— Paul Otchakovsky-Laurens

L’ amour comme on l’apprend à l’École hôtelière

Jacques Jouet

Avant de nourrir et d’héberger, l’hôtel et le restaurant se doivent d’être les lieux rêvés de l’amour. C’est là la conviction de Georges Romillat, jeune professeur d’amour à l’École hôtelière.

Avec une de ses élèves qui devient sa femme, il fonde l’Hôtel du Large afin que la pratique ressemble à la théorie.

L’imprévisible imprévu voit la naissance d’un fils phénoménal : Sylvain, enfant prodige et prodigue, champion du sexe précoce, de l’homosexualité, de la mythomanie, du spectacle-roi, du bonheur marginal, de la générosité et de...

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La presse

Hôtel particulier


Jacques Jouet dit les grandeurs et les décadences de la condition hôtelière.


Le livre n’est pas mince, 28 cahiers de seize pages, de quoi lire, et pourtant, un long moment, on se contente d’en méditer le titre, comme s’il était à lui seul un roman ouvert, à la discrétion inventive de chaque lecteur. On ne savait pas que l’amour s’enseigne dans les écoles hôtelières, alors qu’il suffit d’avoir fréquenté quelque peu les hôtels pour comprendre qu’à l’évidence, il y a matière. C’est un roman, un gros roman, qui commence, comme il se doit, par un avertissement qu’on croit rituel avant qu’il ne s’évade avec son dernier mot : « Toute ressemblance des personnages de ce roman avec des personnes existant, ayant existé ou existant dans le futur et le concret ne saurait être que le fruit de la potentialité. ». « Potentialité » nous rappelle que Jacques Jouet est un membre éminent de l’Oulipo, Ouvroir de Littérature Potentielle, mais, dès la première phrase du récit, on l’oublie pour longtemps, jusqu’à l’épilogue où il faudra bien s’expliquer sur les fruits de cette potentialité : « Le deux février 1930, à six heures du matin, naquit Georges Romillat entre les cuisses de sa mère. Elle dira volontiers, sa vie durant, qu’il vint dès le début jouer entre ses jambes », ce ton de narration va nous tenir éveillés pendant quatre cents pages, quatre cents pages d’histoires humaines, drôles, parfois loufoques, grandeur et décadence du sentiment hôtelier sur deux générations. Romillat n’est pas le premier venu, on l’a croisé quelquefois dans d’autres livres de Jacques Jouet. L’histoire de Georges d’abord, puis de Sylvain, à travers un demi-siècle d’Histoire de France.

Georges, d’abord, fils de pâtissier, brillant écolier, tuberculeux bien soigné en sanatorium, représentant du Chasseur français, et bien vite professeur d’amour à l’école hôtelière. Il épouse Mariette et rêve avec elle de mettre en pratique les théories qu’il professa. Il fondent l’Hôtel du Large à Étampes, avec, pour comptable et âme tutélaire, Julie, bigote hygiéniste et sœur aînée de Georges. Tout va bien dans le meilleur des mondes hôteliers possibles jusqu’à ce que la guerre d’Algérie qui ne dit pas encore son nom vienne briser les hommes et les rêves. Mariette accouche de Sylvain pendant que son homme est encore à Oran à n’en pas croire ses yeux. Bientôt, ils auront trente chambres d’amour, un restaurant soigné et des triplés, dont Benjamin, dit Jiji, dont il faudra bien reparler.
La seconde partie s’appelle Sylvain, du prénom de l’aîné qui va mettre cul par-dessus tête toute la maisonnée. Mauvais sujet, chapardeur et charmant, Sylvain trouve vite sa voie : une activité sexuelle, homosexuelle surtout, débordante et appréciée de ses partenaires. Il nous fera traverser les plus beaux culs de Beauce et de Navarre, hilare et insouciant, beau et monté comme un astre. Traverser Mai 68 avec entrain, jusqu’aux années sida que personne non plus n’avait vu venir. Sylvain ne viendra pas à bout de l’Hôtel du Large, le capitalisme hôtelier s’en chargera.

On lit le gros du livre comme si nous y étions (nous y fûmes) sans chercher à en savoir plus qu’on nous en dit. On s’étonne bien sûr d’y trouver des notes de bas de pages qui les envahissent parfois jusqu’en haut, d’un autre ton, d’une autre assurance, comme si ce qu’elles disent était au plus vrai ce que le texte a romancé. Elles engendrent parfois leurs propres notes, une descente en abîme, vers des lettres de plus en plus petites comme on remonte le cours d’un ruisseau jusqu’à la première goutte. Une note occupe neuf pages du livre en si petits caractères qu’elle contient à elle seule un vrai roman gigogne passionnant. D’autres phrases, rares, mais placées comme des scrupules entre l’œil et la paupière du lecteur, viennent lui rappeler qu’il a entre les mains un livre écrit mot à mot par un auteur conscient de son art, lui dire que cet Amour comme on l’apprend à l’école hôtelière est un roman, pas un rêve, lui préciser une règle d’accord, ou l’impossibilité qu’il y a à faire tenir dans un livre des vies entières.
Page 420, comme pour prévenir de l’épilogue qui nous pend au nez, apparaissent les premières phrases à la première personne. On n’avait pas compris que ce Benjamin, dit « Jiji », est l’auteur, Jacques Jouet, dénoncé par ses initiales. À la fin de l’envol, l’aveu. Jouet nous dit que ce roman est celui de sa famille, que tout est vrai, qu’il s’est contenté de changer les noms, les époques et les lieux, de jouer au bonneteau avec les professions et les liens de parenté, bref « Le roman s’est écrit mutatis mutandis, en changeant ce qui doit être changé, en inventant ce qui n’est pas su », page 430. Et, pour preuve, il a publié, page 398, seule image du livre, la photo de « Sylvain aux chaînes », décrite pour une autre bien avant dans le livre sans qu’on puisse deviner qu’on la verra, et dont il dit maintenant que c’est un autre. Jouet, pourtant, ne nous laisse pas sur ce vertige, il nous ramène vers le récit au Portugal où tout pourrait recommencer quand tout est fini. […]


Jean-Baptiste Harang, Libération , 31 août 2006




Tout commence par le titre, un titre tellement évocateur qu’il pourrait s’apparenter à un premier paragraphe fictif. Georges Romillat est un infatigable bâtisseur de son destin d’hôtelier d’exception. À L’école hôtelière, ce professeur d’amour théorise les plus belles déclarations que peut faire un hôtelier de son métier. Là, il y rencontre Mariette et passe de la théorie à la pratique. Puis arrive la guerre d’Algérie et la mobilisation ; Georges en revient brisé, ébranlé dans ses certitudes. Avec la naissance de Sylvain, le registre et le ton changent. Sylvain est jouisseur, tricheur, mythomane, voleur, séducteur, homosexuel et talentueux baiseur, rien ne résiste à son charme et à sa mystification… Le lecteur traverse avec lui Mai 68 et les années sida qui lui seront fatales.


Un roman exceptionnel, où Jacques Jouet ne rate pas une occasion de nous balader à travers des notes de bas de page, dont certaines frôlent le phénoménal sans jamais nous lasser.


Rosa Aoudia-Tandjaoui, Page, octobre 2006



Sous le titre le plus cocasse de la rentrée, [Jouet] donne une saga hôtelière et familiale sur fond d’histoire de France, des Trente Glorieuses à l’an 2000. […] Jouet joue sur les contraintes et s’autorise toutes les fantaisies d’écriture, faisant de son texte un régal pour l’œil autant que pour l’esprit.


Bernard Quiriny,Le Magazine Littéraire, novembre 2006



Le livre [est] magnifique, foisonnant, émouvant, sans doute parce que Jacques Jouet a réussi à retrouver un esprit littéraire qu’on croyait perdu depuis bien longtemps, celui du feuilleton.


Baptiste Liger, Lire, novembre 2006



L’écrivain oulipien ressuscite la figure d’un frère extraordinaire dans un roman long en bouche, joyeusement effronté.


L’auteur s’attaque au roman familial dans L’Amour comme on l’apprend à l’école hôtelière, dont on ressort l’esprit en ébullition et les zygomatiques musclés. […] Thème central du roman, le désir qui peut aveugler l’homme, mais aussi devenir le moteur de son art. Il nourrit ici une narration gourmande et effrontée, fourmillant de notes de bas de page et de périples relatés sous un angle loufoque. En résulte un texte merveilleusement singulier, qui traverse la seconde moitié du vingtième siècle fenêtres grandes ouvertes sur le monde, sur l’histoire économique, politique, sociale et culturelle.


Élisabeth Vust, 24 heures, 9 novembre 2006



Saga familiale sur deux générations, roman du mariage et de l’enfance, de la vie quotidienne et de la vie rêvée, puits de culture et d’humour, ce tour de force littéraire et hôtelier mérite distinction : quatre étoiles


Gilles Chenaille, Marie Claire, décembre 2006



L’amour, révolution permanente


L’ampleur va bien à Jouet. Il possède le souffle d’un feuilletoniste capable de tirer l’œil sur un détail pour mieux rebondir vers un autre et brosser, panneau après panneau, une fresque. […] Le roman traverse la fin du vingtième siècle à toute allure. Et il est impossible de le lâcher.


Pierre Maury, Le Soir, 1er décembre 2006



Gloire et chute de l’Hôtel du Large


C’est pour son frère aîné Michel (1940-1990), « la plus extraordinaire personne » qu’il ait jamais rencontrée, que Jacques Jouet a eu envie d’écrire ce roman familial : « Je vais mourir, mais je me suis bien amusé », déclarait Michel peu avant de succomber au sida. Facétieux membre de l’Oulipo, l’auteur ne s’en tient pas au simple exercice de mémoire et il précise avoir obéi à trois principes : inventer au lieu d’enquêter sur ce qu’il ignore du passé déplacer les faits d’une trentaine d’années dans le temps, de 1950 à 1980 ; enfin permuter les professions de son père marchand de bois et de son frère hôtelier. À partir de quoi il a pu donner libre cours à sa fantaisie.
Poète, amateur de théâtre et grand lecteur de Dumas, Jouet a voulu retrouver l’esprit du roman-feuilleton, avec ses rebondissements, ses digressions et ses personnages multiples qu’on quitte et qu’on retrouve, ou dont on suit plus ou moins brièvement le destin dans une note de bas de page. Certaines de ces notes prennent leur autonomie pour constituer un savoureux canular (la supposée lettre du jeune Freud à Ferdinand de Lesseps) ou une sorte de nouvelle dans le roman (la création durant la guerre d’Algérie d’une société souterraine par un sous-lieutenant français déserteur).
Des listes de noms d’hôtels, banals ou extravagants, jalonnent le récit qui a pour cadre un établissement modeste et sérieux dans le travail : L’Hôtel du Large, à Étampes. C’est là que Georges Romillat, ex-professeur à l’École hôtelière, et sa femme Mariette ont décidé d’ériger en principe leur conviction que l’hôtel restaurant, avant d’héberger et de nourrir, doit être un lieu rêvé de l’amour. Aux yeux du lecteur, cette première partie du roman, qui précède la venue au monde de Sylvain, l’enfant prodige et prodigue, est sans doute la plus jouissive des deux. On y apprend qu’il n’existe que deux sortes d’hôteliers, « les hôtes et les hostiles » – les travers de ces derniers étant épinglés de manière très drôle et pertinente. Pour Sylvain, qui naît au moment où son père est engagé en Algérie, l’hôtel est tout ensemble un berceau, un grand livre et une leçon de choses, un terrain de jeux, un monde en réduction et « le lieu géographique de tous les mystères, la peur et la tentation doux mélange ». Choyé par sa mère, le petit garçon affiche très vite son libre caractère de cancre généreux, inventif et chapardeur, champion du sexe précoce, de l’homosexualité et de la mythomanie. À 11 ans, assistant aux événements parisiens de Mai 68, grâce à un ami plus âgé qui a la confiance de ses parents débordés par la naissance de triplés, il comprend qu’Étampes est trop petit pour lui. Parallèlement à son affranchissement professionnel et sexuel, on assiste au lent naufrage de la maison du Large, qui ne peut plus lutter contre la concurrence de tables plus renommées ou des chaînes hôtelières. Mort de Mariette, mort de Sylvain, ultime prestation professorale (piteuse) de Georges Romillat, la fin du livre est forcément moins souriante.


Isabelle Martin, Le Temps, 16 décembre 2006



5 étoiles


Quand, dans la seconde partie du livre, l’aîné des quatre enfants Romillat, homo flamboyant et délicieux devient omniprésent, il donne à L’amour comme on l’apprend L’École hôtelière ses 5 étoiles au guide Micheton du roman (gay). L’auteur dépeint, dans cette fresque familiale française, folle et farfelue, les trente glorieuses devenues foireuses. Quatre cents pages inventives, sensibles, cocasses : comme le chantait la défunte Bardot (celle qu’on aimait, la survivante n’est plus guère fréquentable), « Je manque d’adjectifs ». Un cadeau de Noël alternatif épatant aux lancinantes Bienveillantes goncourisées...


Yves Ramillon, Illico, décembre 2006



Gourmand Awards 2006 – Meilleur Livre pour École Hôtelière Gourmand Awards France – Best Hotel and Cooking School Book : L’amour comme on l’apprend à l’École hôtelière , Jacques Jouet.