Quand il est revenu à Kaboul pour la première fois depuis près de vingt ans, après la chute du régime des Talibans, Atiq Rahimi a découvert une ville et un pays détruits par la guerre. Il les a photographiés, il les a écrits. Le Retour imaginaire est le livre qu’il a fait avec ces images et avec ce texte. C’est une réflexion sur l’exil, et sur le retour.
Les photos, une cinquantaine, ont été sciemment prises avec un vieil appareil à trépied, une boîte en bois, utilisé pour les photos d’identité et en principe pas adapté à des plans larges ou éloignés. Ainsi ces clichés en noir et blanc de rues, de...
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Quand il est revenu à Kaboul pour la première fois depuis près de vingt ans, après la chute du régime des Talibans, Atiq Rahimi a découvert une ville et un pays détruits par la guerre. Il les a photographiés, il les a écrits. Le Retour imaginaire est le livre qu’il a fait avec ces images et avec ce texte. C’est une réflexion sur l’exil, et sur le retour.
Les photos, une cinquantaine, ont été sciemment prises avec un vieil appareil à trépied, une boîte en bois, utilisé pour les photos d’identité et en principe pas adapté à des plans larges ou éloignés. Ainsi ces clichés en noir et blanc de rues, de personnages, de perspectives, de situations sont-ils comme nimbés d’une imprécision douloureuse, et pour cette raison, précisément, ils rendent extraordinairement compte de la tristesse et de la nostalgie qui s’emparent d’un voyageur en qui passé et présent se mêlent cruellement.
Le texte, à la fois lyrique et lapidaire, confronte deux personnages qui sont en fait, le même, contradictoire : celui qui est parti et revient, celui qui est resté. Il décrit leur impossible dialogue cependant qu’il tresse leurs voix qui s’opposent et se répondent, et chantent ensemble l’impossible réconciliation de l’être séparé de lui-même.
« Mais moi ce n’est pas la beauté que je cherche. Je cherche à faire revivre le sentiment que l’homme éprouve en regardant une cicatrice. Chaque fois que nous regardons une cicatrice nous ne pouvons nous empêcher d’en repenser la douleur. »
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Kaboul, la vivacité de la mémoire
En 1984, l’invasion soviétique en Afghanistan amenait Atik Rahimi – il avait 22 ans – à fuir son pays natal. Quelques mois plus tard, c’est en France qu’il s’installait, obtenant bientôt le statut de réfugié politique. Devenu cinéaste, écrivain – il a publié chez P.O.L, deux romans, Terre et cendres et Les Mille Maisons du rêve et de la terreur, et, du premier, tiré un film éponyme –, Rahimi est retourné il y a trois ans à Kaboul. Les talibans – « l’armée des Ténèbres » – avaient quitté le pays. Le voyageur, de retour chez lui, posant les pieds dans ses propres traces, découvrit un monde ruiné, naufragé, détruit. C’est ce que racontent, dans ce beau livre en noir et blanc, tant les mots graves de Rahimi que les photographies étrangement intemporelles qu’il a prises à Kaboul. Des visages, des paysages, des autoportraits, qui racontent la ville dévastée, les ravages de la violence, le deuil. Un monde au crépuscule, mais peut-être, aussi, la promesse d’une aube – le calme des survivants, la permanence des légendes, la vivacité de la mémoire plaident pour cela.
Nathalie Crom, La Croix, jeudi 1er décembre 2005
Atiq Rahimi le retour, en terre natale, en terre afghane. Après des années d’exil, que regarder, que saisir ? Il se parle à lui-même : « Si tu veux que tes photos te renouent avec ton passé, laisse tomber tes appareils. Ce qu’il te faut c’est un appareil qui sache voir. » L’appareil qui sait voir, c’est l’âme. Atiq Rahimi, écrivain, cinéaste, photographie comme il sait dompter les mots, avec douceur. Une rue de Kaboul, un vieillard tranquille, des gamins éparpillés entre des murs éboulés : « Ici les enfants apprennent la mort dès leur premier souffle. »Atiq Rahimi, auteur du fabuleux Terre et cendres (P.O.L, 2000) file son passé, s’empare du présent, et renoue avec l’art de raconter des histoires. Celles, anciennes, d’un pays perdu. Kharâbât, le quartier des musiciens de Kaboul : en ruine. Le cimetière des martyrs : en ruine. Rahimi cherche le corps de son frère. Il se sent « plus étranger qu’un étranger »sans une tombe où se souvenir. « Tout finit par passer », écrit-il en leitmotiv.
Martine Laval, Télérama, mercredi 18 décembre 2005