux hilarantes « contre-enquêtes du commissaire Liberty » de Raphaël Majan, c’est un acte de salubrité publique. Déjà, avec l’Apprentissage etChez l’oto-rhino, les deux premiers opus parus au printemps – qui sapaient les codes du roman policier, en jouant d’un humour très noir avec une froideur de dandy, en imposant un phrasé qui avance négligemment par métastases futées et détournements –, Majan avait convaincu de la double portée, littéraire et désopilante, de ses antipolars. AvecLe Collège du crime et les Japonais, l’auteur qui a travaillé au ministère de l’Intérieur et prétend y être tombé sur les carnets du commissaire Liberty Wallance (spéciale dédicace à John Ford), se lâche encore plus pour narrer les actes du flic, qui s’est transformé en serial-killer. Ça devait finir par arriver.


Reprenons : au départ, le commissaire Wallance tuait au nom de la justice, en tout cas de l’idée qu’il s’en faisait, partant du principe qu’en assassinant le premier venu, et en collant le meurtre sur le dos d’un autre inconnu, il réduirait le nombre de délits impunis et contribuerait à sécuriser ses concitoyens. A force, il a méchamment pris goût à l’homicide volontaire, et a commencé à se dire qu’après tout, pourquoi tuer et accuser des inconnus quand on peut régler ses comptes et satisfaire ses pulsions, même les plus étranges ? Résultats, ses anciens camarades de classe, qui ont eu le malheur de l’inviter à une réunion, vont le regretter amèrement ( Le Collège du crime). Et quand Wallance se mettra subitement en tête d’assassiner des Japonais, il mettra tout en œuvre pour y arriver en vain ( Les Japonais, donc). Les cadavres pleuvent, le commissaire va toujours plus loin dans l’autojustification hallucinante et la jubilation, que ces trésors de mauvaise foi provoquent chez le lecteur, ne se tarit pas. Bonne nouvelle : personne n’a encore tué Liberty Wallance, qui reviendra en 2005.


Raphaëlle Leyris, Les Inrockuptibles 27 octobre/04



Mission très accomplie


Chouette : Raphaël Majan ajoute deux nouveaux chapitres, drôle et retors, à sa série policière.


On retrouve en souriant les ruses de la raison wallancienne. Il y a six mois à peine, l’énigmatique Raphaël Majan – qui aurait travaillé au ministère de l’Intérieur – proposait ses deux premières « contre-enquêtes »; Le Collège du crime etLes Japonais permettent maintenant au lecteur de renouer avec un plaisir sans conséquences, selon l’adultérine loi des séries. Toujours en couverture coquette, un montage moderniste et sanglant ; encore, à intervalles réguliers, les crimes saugrenus perpétrés par Wallance ( une Coréenne noyée dans une machine à laver, un psychanalyste écrasé sous son piano) ; non moins souvent, d’anthologiques scènes d’interrogatoire où s’agite absurdement le petit monde des seconds rôles (l’adjoint benêt, le divisionnaire infatué) ; et puis, bien sûr, la saine agressivité sociale dont se nourrit régulièrement le récit : « Marie-Christine Papillaud née de la Borne, ça faisait plaisir de la voir descendre petit à petit tous les échelons pour se retrouver au bas de l’échelle, le commissaire aurait bien aimé être là quand elle est entrée dans le bureau du juge Aramandes, puis quand elle en est sortie, puis quand elle est entrée dans sa cellule, puis quand elle n’en sort pas. »


Peu de choses peut-être, mais des phrases bien tournées, qu’on peut préférer en temps de Toussaint à d’autres divertissements plus prétentieux. D’autant que les intrigues, nonobstant leur caractère éminemment ludique ou invraisemblable, permettent de jeter en passant quelques coups d’œil finauds sur l’actualité.


Gilles Magniont, Le Matricule des Anges