— Paul Otchakovsky-Laurens

La Réserve

Liliane Giraudon

Alternance de longues séries de poèmes où circule, désarticulé, un récit, et de séquences de proses, fragments d’un journal intime. Rêves meurtriers, promenade dans une porcherie, évocation d’une Carmen rurale, braquage ou premier baiser dans la zone périphérique des villes, ici, l’amour de la poésie est inséparable de sa haine. Le recours à ce que l’auteur nomme des « genres mineurs », (journal, écrits de circonstance), doit être vu comme une véritable stratégie d’écriture, voire comme la tentative de mise en place d’un nouvel art poétique.
« Écrire c’est aussi se...

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La presse

Chroniques éclatées


Chroniques porte en sous-titre ce beau livre gonflé de terreur, de noirs vertiges et d’émotion, chroniques et non poèmes, bien que des séries de poèmes alternent ici avec des fragments de prose, de journaux intimes et de rêves. S’expriment, dans ces pages hantées, brûlées par l’amour et le dégoût, une sorte de défiance par rapport à la poésie, peut-être même de haine et d’intérêt en retour pour des genres dits « mineurs » (tels qu’ici le journal, ailleurs les cartes postales) qui donne sa forme à ce livre éclaté, ouvert au monde, livre à la fois tout simple si l’on veut et presque abyssal autrement.


Ce qui donne à lire dans ces chroniques c’est une réalité refoulée, cachée comme on cache la mort, les choses sales, les vieux, les maladies jusqu’à enfermer tout cela, qui gêne, dans des asiles, des « réserves » justement.


Le quotidien surgit dans ces pages brutales, douloureuses avec trivialité. Tout un monde de souffrances et de violence, où les sensibilités sont mises à mal, les corps meurtris, l’amour assassiné, fait irruption ici dans un livre où l’être est corps, entrailles, viscères.


Peu importe si Liliane Giraudon a tort ou raison dans ses affirmations concernant son « art poétique » : son livre ne doit pas s’accepter ou se refuser au nom de critères plus ou moins théoriques il faut se l’incorporer, le faire sien, vivre avec comme si c’était un être familier. Le livre aussi s’impose dans son être physique.


Chez Liliane Giraudon, plus que tout peut-être, importe la présence au monde. Ce livre la manifeste avec une extraordinaire intensité.


M. N., Le Figaro, mars 1995



Ecrire avec sa bouche


[...] Puissante composition où l’auteur puise, sans l’épuiser, dans sa « réserve » personnelle de mots, images, rêves, vibrations. Le genre, « chroniques » (comme une maladie, l’écriture, qui se nourrit et s’apaise d’écrire), n’est pas celui auquel on nous a habitués, ne serait-ce que sous la plume d’un Benjamin, mais ici utilisé « à la limite » d’une passion contenue. Passion du langage, communicative, réseau de goûts, saveurs, sensations qui nous manquent et qui implosent, comme après coup, dans nos têtes, nos lèvres, nos corps.


Cette réserve de poésie - poiesis, constituée de six parties ponctuées par des « morceaux de cahiers », se présente par des « symptômes » proso-poétiques dont on doit s’efforcer de dépasser l’impression d’éblouissement qu’ils suscitent à la lecture pour en dire quelque chose. Dans cette composition alternée - proso-chronique, fragments, poèmes (« potage chéri poésie-prose ») - on est frappé d’abord par le côté « palpable » de l’expression de Liliane Giraudon. Ainsi, un certain Marseille, si Marseille il y a, apparaît dans l’oeuvre comme un lieu de la répétition et de la traversée du corps. Non pas que le livre soit descriptif : moins encore autobiographique car tout y est métonymisé, objet du désir, autant ques les mots, la poésie, l’amour. Projet qui relève de la gageure et pourtant le résultat est là, ni un livre d’images, ni un livre « théorique », à la façon de Derrida [...]


Inês Oseki-Dépré, Impressions du sud, mai 1985

Agenda

Mercredi 5 juin
Rencontre autour de Liliane Giraudon au Invisible Dog (Brooklyn)

The Invisible Dog
51 Bergen Street
Brooklyn

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