— Paul Otchakovsky-Laurens

Kub Or

Photographies de Suzanne Doppelt

Pierre Alferi

Ces 7 x 7 poèmes, avec 7 photos de Suzanne Doppelt se présentent vraiment comme des petits cubes (les fameux « Bouillons Kub »), bien carrés, bien compacts. On pourrait dire aussi des boîtes, boîtes à malice, ou encore des coffres à jouets, débordants de trésors serrés. C’est dire leur richesse, leur densité, le caractère merveilleux, hétéroclite et magique de leur contenu. Plein de choses en effet : des objets, des mots, des images, des textes, des souvenirs, une juvénilité heureuse pour les ordonner.

 

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Traductions

USA : Burning Deck

La presse

Le passant d’une grande ville enregistre ici ce qui reste de ses visions panoramiques, de ses travellings dans le métro, de ses impressions de micro-trottoir. Il est également téléspectateur. La scansion reproduit les rythmes urbains comme le grésillement des films pornos sur Canal + quand on n’a pas le décodeur. Ce sont les « à-coups » de la main courante sous la main du voyageur, ou l’agacement que procure un discours de ministre jacassant, ou encore « la nébuleuse spirale » d’une chanson qui tourne. C’est aussi la peur que tombe le garçon appuyé contre une rambarde. Il y a, au générique, des couvreurs, des éboueurs, des terrassiers, des touristes, et un cafetier. Pierre Alferi est un poète citoyen. Une affiche de publicité l’inspire autant que des bulles de Pepsi-Cola. Un poète engagé, par conséquent, qui a l’œil sur les manifestations, sur Pasqua, et sur les « sdf ». […] D’autres références littéraires (et musicales) dans ce recueil, qui ressemble à une méditation ininterrompue, comme le montre le début des poèmes. Chacun d’entre eux est taillé dans le vif d’une continuité particulière, celle de l’auteur, celle d’un quotidien très français.


Libération, 27 octobre 1994


Quant aux poèmes de Kub Or, en sept vers, ils prennent la forme carrée d’un écran de télévision et semblent en être la diffusion fragmentaire, découpée, jetée à plat dans une incohérence voulue et rendue par la coupe franche du vers. Flashes spéciaux court-circuités ou cubes concentrés de saveurs, tel serait ce qui « infuse » dans ces carrés.


Le Matricule des Anges, 15 décembre 1994


Le grand pouvoir d’évocation de ces petits textes ne tient pas uniquement au choix des thèmes, ni à celui des mots ou des images : c’est en fait l’agencement des éléments qui les compose qui confèrent à ces vignettes leur tension interne, leur énergie pourrait-on dire potentielle, en un mot leur efficacité. La rigueur complexe et la concision des phrases d’Alferi […], l’enchaînement à l’élégance presque mécanique des mots et des syllabes, les rend comparables à des comprimés, solubles seulement à la faveur d’une lecture lente et d’une compréhension globale, mais qui alors s’étendent dans la sensibilité du lecteur et lui révèlent l’ensemble de leurs propriétés.

La contrainte formelle du bouillon cube, loin de se limiter à un jeu gratuit, révèle donc son caractère de nécessité. Fond et forme ainsi mis en rapport s’engendrent l’un l’autre, se justifient mutuellement, et Kub Or s’identifie ainsi réellement à ce dont il parle : le tout-venant pléthorique de l’actualité, du quotidien, qui glisse ou qui heurte, mais dont la sédimentation dans la conscience individuelle constitue tant bien que mal ce résidu hétéroclite et maigre qu’on appelle vivre dans une époque. Aussi les petits poèmes d’Alferi laissent-ils dans l’esprit du lecteur une trace réelle et durable qui véritablement peut se comparer à un goût.


La Quinzaine littéraire


Et aussi

Pierre Alferi, poète, romancier, essayiste, traducteur est mort

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