— Paul Otchakovsky-Laurens

Fautes que j’ai faites

Danielle Mémoire

Parmi les fautes que j’ai faites, nous disait l’auteur, ou l’un des auteurs, il se peut que la principale soit le livre même dont c’est là le titre.

J’ai toujours, il est vrai, ajoutait cet auteur, compté au nombre de ceux qui voient, dans l’erreur et dans l’échec, plus de fertilité que dans la réussite ; et j’ai passé l’âge de changer d’avis.

Fautes que j’ai faites est le cinquième volume de la série encore inachevée, peut-être inachevable, qui commençait avec Modèle réduit. On y rencontre les mêmes personnages. Les mêmes questions peuvent y recevoir des solutions...

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La presse

Lorsqu’on lit cette œuvre confidentielle, on est bouleversé, avide de pénétrer plus avant dans ce labyrinthe romanesque qui se transforme peu à peu – si l’on prend le temps d’en écouter les voix secrètes et leurs échos, et d’en savourer l’humour – en un jardin profond, onirique et apaisant, dont les perspectives sont dessinées en filigrane…


Danielle Mémoire avoue son goût du romanesque, une passion toujours inassouvie. Ce qu’elle exige, c’est «la jouissance du romanesque sans l’obligation de l’histoire romanesque». Une jubilation qu’elle veut partager avec son lecteur…


In fine, le désir de romanesque s’ouvre sur une magnifique définition de l’écriture: «Vie et littérature, en maintes façons, se conjoignent. Elles se conjoignent toutes les fois où la littérature parle de la vie, c’est-à-dire chaque fois qu’il y a littérature.»


Hugo Marsan, Le Monde, 28 décembre 2001



Contre-monde


Les livres de Danielle Mémoire font tous partie d’un même Corpus qui s’ouvre sur de nouveaux développements à chaque livraison et qui font réapparaître, outre les mêmes rédacteurs, les mêmes personnages et les mêmes lieux. Cet univers fictionnel absolument singulier vaut que l’on s’y perde un peu.


Intitulé Mes personnages, le précédent opus de Danielle Mémoire présentait l’ensemble de figures de son univers et formait une sorte d’index à sa comédie humaine. On y retrouvait Archambaud Blot, Esclarmonde, Florent Touroude ou la Noblesse roumaine, on y apprenait que tous les acteurs pouvaient être placés en position d’auteurs, on y voyait la diversité des espaces de ce monde qu’elle appelle contre-monde : « Les passerelles qui existent, nombreuses, entre le contre-monde et ce monde-ci, où je vis, sont toujours construites selon des lois rigoureuses (et soumises en outre à un puissant système d’octroi ; des troupes y patrouillent de jour comme de nuit) ; nul code, toutefois, n’en est établi par écrit. »


Dans Fautes que j’ai faites, elle reprend les notes d’un grand cahier (« Vaishali Full Size Note Book ») concernant cet univers singulier et sa glose. Une note de la page 50 donne le ton de ce livre-ci : « Fautes que je fais : le texte dont je parle, et dont je crois encore, au moment où donne mon explication, qu’il viendra, passé l’hiatus, constituer ce bref-virtuel volume-ci, ce texte est celui qui est appelé à devenir, avec l’aide de Dieu, Une faute que j’ai faite. La question de l’auteur, du moins sous l’angle strictement théorique duquel il est ici question, ne se verra donc traitée nulle part dans les pages qui suivent ».


Le projet peut paraître cérébral - et il l’est -, mais il est loin de n’être que ça. Dans les interstices du contre-monde évoqué ici, c’est un atelir d’écriture très spécial qui est donné à lire, avec versions successives, séances de lecture publique, amendements et transformations. Vie et littérature se trouvent aussi étroitement liées que monde et contre-monde, dans une dépendance exprimée de manière neuve et sans aucun des stéréotypes habituels. Toutes les façons dont elles se conjoignent sont ainsi énumérées dans une liste troublante, où le sens se dessine en affleurant des phrases elles-mêmes : elles se conjoignent chez tous ceux dont la vie est littérature, chez tous ceux qui écrivent pour vivre (laquelle proposition se comprend bien entendu en deux sens), chez tous ceux qui vivent pour écrire ; « vivre pour écrire s’entend à son tour en deux sens au moins, assez largement exclusifs l’un de l’autre, sinon, pourtant, consécutivement : qu’il vit pour écrire s’entend de celui pour qui la vie n’est que du temps qui passe, lequel temps, lui-même ne le passe qu’à écrire [...]. Qu’il vit pour écrire s’entend de cet autre [...] qui regarde sa vie comme réservoir de son oeuvre ».


Vie et littérature ont encore bien d’autres façons de s’unir, toutes les fois où la littérature parle de la vie par exemple, « c’est-à-dire chaque fois qu’il ya littérature », ou encore toutes les fois où la vie fait surgir une influence décisive sur ce qu’on est en train d’écrire. L’ensemble de ces propositions forme une sorte de mode d’emploi du livre dans la mesure où celui-ci porte cette dépendance au point de ne plus pouvoir démêler la fiction de ce qui la fait naître et des modes grâce auxquels elle naît. C’est la raison pour laquelle « ce n’est pas simple », comme le constate de façon désolée l’auteur : et s’« il est certain qu’il est possible d’énoncer beaucoup plus simplement la même chose », il est certain aussi que la littérature y perdrait.


Tiphaine Samoyault, La Quizaine Littéraire, janvier 2002