— Paul Otchakovsky-Laurens

Cavale

Nathalie Quintane

Ayant tué à coup de boule de bowling un touriste russe, le narrateur décide de fuir à vélo les bords pollués du lac Salton...
De la Californie du Sud à la Lost Coast, via... la forêt de Compiègne, il rencontre une série de personnages loghorréiques et plus ou moins affamés – le contre-rhétoriqueur paranoïaque, la jardinière égarée, le collectionneur de petits cyclistes, un pêcheur (curieusement silencieux), un dominicain vulgaire, un Canadien sympathique... et même Jeanne Hachette. En faisant irruption, ils viennent sans cesse trouer la cavale du héros – et la cavale du roman vers sa fin.
Roman excentré, qui...

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La presse

Nathalie Quintane épuise les possibles d’une fiction, ou plutôt de ses débuts, sur le mode d’une fuite perpétuelle. Il y a, pour ouvrir la Cavale véloce de Nathalie Quintane, vingt et un débuts, pas moins, et autant de variations sur les poissons (dorade, silure, murène...), comme sur la combinatoire des romans possibles. Vingt et un débuts, reliés par des motifs communs, des échos cocasses, des coq-à-l’âne narratifs qui donnent le tournis : une petite merveille de mécanique décalée, faussement déréglée, qui joue avec le rituel de la fiction et les fonctions multiples d’un personnage récurrent, dédoublé, intrigant - l’oncle. On pourrait même dire « Mon oncle », puisque Nathalie Quintane cite Tati et titille nos zygomatiques : on rit beaucoup, dans ce monde improbable qui vacille entre l’Amérique et la Picardie, d’un tonton à l’autre, entre récit et poésie. On y est aussi un peu perdu, bien sûr, puisqu’il faut reconstituer tant bien que mal une histoire, en piochant tantôt dans l’Empire romain du sadique Védius Pollion, tantôt dans l’ambiance gouailleuse du Paris de la bande à Bonnot... On peut même se dire qu’on nous l’a déjà fait, ce coup du roman-kit (et volontiers kitsch) qui se démonte tout en s’écrivant : on se souvient, par exemple, qu’un gentilhomme du nom de Tristram Shandy s’y était employé autrefois avec génie. Mais ce serait bouder notre plaisir, car il arrive finalement qu’elle commence, cette Cavale (à vélo) promise par le titre : il suffit d’attendre le deuxième chapitre et son improbable narrateur, armé d’une boule de bowling, dans un bar égaré quelque part vers Salton City...


Voici donc un roman d’aventures déjanté, à partir d’une affaire loufoque de touriste russe assassiné, avec un soupçon de Thomas Bernhard et un zeste de Richard Virenque : on trouve de tout, ou presque, chez Nathalie Quintane, et on ne peut que s’en réjouir. Il y a en effet une pure jubilation à ne pas choisir, dans ce livre qui se rêve riche de toutes les pistes possibles, entre lesquelles l’auteur refuse de décider pour nous : « Oui et non, écrit-elle ainsi, sont les limites à l’intérieur desquelles se love le quelque chose de littéraire. Et personne ici pour protester, dire : ce n’est pas ceci et : c’est cela. » On ne tranchera pas.


Fabrice Gabriel, Les Inrockuptibles, mai 2006