— Paul Otchakovsky-Laurens

Opérateur le néant

Hubert Lucot

Roman ayant la forme d’un journal intime non daté, Opérateur le Néant lance sur les pistes du temps, de la violence et de la mort (mort des humains, extinction de leur amour) un certain nombre de personnages, notamment de toutes jeunes femmes, mais aussi le héros-narrateur et sa compagne, alors que la guerre fait rage et que le climat planétaire poursuit son inexorable dégradation.
Paradoxalement, le lecteur retiendra fraîcheur et jeunesse dans cette réalité catastrophique, comme si celle-ci faisait apparaître par contraste le miracle de l’être.


 

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La presse

Lucot motive



C’est moins l’auto que la bio, moins la bio que la graphie qui importe ici. Comme Lucot l’a écrit ailleurs, la question
est d’ordre ontologique : non pas "Qu’est-ce qui fut ? mais Qu’EST ce qui fut ?"


Dans Opérateur le néant, on est content, on flotte dès le début avec "la clarté vide d’un salon de thé". C’est un documentaire "fractal" sur la mémoire d’un homme, on se sent chez soi, c’est-à-dire chez Proust et Stendhal, dans une oeuvre qui exprime ce qu’on pense, non pas de la manière banale dont on aurait pu se l’écrire tout seul, mais dans cette forme unique qui révèle l’esprit à lui-même.

Il faut préciser que Hubert Lucot a fait un bref passage par Tel Quel. Il en reste dans ce "roman" entre autres le personnage de Jean-Edern Hallier, apparaissant "dans une antériorité sublime : le grand écrivain à l’instant éternel où il n’a encore écrit aucun texte". C’est tout le principe d’Opérateur le néant : regarder en arrière celui qu’on était au moment où il regardait en avant.

Rien de passéiste pourtant car ce goût de l’antan est en réalité, on l’a dit, un goût de l’Etre présent, une façon de "cadrer" (voilà le (chef) opérateur du titre) le monde, et aussi avec son temps. "Je cadre l’avenir qui fut (possible) et qui n’est plus, l’avenir non réalisé qui constituait le moteur du passé", seule forme de vérité présente, face à la facticité imposée partout, comme celle de ces jeunes femmes que croise Lucot et qui lui semblent "des cadavres retouchés (...). Leur être profond (dirai-je "réel"?) a 20 ou 30 ans de plus que leur image". Opérateur le néantmet en effet une réflexion classique sur la vanité (c’est beau comme Bossuet), au service d’un marxisme inoxydé.


Eric Loret Libération, 14 avril 2005



(…) on reçoit une émotion pluritemporelle à teintes multiples, faire un voyage dans le temps, au zoom spatio-temporel, superposition d’espaces, insertions dans un monde feuilleté, intervalles entre progression et étroitesse.
(…) on raconte que dans les quelques secondes qui précèdent la mort, on assiste à un déroulement accéléré et complet de sa vie. On imagine cette succession des grands et petits événements, des êtres aimés, ceux rencontrés, des accidents de la vie, le tout sur un mode quasi-objectif, soi face à son histoire. Opérateur le néant est de cet ordre / désordre là, mais au ralenti, avec un fil conducteur, A.M(our).


Véronique Vassiliou et Lorenzo Menoud

Et aussi

Hubert Lucot est mort.

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