— Paul Otchakovsky-Laurens

Je n’avais nulle part où aller

Traduit de l’anglais (américain) par Jean-Luc Mengus

Jonas Mekas

Jonas Mekas est une des figures les plus emblématiques du cinéma contemporain.
Son œuvre a révolutionné l’autobiographie filmée en y appliquant un travail formel qui en était en général totalement absent, et en introduisant le cinéma dans l’art contemporain. Il a eu aussi aux États-Unis une activité qui en fait, en quelque sorte, un analogue de notre Henri Langlois, pour le cinéma d’avant garde.
Je n’avais nulle part où aller est le récit très émouvant de son départ de Lituanie en 1944, au début de la déroute allemande, avec Adolphas son frère. leurs séjours en camps de travail, puis en camps...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage Je n’avais nulle part où aller

Feuilleter ce livre en ligne

 

La presse

Jonas Mekas, figure-clé du cinéma expérimental américain, livre dans son journal de jeunesse ses années de dèche dans l’Allemagne chaotique de l’après-guerre, puis ses débuts aux États-Unis.


Jonas Mekas a tenu ce journal entre 1944 et 1955. Années chaotiques durant lesquelles ce futur pape du cinéma underground new-yorkais, né en Lituanie en 1925 dans un milieu paysan, a été interné dans un camp de travail en Allemagne de 1944 à 1945, puis a erré de ville en ville après la guerre dans ce pays dévasté, en compagnie d’autres « personnes déplacées » (dont son frère Adolfas, également cinéaste), précarisées, avant d’émigrer en Amérique en 1949.


Un journal très fragmentaire, fait de pièces et de morceaux, relation de la vie quotidienne, réflexions existentielles, bribes de roman, de dialogues théâtraux, poèmes. « J’engrange les choses sans vraiment faire le tri, et, quel que soit l’endroit où je me trouve, j’absorbe tout en moi… », écrit Mekas, réflexion qui s’applique aussi parfaitement à la manière dont il construira ses films. Ce journal est donc, sous une forme plus discursive, traditionnelle, moins expérimentale, bien que décousue, un prologue parfait de l’œuvre filmée, qui démarre dès son arrivée à New York en 1949. On peut très bien faire coïncider la deuxième partie de Je n’avais nulle part où alleravec le début de son film Lost, Lost, Lost, tourné durant ses débuts de cinéaste, où sa pauvreté lui dictait son style expérimental.


Toute la vie et l’œuvre de Mekas, écrite ou filmée, tiennent à deux choses : d’abord sa découverte et sa passion frénétique pour la littérature dès l’enfance, dans sa ferme lituanienne : ensuite les soubresauts de l’histoire qui l’ont ballotté durant des années, sans attaches, sans argent. Dans sa jeunesse héroïque, Mekas est presque un cliché tragi-comique du jeune bohème qui échafaude mille théories, mille projets artistiques tout en survivant d’expédients. Un personnage digne du héros de La Faim de Knut Hamsun, l’aspirant écrivain qui crevait de faim et mangeait ses poches en errant dans les rues glacées d’Oslo.


La principale caractéristique de ce journal est de ne pas en avoir. Mekas, être changeant et malléable, va d’idée en idée sans s’arrêter à aucune. Il peut très bien dire : Avec Leo nous avons écrit au Vatican à propos de notre projet de nous rendre à pied à Lourdes » et quelques lignes plus loin : « Reçu mon certificat de bûcheron. » Ensuite, il va discourir sur Carl Gustav Jung… Œuvre patchwork, existence presque aléatoire.


Si Mekas et son frère – dont il parle curieusement peu – débarquent aux États-Unis, c’est un peu par mimétisme avec d’autres compatriotes déplacés, qui ne pouvaient pas envisager un avenir dans l’Allemagne exsangue de l’après-guerre, ni un retour en Lituanie, annexée par l’Union soviétiques (grand Satan pour Mekas). Le 10 février 1949, Mekas note : « Si j’atterris en Amérique, ce sera par malchance. » Le futur cinéaste semble avoir fait contre mauvaise fortune bon cœur en arrivant à Manhattan, le 23 octobre 1949. « Il faut voir New York, ainsi, de nuit depuis l’Hudson, pour en saisir l’incroyable beauté. ».


La suite est plus banale, ou presque. Mekas deviendra le chroniqueur privilégié des années fastes de l’underground (1950-1960), le premier cinéaste à « engranger », comme il dit, tout ce qui présente chaque jour devant son objectif. Aujourd’hui encore, il continue. En vidéo.


Vincent Ostria, Elle, 13 décembre 2004



L’odyssée underground


De Jonas Mekas, on savait surtout qu’il était l’emblème du cinéma underground américain, et qu’il fallait se précipiter lorsqu’une cinémathèque lui rendait furtivement hommage, car ses films sont des étoiles filantes. On savait aussi que, grâce à son énergie et à sa plume dans Village Voice, il permit au cinéma d’exister loin des majors. Plus rarement, on le connaissait comme poète. Pour nous, l’inventeur de l’underground était new-yorkais. De fait, son journal, « je n’avais nulle part où aller », comme la phrase-clef d’une vie, nous apprend que Jonas Mekas, né il y a quatre-vingt-deux ans dans un village de Lituanie, fut longtemps sans racines, déplacé de camp de travail nazi en camp d’internement. D’évasion en évasion, tentant de rejoindre le Danemark, il partit moins pour l’Amérique que pour l’inconnu. C’est une odyssée d’écrivain, un journal tenu entre 1944 et 1955. On peine à croire qu’il provient d’un tout jeune homme, certes surdoué, mais qui gardait les vaches dans son village et n’avait pas d’autre ambition que de survivre. En tout cas, pas celle de publier. Poésies et descriptions se mêlent, et ce qui frappe, c’est l’exigence de simplicité, la clarté, comme si l’auteur envisageait tout de même la possibilité d’un lecteur imaginaire et ignorant, souvent interpellé. Le sens des dialogues aussi. Une caméra invisible note les répliques, capte les détails : 31 décembre 1944, en camp de travail forcé à Hambourg, « Vous devriez regarder parfois les vaches dans les yeux. Elles ont une expression sereine, paisible, entière. C’est comme un baume. » Toutes les vies croisées dans une journée, toutes les émotions circulent dans le texte, et toujours avec une absence d’emphase. 9 juin 1945, en camp de personnes déplacées, crées par les forces alliées à Mürwik : « les baraquements sont bruyants, il y a trop de monde. Je n’arrive ni à écrire, ni à lire, ni à penser. Alors, je vais marcher dans les champs. Je subis des changements inquiétants. » Dix ans plus tard, New York, les dialogues sont merveilleux. Il est l’étranger, qui fuit sa mémoire, et qui ne parvient pas, au grand dame des ses nouveaux amis, à finir son Coca Cola. Ou encore celui qui s’interroge sur les raisons pour lesquelles le mot mouton, en anglais, ne peut pas être au pluriel : « C’est parce que les moutons sont stupides. Qu’il y en ait un ou cinq, ça ne fait aucune différence. » En 1955, alors qu’il a déjà fondé la revue Film Culture, mais qu’il marche sans argent pour se nourrir : « Chaque fois que je m’arrête de courir et tends un peu l’oreille, je les entends, les douces voix du passé. Tu n’as pas idée du courage qu’il me faut pour continuer à courir. Ils me reviennent, les souvenirs. Ils fondent sur moi et m’enserrent […] » Le journal, généreux en photos, bien édité et traduit, se clôt par des lettre à Pénélope. Ithaque est New York, et Jonas Mekas sait déjà qu’elle lui donne place en pays de cinéma, fut-il aussi minoritaire qu’utopique.


Anne Diatkine, Les Inrockuptibles, 15 décembre 2004



Mekas qui s’est passé ?


Parution des carnets d’exil du cinéaste expérimental.


Je n’avais nulle part où aller n’est pas un livre sur le cinéma. C’est un livre du cinéma avant le cinéma, un livre malheureux et humain où un type de 25 ans confie qu’il ne veut pas se « rattacher à ce monde : J’en cherche un autre dans lequel cela vaudrait la peine de le faire » Un drame cocasse où quatre amis, internés dans un camp, s’autorisent à rêver des folies qu’ils pourraient faire s’ils arrivaient un jour à atteindre l’Amérique, Le premier rêve de manger, le second de se saouler, un autre de travailler. Jonas, lui, ne dit rien. Son rêve de cinéma, il faut le trouver ailleurs, quand il confie avoir vu La Ruée vers l’or de Chaplin ( première incursion du cinéma dans ces notes pétries de littérature).


Puis plus loin, en date du 13 octobre 1947. Il vient de découvrir Walden, de Thoreau, livre magnifique dont il empruntera le titre et transposera la substance contemplative dans le journal filmé qu’il tiendra dans les années soixante. Je n’avais nulle part où aller est, en somme, son Walden avant l’heure, un Lost Lost Lost des origines, un livre d’histoire, un livre de temps. L’espoir est son horizon mais les années y tombent comme des poignards. 24 décembre 1947 : « Et maintenant c’est Noël, il fait nuit, et j’ai le cafard dans la pièce bleue. »


Philippe Azoury, Libération



Les carnets d’un clochard céleste


en 1944, Jonas Mekas fuit la Lituanie avec ses livres. Il erre à travers l’Europe jusqu’en 1949, date de son arrivée à New York, où il deviendra un des grands poètes du cinéma.


Un précieux journal des États-Unis : quinze ans après leur parution sont enfin traduits les écrits de jeunesse de Jonas Mekas, inventeur d’une manière de filmer très personnelle et d’un cinéma à hauteur d’homme. Mekas, auteur de films fragiles et anti-hollywoodiens, bricoleur génial, est tourné depuis cinquante ans vers la rue, les petites choses, le banal, les sentiments, les émotions, les sons, les images, la vie – « l’évidence de la simplicité », dit un critique.


Ses carnets couvrent les années 1944 à 1955. Lorsqu’il commence à écrire, Jonas a 22 ans et fuit la guerre, une main dans celle de son frère, Adolfas. Sa Lituanie natale est occupée par l’Allemagne. La police nazie n’est pas loin de le débusquer dans la petite grange où il tape les bulletins hebdomadaires de la Résistance. Il faut fuir. Sa constitution est fragile, son âme est celle d’un poète. Ce n’était pas un geste politique, juste un réflexe animal, écrira-t-il bientôt. Le jeune homme quitte son pays et les siens sans savoir qu’il ne rentrera chez lui qu’en 1971. Ce sera pour tourner « Reminiscences of a journey to Lithuania », qui le consacrera définitivement comme le « cinéaste à part », celui qui, mieux que personne, mêle à son journal de bord une observation du monde qui n’appartient qu’à lui – beaucoup de chaleur, autant de drôlerie. Mais pour l’heure, amaigri, coiffé de son éternel feutre gris, ses valises pleines de livres, le voici sur les routes, en partance pour Vienne et son université. Bloqué en Allemagne, il erre avec son frère de camp de travail en hébergements de fortune pour « personnes déplacées ». Il fait froid. On manque de tout. La mort frappe.


Écrire le lave de toute cette boue, l’absout, le sauve. « Mon seul rapport à la vie réside dans ces griffonnages », écrit-il. Ce journal est celui d’un panthéiste contemplatif. « Ah, le bonheur de traire les vaches, quand tu appuies ton front contre leur ventre chaud ».


Il y a une vie pendant la guerre, il la raconte à sa façon décalée. Novembre 1947 : « Nous avons mangé la radio, nous avons mangé la machine à écrire, les vêtements, les livres. La pièce paraît un peu plus nue, nous avons davantage d’espace. Mais nous sentons toujours nos ventres vides. » Février 1948 :« Adolfas vient de rapporter cinq œufs. Je ne sais pas du tout où il se les est procurés. C’est presque un miracle comme s’il les avait pondus lui-même. »


Dans la tourmente, Jonas Mekas est un clochard céleste. Il regarde les exilés attacher de pauvres meubles sur des carrioles de fortune tandis que lui n’emporte jamais que ses livres. Des livres et des livres, des siècles de littérature. Un jour de grande fatigue, pour s’alléger, il abandonne sur une route les œuvres de Goethe. Un crève-cœur. On croit lire Orwell découvrant la dèche à Paris et à Londres. « Partout le long des routes et des voies de chemin de fer, ce ne sont que véhicules militaires, canons, wagons, tanks désintégrés[…]. Certains véhicules ont été transformé en lieux de vie, ou plutôt de survie. Des vêtements sèchent sur des fils accrochés aux carcasses de tanks. Les gosses se perchent sur les canons, c’est leur terrain de jeu, leur jardin d’enfants. Cela restera comme les meilleurs souvenirs de leur vie. »


Perdre sa vie à la gagner, quelle absurdité, songe-t-il au moment d’embarquer pour New York en 1949. Les frères Mekas voulaient émigrer en Israël, « aider un État neuf à prendre vie ». Pas de place pour eux en Terre promise mais on leur tend deux passeports pour le rêve américain. Jonas Mekas n’est pas chaud. « Rien que de penser à tous ces gens qui travaillent dans des bureaux ou des usines – ces asiles de fous –, je sombre dans une panique noire.  […]L’humanité, depuis si longtemps qu’elle s’est engagée dans cette voie, ne sait simplement pas comment faire machine arrière. En ce moment même, la civilisation figure dans la colonne « stade critique ». Elle progresse en rampant à travers les brèches étroites de son propre industrialisme, sans pouvoir faire demi-tour. »


De l’autre côté de la mer, Jonas Mekas sera ouvrier de blanchisserie, assembleur dans une fabrique de jouets, à trimer jusqu’à ne plus sentir ses doigts. Un jour, avec Adolfas, il achète sa première caméra Bolex pour filmer la communauté lituanienne de Brooklyn, l’amitié entre les gens, le quotidien, les petites choses. L’autre vie a commencé.


Anne Crignon, Le Nouvel Observateur, 3 janvier 2005



Jonas Mekas, l’exilé « enraciné dans le néant »


Journal. Entre juillet 1944 et août 1955, le Lituanien Jonas Mekas consigne la nostalgie douloureuse et les émotions d’un jeune exilé et sa découverte de l’Amérique.


Quand il a quitté son village de Lituanie, à 22 ans, pour éviter la mort, Jonas Mekas connaissait par cœur le nom de ses quatre-vingt-dix-huit habitants et avait lu tout ce qui s’était jamais écrit en lituanien, « y compris les volumes regroupant d’anciens numéros des magazines et des journaux ». Soixante ans plus tard paraît en français le journal d’exil de ce jeune homme affectueux et cultivé, rédacteur en chef du journal de sa province, poète, résistant ardemment recherché par les Allemands. Et qui ne revint jamais au pays.


Rédigé entre 1944 et 1955, ce carnet de bord d’un « déplacé » offre, comme nombre de journaux intimes auxquels il s’apparente, sa nature hybride, alternant annotations triviales, descriptions lyriques, souvenirs douloureux, réflexions métaphysiques et religieuses… Ici ou là surgissent à l’improviste des « histoires courtes » ou des dialogues imaginaires ; fiction entrelacée comme un lierre à la réalité déchirante de l’exil.


Le récit bouleversant de Jonas Mekas, dont le parcours erratique s’achèvera à New York à la fin de l’année 1949, où il vit toujours depuis l’âge de 80 ans et où il deviendra un artiste renommé, illustre ce chapitre tragique de l’histoire de la Lituanie, lorsque jeune nation ayant réussi à échapper au joug allemand puis russe, elle est de nouveau annexée par l’URSS. La « soviétisation » du pays, à partir de 1944, poussera à l’exil des centaines de milliers de personnes et empêchera le retour de ceux qui avaient déjà fui. Lorsque Jonas Mekas commence son « journal », en juillet 1944, il est dans la banlieue de Hambourg (Allemagne), prisonnier dans un camp de travail forcé, en compagnie de son frère aîné, Adolfas. Les deux jeunes gens ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de rejoindre Vienne, en Autriche, d’où ils espéraient, sur les conseils de leur oncle pasteur, gagner la Suisse. Suivront cinq années de misère et d’errance.


Ces pages dessinent, en pointillé, l’étendue du désastre. Faim, angoisse, sommeil las, solitude. Tristesse des camps (Flensburg, Wiesbaden, Mattenberg), des baraquements et de leurs occupants, ce peuple gris à la vie incertaine et aux rêves interdits. « Je suis enraciné dans le néant », écrit Jonas Mekas. Les années s’écoulent, que l’auteur compte en Noëls passés loin de chez lui, de sa mère. La douleur de la nostalgie imprègne chaque mot, mais elle s’exacerbe lorsque l’auteur, dans un lyrisme contenu, évoque les nuits d’hiver de son enfance « protégées des bourrasques de vent cinglant les vitres », l’attente de la neige et l’ivresse qu’elle procure, « les forêts embaumées par la mousse et les fraises sauvages ». « Je touche la terre d’ici – et l’autre s’éveille en moi. Je regarde le ciel – mais c’est l’autre que je vois. » Mots sobres pour traduire la lente asphyxie d’un être dépossédé de l’essentiel.


Il est un espace, pourtant, dont on ne privera pas Jonas et Adolfas Mekas : la poésie. Le petit commerce des camps, mais aussi, à certains moments, la relative proximité d’une bibliothèque, permettent aux deux frères de se procurer encore quelques livres. Valéry, Rilke, Mallarmé… les poètes assureront leur survie. Parfois, la musique et le cinéma illuminent le quotidien des camp. C’est ainsi que Jonasa Mekas découvrira La ruée vers l’or de Chaplin. Premier élément d’un pont qui se construit peu à peu en direction du Nouveau Monde.
Parvenus à un point de non-retour, ces « derniers des Mohicans », comme eux-mêmes se surnomment, se préparent à quitter l’Europe, pour « une seconde naissance ». Embarquement en port de Brême – avec neuf caisses de livres et une de vêtements –, arrivée la nuit dans « l’incroyable beauté de la baie d’Hudson ». Les premiers pas à New York sont douloureux : « J’arpente cette ville jour et nuit sans vraiment la comprendre. Rien de tout cela n’a de sens. […] Les immigrants ne s’accommodent pas de l’Amérique : en fait ils s’y résignent. […] Accommodement avec soi-même ? Non. Accommodement avec l’enfer… »


La mue est difficile. À quoi faut-il renoncer pour devenir un Américain comme les autres ? « Quel prix suis-je en train de payer pour être des leurs ? Que suis-je en train de trahir ? Aurai-je la force de résister ? » C’est pourtant avec avidité, après de rudes journées de travail comme ouvrier ou manutentionnaire, que Jonas Mekas fréquentera les musées. Et surtout, les salles de cinéma. Il achète une caméra légère et, désormais, poursuit son journal en images, inventant ainsi une nouvelle écriture, le « ciné-journal », dicté par les sensations immédiates, sans souci des règles techniques ou esthétiques.


Jonas Mekas est ainsi devenu un cinéaste rare et respecté, défendant les approches expérimentales du septième art. À New-York, en 1953, il fondera la revue d’avant-garde Film Culture, puis, en 1970, l’Anthology Film Archives (l’équivalent de la cinémathèque française) et participera à la création d’une coopérative de réalisateurs indépendants. Des années qui ont vu son destin changer de cours restent ces feuilles familières et nobles. « Je vous invite à lire cela comme les fragments de la vie d’un homme. Ou comme la lettre d’un exilé qui se languit de son pays. Ou alors comme un roman, une pure fiction. Oui, je vous invite à y voir une fiction. Le sujet, l’intrigue qui relie cela comme ces fragments, c’est ma vie, ma sortie brutale de l’adolescence. Le méchant ? Le méchant, c’est le XXe siècle. »


Geneviève Welcomme, La Croix 27 janvier2005