— Paul Otchakovsky-Laurens

Lauve le pur

Richard Millet

Il est professeur dans une banlieue difficile de Paris. Mais ses racines plongent au cœur de la province française : le Limousin, cette Corrèze des Piale, des Pythre, de tous ceux qui se débattent contre la maudissure. Dans ses classes les enfants sont durs et violents, peut-être le sont-ils d’autant plus qu’il est, lui, resté un enfant, l’enfant soumis d’un père tyrannique qui n’aime rien tant que contempler ses propres excréments tout en rêvant de forêts légendaires, l’enfant abandonné d’une mère trop tôt enfuie et qu’il recherche dans chaque femme. Lauve, Lauve le pur, est à jamais du côté de ceux qui ont tout perdu,...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage Lauve le pur

Feuilleter ce livre en ligne

 

La presse

Millet est irréconciliable. Guerre des hommes et des femmes, guerre des races. Les beaux discours sont impuissants. Le cosmos, c’est Caïn.Oui, des femmes partout lui apparaissent, l’éblouissent, puis s’éteignent. Fuyant Lauve comme la mère a fui. La ténèbre des Lauve. Leur mélancolie noire, immémoriale. De son père, Lauve a retenu une chose : l’ordre qu’il déplace au niveau de la langue. À cette nuit darwinienne de l’espèce chaotique et du temps, il oppose cet improbable diamant du français dont il est le croisé et la magnifique démesure.


Le Figaro, 6 janvier 2000


C’est une langue au travail qui fouille les angles morts du vivant, les grands rites de l’espèce humaine, fore la part obscure de notre présence au monde, des fulgurances volées au temps, dont la plus grande réussite est de redonner de l’épaisseur, du poids à la réalité. On pourrait parler de dédoublement (ne le concède-t-il pas : « (Millet), un être qui parfois se scinde ») : il s’agirait davantage d’un écartèlement où la tentation du tragique, face à l’inexorable cours du temps, cherche son antidote, dans les plis d’une innocence perdue.


Le Matricule des Anges, mars-mai 2000


Richard Millet est un écrivain à plusieurs visages. Celui que regarde d’abord le lecteur de Lauve le pur, troisième étape d’un cycle romanesque commencé avec La Gloire des Pythre et L’Amour des trois sœurs Piale, est dur, habité par un sentiment d’exécration que rien ne semble devoir apaiser. Mais aussitôt, comme par le jeu d’un panneau coulissant, apparaît un autre visage. Celui-là est en larmes. Accaparé par une grande douleur, on le dirait envahi par une compassion universelle qui dilate cette douleur pour lui donner un sens. En retrait des deux enfin, omniprésent mais effacé derrière ses œuvres, il y a le scripteur fiévreux, l’ordonnateur des histoires, le styliste et sa singulière puissance.

À la fin du livre, […] cet ordre s’inverse. C’est le visage de pitié qui vient se placer au premier rang. C’est avec lui que le lecteur, au terme de son hésitation, décide d’avoir à faire.


Le Monde, 14 janvier 2000