— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Criminel

Leslie Kaplan

C’est un lieu singulier, à la fois clos et ouvert. Le château, ses allées, ses pelouses, les chambres blanches séparées par de grands couloirs, des gens y vivent. C’est comme une succession d’agrandissements photographiques où tout, l’existence des êtres et celle des choses, est perçu en même temps, figure sur le même plan, sans distinction hiérarchique. On perçoit presque physiquement les volumes, la densité des objets, leur couleur, leur consistance ; les vies s’organisent, celle de Jenny et Louise qui se promènent, s’aiment, s’observent, celle de Camille, de Serge, de Michèle. Le criminel est là aussi, mais il est peut-être,...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage Le Criminel

Feuilleter ce livre en ligne

 

Traductions

Allemagne : Manholt | Norvège : Audiatur

La presse

La douceur aiguë de Leslie Kaplan


En trois courts ouvrages, l’Excès-l’usine, le Livre des ciels et, aujourd’hui, le Criminel, Leslie Kaplan a imposé un ton, une écriture douce, contenue, violente sans éclat. Comment faire ressentir la vie en miettes, la dépossession ? Il fallait, pour dire l’usine, des mots en suspens, un peu discordants. De même ici pour le « château », cette grande maison avec des petites chambres blanches où vivent, apparemment, des aliénés. C’est aussi, sans doute, une métaphore. « Il y a un douceur, elle est bien supportable à cause de la tension. La tension vient du lieu, de toutes les personnes, de toutes et de chacune, et cette cohabitation mouvante, sans retenue, permet quelque chose de pur et d’abstrait, de formel. Une patience ».


Dans cet espace bien circonscrit, des visages, des peurs, une attente. Le criminel c’est peut-être l’un de ces gens-là, le parricide par exemple. Ou bien c’est n’importe qui, c’est « l’autre jamais connu », dont on sent la présence, dont on est, forcément, séparé. Il y a la chaleur de l’été, la lumière, la vibration de l’air. Et Jenny : « elle aime tout le monde, en un sens », mais surtout Louise. Elles sont souvent ensemble, s’habillent quelquefois pareil, s’affrontent en colères blanches.


Tout le livre s’achemine, lentement, vers une fête, un moment de plénitude précaire. Les uns et les autres sont réunis, sur la pelouse. Tout est si grisant, le bal, les gâteaux, le tournoiement, même la tristesse de ce qui s’achève. On perçoit comme à travers un voile, sauf la dernière note, insistante, celle du saxo, au petit matin.


M. P. Le Monde, février 1985



Leslie Kaplan a une manière bien à elle d’aller voir (et de donner à voir) les choses de ce monde. Sa littérature opère à la façon d’une vrille : quelques copeaux, de minuscules chutes et une « langue qui chemine, tranquille, sous les mots », pour nous conduire au noyau dur de vies et de sites mêlés.


Déjà, dans ses deux premiers ouvrages (L’excès-l’usine, Le Livre des Ciels ), Leslie Kaplan avait inauguré cet art pointilliste, écriture par petites touches (ou taches), un mot par son, par odeur et par couleur. On pressent le piège d’un tel procédé : concision devient sécheresse, exactitude préciosité et le tout tombe à l’eau.


Or, rien de semblable chez Kaplan. Dans Le Criminel, sa matière, une nouvelle fois, « ce n’est pas vraiment la nature entière, sa gloire, mais les détails, leur possibilité ». Ils prennent la forme d’une saison : « C’est l’été. Une transition » ; d’un lieu : « une grande maison », un « château », îlot de repos et d’attente ; de personnages : Jenny et Louise, femmes de service protectrices, infirmières et conseillères, liées comme pile et face, Camille, Michèle, Serge, Catherine, associaux et hors cadres, touchants et libres.


Il y a surtout Christian Abrame, le « parricide » (en souvenir d’Abraham, le « presque » infanticide ?), une brute qui porte un anorak noir, qui « discute beaucoup sur l’univers, sur les mondes extérieurs », qui entraîne » dans sa marche le ciel et les nuages. Rien de ce qu’il dit et fait ne tombe à côté. Cependant, « rien n’est grave » pense Jenny, Jenny qui « aime tout le monde », qui trouve que « l’épaisseur du temps est agréable », qui scrute sans relâche, sonde et soupèse tout ce qui bouge. Un soir, elle pleure dans les bras de Christian Abrame. Aboutissement sans l’être, accomplissement sans, fin. Restent simplement : « La nuit bleue. Les arbres. Rien d’autre ». Rien, hormis Louise...


Joseph Raguin, La Voix du nord, janvier 1985

Agenda

Mardi 4 juin 2024
Leslie Kaplan à l’Institut français de Berlin

Institut français Berlin
Kurfürstendamm 211
10719 Berlin
Deutschland

+49 (0)30 - 885 902 0

info.berlin@institutfrancais.de

voir plus →

Et aussi

Leslie Kaplan Prix Wepler 2012 pour Millefeuille

voir plus →

Leslie Kaplan Grand Prix de la SDGL 2017 pour l'ensemble de son oeuvre

voir plus →