— Paul Otchakovsky-Laurens

20 lignes par jour

Traduit de l’américain par Marie Chaix

Harry Mathews

"Vingt lignes par jour, génie ou pas", Stendhal s’était lancé ce défi. Pendant un an et cent trente-deux jours, Harry Mathews a décidé de suivre son exemple : « Même pour un écrivain qui doute et se méfie, vingt lignes semblaient un objectif plutôt rassurant à atteindre, surtout si ces lignes n’avaient pas de rapport avec un projet “sérieux” comme un roman ou un essai. »
Mais, même ainsi entreprises comme un simple exercice d’échauffement, ces vingt lignes quotidiennes deviennent l’occasion de réflexions sur les travaux et les jours, les amis, la famille, l’écriture et, peu à peu, mode...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage 20 lignes par jour

Feuilleter ce livre en ligne

 

La presse

Autoportrait en écrivain


Au coeur de ce livre, résultat d’exercices quotidiens d’écriture, Harry Mathews place son meilleur ami, Georges Perec, mort peu avant la rédaction de « Vingt lignes par jour ».


« Vingt lignes par jour, génie ou pas » : cette consigne que s’était donné Stendhal, Harry Mathews l’a reprise à son compte pour surmonter, pendant une quinzaine de mois, l’angoisse de la page blanche lorsqu’il se mettait à travailler. Au moment où il s’impose cette contrainte, il se partage entre sa maison du Vercors, où il vit avec la romancière Marie Chaix et ses deux filles, et New York où il enseigne ; et il a deux préoccupations : l’achèvement de son roman Cigarettes et la mort récente de son meilleur ami, Georges Perec.
Dix ans plus tard, ces exercices d’échauffement réunis composent un livre puzzle qui est aussi bien un autoportrait d’écrivain qu’une suite de réflexions sur la vie et peut-être sur la mort. Au coeur du livre rayonne en effet la présence invisible de Perec dont le nom apparaît à la première comme à la dernière page. Comment accepter qu’il ne soit plus là, sinon en pensant que l’on peut être l’ami d’un mort d’une autre façon qu’on l’est d’un vivant ? C’est la conclusion apaisée à laquelle parvient un livre qui, parce qu’il vise à le libérer de la perte, invite son auteur au bonheur d’écrire.


La recette du jambon


Que ce bonheur ne soit pas donné tous les jours est compréhensible : du reste, n’écrit-on pas plus volontiers sur ses difficultés que sur ses joies ? Et Mathews, qui aime la vie, est un écrivain naturellement insatisfait, toujours prompt à se dénigrer. Il n’empêche que Vingt lignes par jour n’a rien de chagrin ou de frileusement introverti, au contraire. On n’est pas pour rien membre de l’Oulipo, ce groupe d’écrivains dont faisaient partie Calvino et Queneau. Tout en se pliant à la règle qu’il s’est imposée, Mathews laisse libre cours à sa fantaisie et à son humour : voyez plutôt la recette du jambon que l’on fait cuire en coupant ses deux bouts. Ou la description de la photo improbable de la pioche réemmanchée qu’il a mise à tremper dans la baignoire...
Car écrire, c’est aussi préparer les conditions nécessaires à l’écriture, et toute activité « restaure l’énergie et la justesse de vue ». Quant au but, de quoi s’agit-il sinon d’ « essayer méticuleusement de retenir quelque chose » - que ce quelque chose soit « vrai » ou inventé important peu : « L’exploit serait d’inventer ma vie entière. » Est vrai ce qui est écrit.


Isabelle Martin, Journal de Genève, 7 août 1994




Harry Mathews : le défi de Stendhal


Il y a quatre ans Harry Mathews s’est souvenu d’une injonction que Stendhal s’était donné, tôt dans sa vie, afin de parvenir à terminer un ouvrage : écrire « vingt lignes par jour, génie ou pas » quelles que soient les circonstances ou les humeurs de l’instant. Et d’avouer en exergue de son nouveau livre : « J’ai délibérément appliqué sa formule comme méthode pour surmonter l’angoisse de la page blanche. Même pour un écrivain qui doute et se méfie, vingt lignes semblaient un objectif plutôt rassurant à atteindre, surtout si ces lignes n’avaient pas de rapport avec un projet "sérieux" comme un roman ou un essai. »


Ecrivain américain qui avec Les verts champs de moutarde de l’Afghanistan et Le naufrage du stade Odradek (tous les deux traduits en français par son ami Georges Perec) a imposé un univers d’une immense originalité, Harry Mathews nous propose donc avec son 20 lignes par jour une promenade dans le monde de la création littéraire. Un livre difficilement classable qui ressemble tantôt à un journal intime, tantôt à un essai sur les arcanes de l’imagination, et qui veut prouver que toute écriture relève de l’autobiographie. Qu’il raconte un voyage à Venise, qu’il se demande « comment les oiseaux arrivant au printemps savent-ils que les insectes vont être de sortie », qu’il parle de Borges ou de Roland Barthes, qu’il observe avec émotion un chat ou un lézard, Harry Mathews cerne avec des mots simples l’angoisse d’écrire. L’écrivain qui fut un membre actif de L’Oulipo et qui en connait un bout en matière de recherche formelle s’abstient de toute leçon inaugurale, nous livrant un texte magique accessible à tous et d’une grande intelligence. La traduction limpide de son épouse la romancière Marie Chaix y est pour beaucoup puisqu’elle nous rend complices du projet initial et qu’avec son regard on semble faire partie nous aussi de la famille.

Par Jean-Rémi Barland, La Corse, 27 novembre 1994.

Et aussi

Harry Mathews est mort.

voir plus →

Vidéolecture


Harry Mathews, 20 lignes par jour, Vingt lignes par jour - juillet 2013