— Paul Otchakovsky-Laurens

Outback ou l’Arrière-monde

Claude Ollier

L’histoire de passe en 2003, aux antipodes. Un photographe européen proche de la soixantaine se rend à Sydney pour travailler sur la nouvelle achitecture de la ville. Sa tâche accomplie, il va se reposer dans les Blue Mountains : séduit par le pays, émerveillé par sa flore et sa faune, l’envie le prend de faire une incursion plus avant vers l’ouest, et comme il dispose de quelques jours encore, il part à l’aventure avec sa vieille automobile américaine, roulant un peu au hasard sur les pistes, attiré de plus en plus par les immenses espaces qu’il découvre. Chaque soir le voit hésiter sur l’itinéraire du lendemain, partagé entre l’obligation de...

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La presse

C’était alors - mais personne sans doute n’en avait le sentiment net à ce moment-là - l’apogée médiatique d’une aventure qui, sans avoir jamais entraîné une vraie adhésion du public, même cultivé, n’en apparaissait pas moins comme ce qu’elle était effectivement : la seconde du siècle en importance, avec le surréalisme.


Le vieux Nouveau Roman continue, sans se renier, à pousser des branches virides et superbes, comme en témoignent les derniers livres de Claude Simon, de Robbe-Grillet, ou cet impressionnant Outback ou l’arrière-monde de Claude Ollier. Mais on peut aussi humer dans l’air quelques symptômes affriolants d’une vérité que, derniers avertis comme toujours de ce qui se passe dans leur domane, les «  grands » journaux et les «  grands » éditeurs découvriront après tout le monde : le paysage du roman français, du genre morne plaine depuis près de quinze ans, ne retrouvera quelque relief que pour autant que les représentants du toujours Nouveau Roman y reprendront place : la première [...]


A la lumière de ce dernier livre, l’univers d’Ollier révèle sa singulière cohérence. Il s’y agit toujours, pour un héros qui, de livre en livre, vieillit à une vitesse un peu moins rapide que l’auteur, de chercher, au fil d’aventures géographiques aussi dépaysantes que possible, ce passage mystérieux vers «  l’autre côté » des choses, cette issue donnant sur un territoire onirique entrevu depuis l’enfance, qui n’est pas sans rappeler l’espace au-delà du Seuil du jardin d’André Hardellet.


Aventure poétique donc, dans sa couleur textuelle, métaphysique dans ses présupposés latents, où toujours intervient une Béatrice pour guider le Chevalier Rêvant hors de la Voie Droite. Dans Outback, qui se construit par divagations successives à partir de deux «  scènes primitives » qui sont des hallucinations de paysages dédoublés par la rêverie éveillée, le décor mythique des expérimentations et des sortilèges n’est plus une planète inconnue, mais l’Australie dont le narrateur, nouvel Enfant du Capitaine Grant, par un hommage plus ou moins conscient à Jules Verne, parcourt sans l’avoir vraiment voulu un des parallèles, s’enfonçant plein ouest dans l’ocre du désert. Et la fée Morgane de ce périple à haut risque de se perdre est une jeune femme qui entretient avec les Aborigènes inaperçus des liens privilégiés et secrets.


Quant à la dimension science-fictionnelle, elle subsiste allusivement : nous sommes au début du proche millénaire, l’Europe laissée en arrière se trouve en proie, semble-t-il, à des troubles qui la rendent inhabitable. L’ensemble, d’un charme constant, équilibre comme par miracle la critique implicite de la société de consommation, la description très précise, très présente (panoramas, ciels, oiseaux) d’une des seules natures restées à peu près intactes, l’invention d’une beauté et d’un cadre magiques faits pour la méditation ou l’exploit. Si bien que nous suivrions volontiers le héros d’Ollier, dont la conscience peu à peu se démaille, sur les traces de cet ingénieur qui choisit naguère, au Pays où rêvent les fourmis vertes du cinéaste Werner Herzog (1983), de tourner le dos à la civilisation et de forcer les limites du bush, dans l’espoir de retrouver peut-être ses fantômes.


Maurice Mourier, La Quinzaine Littéraire, mai 1995



Il faut vouloir se perdre. Se perdre davantage à chaque page, toujours plus avant ou plus arrière, c’est selon, dans l’inconnu et l’inconnaissable. Se perdre dans la peau du voyageur solitaire en quête d’inattendu, qui désespère de devoir revenir à la civilisation, et tant pis, il ne reviendra pas, par encore, pas avant, en tout cas, d’avoir eu confirmation de la coïncidence entre le fait de se trouver là dans cet état-là et le fait d’avoir rêvé tout éveillé, un jour, de ce lieu et de cet état-là. Le titre, Outback ou l’arrière-monde, fait référence au centre du continent australien, désertique et mythique, où s’enfonce, à bord d’un tacot américain, le narrateur de cette histoire située en l’an 2003.


Le Monde, mai 1995

Et aussi

Claude Ollier est mort.

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