— Paul Otchakovsky-Laurens

Cinémanuel

Prix Philippe Arnaud 2001

Jean-Claude Biette

Cinémanuel est un journal de l’année 2000. Un livre sur le cinéma cherchait sa forme depuis plusieurs années : une forme qui ne fût ni une somme concertée de chapitres ni une composition d’exemples centralisés pour une démonstration, mais une forme libre, non fixée d’avance. La suggestion de l’écrire en journal, de façon ponctuelle, rendit soudain nécessaires ces rendez-vous réguliers avec l’encre noire et la page blanche, employés à consigner certaines sensations persistantes des jours ou de la nuit passée, au cas où apparaîtraient en elles des traces de sens pouvant éclairer les phénomènes ou les...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage Cinémanuel

Feuilleter ce livre en ligne

 

La presse

Biette, qui sait mieux que personne passer l’histoire du cinéma en revue, ne travaille pour aucun journal. Il tient le sien. Comme on fait son lit, on se couche, dit l’adage. Comme on tient son journal, on se panse : du temps qui passe, des livres, des disques, des films qui remplissent les nuits insomniaques, consolent de la lumière trop éblouissante de l’après-midi, ou encore aident à traverser la chaleur écrasante de l’été, saison étouffante mais relâchée qui, dans la plénitude de ce paradoxe, inspire à Biette la suite la plus époustouflante de ses réflexions, enchaînant comme ça, en juillet, et jusqu’au vertige d’une scène d’altercation dans le métro à la fin août, une série de textes brefs sur Louis Jouvet, Marcel Pagnol, Marc Allégret et Walter Scott, à la portée émotionnelle immense. Leur lecture constitue avec d’autres moments aimés – le papillon du 15 août, les notes sur les bruits du matin et le silence de la nuit « épaisse » – de véritables scènes, classiques instantanés du roman d’une année. Douze mois accordés aux œuvres des autres, visions, lectures, écoutes, qui passent soudainement pour héroïques, par le travail d’élection et d’évacuation de l’écriture (l’intime est pour ainsi dire chassé de ce journal intimiste). Seule exigence de ces notes de travail : se garder la liberté d’errer dans les images, les lignes ou les notes.


Philippe Azoury, Les Cahiers du cinéma, décembre 2001



Avec son dernier livre, le recueil de ses articles parus dans Trafic (Qu’est-ce qu’un cinéaste ?, P.O.L, 2000), Biette finissait d’établir son axe théorique. Cinémanuel est l’autre face de la lune, le versant plus intime et moins concerté (ce qui ne signifie pas qu’il ne l’est pas, loin de là…) de son rapport au cinéma, mais aussi à la musique et à la littérature. Si Cinémanuel n’est pas un journal intime en public, et si Biette ne s’y livre que de biais et ne s’y exhibe jamais […], c’est bien une intimité qui est ici explorée, un compagnonnage récent (Ferrara) ou de longue durée (Hitchcock, Rohmer, Ford, Eustache, beaucoup d’autres) avec des œuvres qui ressurgissent sans cesse, le plus souvent sur le mode de l’accidentel, au hasard d’une diffusion télévisée ou d’une cassette tombée de la pile. […] Cinémanuel est aussi un manifeste, serait-il discret et éparpillé, en faveur du cinéma comme art de la « respiration » et contre le volontarisme d’auteur, effrayant de nos jours, encombrant à tous les étages.


Frédéric Bonnaud, Les Inrockuptibles, 4 décembre 2001