— Paul Otchakovsky-Laurens

Cuisine de pays

Traduit de l’américain par Marie Chaix, Martin Winckler et Jean-Noël Vuarnet

Harry Mathews

Cuisine de pays est un recueil de treize nouvelles, où les techniques ludiques de l’Oulipo jouent un grand rôle. L’humour et la gravité s’y disputent la prééminence. On y apprendra non seulement la recette de la succulente (?) farce double, mais encore les raisons de la supériorité généralement admise des violonistes russes, ou encore les étonnants procédés de traduction du Pagolak. On ressentira aussi, à la lecture de ces textes qui vont de l’érudition joueuse au désespoir tranquille, un très réel vertige.

 

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La presse

Treize nouvelles par l’ami du feu Georges Perec. Des textes qui voyagent entre érudition vertigineuse à la Borgès, recette de cuisine drolatique, fable textuelle, Oulipo délires ou, plus simplement, descriptions. Comme celle, lente et impassible, où une « armée de nuages-bûches » en fondant laisse apparaître « un ciel d’étoiles rares et troubles... »


Les Inrockuptibles, août 1991



Epaule d’agneau désossée, roulée et farcie, dont « les chefs présimptueux » n’ont pas réussi à « étouffer [la] nature essentiellement vigoureuse », la farce double est une spécialité de la haute Auvergne, a priori si peu exportable qu’on doute de sa réalité. Un écrvain américain, sans doute amoureux de la cuisine française mais surtout oulipien émérite, entreprend de nous en donner sa recette. Un vrai défi culinaire (à vos fourneaux !) en forme d’hommage à une culture traditionnelle en voie de disparition. Douze autres nouvelles (écrites entre 1968 et 1990) composent ce recueil.


Libération, 27 juin 1991.



Où il est question, entre autres, de transcription et de traduction, de passage d’une culture à une autre, d’une langue à l’autre. Comment « transposer » pour des Américains une recette auvergnate, tout à la fois rite et mythe, chair et verbe ? Cuisine de pays, cuisine du langage, délectable, et impossible... Quant à cette obscure tribu de Nouvelle-Guinée, elle aurait inventé une méthode fort ingénieuse : « traduire des paroles avec précision sans pour autant en livrer la signification, que pouvait-il y avoir de plus paradoxal ? (Est-il acte plus paradoxal que celui de traduire ?) ». Mais non, cette parenthèse n’est pas ajoutée par l’excellent traducteur Martin Winckler (qui en tant qu’écrivain ne les déteste pas). L’interrogation sur les formes linguistiques, sur les structures élémentaires de l’échange et de la parenté, sur le tabou de l’inceste (diversement « traduit » : « Dieu copule avec l’âme de (la) mère » ou « faire ce que mère onques ne fit pour son fils ») circule dans ces nouvelles écrites entre 1966 et 1990. A leur manière érudite et savoureuse - comme toute véritable cuisine -, elles reposent la question : est-il acte plus paradoxal que celui d’écrire ? En grand chef, Harry Mathews s’entend à faire venir les mots à la bouche.


Par Claude Pujade-Renaud, Nouvelles Nouvelles.

Et aussi

Harry Mathews est mort.

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Harry Mathews, Cuisine de pays, Harry Mathews à la librairie Les Cahiers de Colette 1991