— Paul Otchakovsky-Laurens

L’ Angélus

Richard Millet

Et si la création artistique reposait sur une imposture ? L’un des plus beaux mythes antiques nous rappelle qu’il est dangereux de regarder derrière soi. Le regard qu’un jeune compositeur porte ici sur sa vie semble n’avoir d’autre but que d’en finir avec soi comme avec toute Eurydice : d’en finir avec une illusion qui aurait ruiné sa vie. En nous livrant son autobiographie, ce musicien entre dans le désœuvrement ; il met à jour les mécanismes de son imposture avant de s’abandonner à l’hébétude qui suit tout renoncement, à une sorte d’angélisme, à une délivrance infinie.

 

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La presse

Cette méditation sur les sources et les tarissements de la création artistique, sur son sens et son non-sens, sur ce que Richard Millet appelle son « imposture » (n’est-elle pas toujours, de quelque manière, emprunt, masque, trahison de la vie, mensonge à soi-même et aux autres ?) témoigne d’une connaissance passionnée de la musique, de son histoire et de ses œuvres, et mêle avec une malice toute borgésienne le vrai et le faux, la réalité et la fiction. Elle laisse en tout cas chez le lecteur un malaise et un trouble où se réveillent nombre d’interrogations sur l’heur et le malheur d’être un « créateur ». Écrit dans une langue sobre, précise, qui vise plus à nommer qu’à briller, ce récit de formation et de dé-formation (la boucherie paternelle ne figure-t-elle pas le lieu où l’enfant fut écartelé et détruit ?) semble toujours bordé d’une zone de silence où viennent résonner, en écho, les harmoniques d’un récit qui pourrait être celui d’un écrivain qui ne parvient pas à croire en son œuvre…


Le Monde de la musique, mai 1988