— Paul Otchakovsky-Laurens

L’ Incessant

Charles Juliet

Secrète, à peine audible, une voix parle en chacun de nous. Une voix qui nous accompagne tout au long de notre existence. Quand on lui prête attention, on entend son interminable soliloque. Mais parfois, elle se divise, et le soliloque devient dialogue. Tout se passe comme si deux voix s’opposaient, entraient en conflit, se livraient un véritable combat.
L’Incessant met en présence un homme et une femme qui s’affrontent avec âpreté. Égocentrique, l’homme ne veut écouter que ses désirs, ses avidités. La femme lui fait valoir qu’il peut dépasser cette attitude et accéder à une vie plus ouverte, plus haute, plus riche. Chacun a son point de vue, ses...

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La presse

Que ce soit à travers la parole dramatique, poétique, romanesque ou diariste, Charles Juliet convoque toujours les mêmes exigences éthiques sans jamais dévier de la voie sur laquelle il s’est engagé dès l’âge de vingt ans. Dans L’Incessant, deux voies, deux êtres, représentant deux forces contradictoires, mènent un inlassable combat autour de valeurs opposées. Dans une lutte politique réengagée depuis peu sur des bases que l’on espère plus sérieuses et plus responsables, cette parole dramatique tout juste rééditée trouve un écho direct qui ne s’est pas éteint. En effet, ces forces, ces voix, s’étripent dans un duel féroce où lâcheté et courage occupent le terrain. Deux voix se heurtent l’une à l’autre sans intermède, celle d’un homme, celle d’une femme. La première est tournée vers la facilité, la matérialité, le plaisir, l’égotisme ou l’égoïsme, le mensonge, l’opportunisme, la haine de l’autre... Elle stagne dans sa négativité et son nombrilisme. Elle s’incarne dans un corps d’homme. La seconde est celle d’une femme qui refuse de céder à la négation en luttant contre celle-ci, en affrontant sans détours la voix masculine et en tentant de l’éveiller, de la mener sur le chemin de la vie qui a pour seul but sa réalisation dans la recherche de l’unification de soi au sein du langage et des relations avec l’Autre. La voix de la dissolution et de la fragmentation s’oppose à la voix de l’unification et de l’acquiescement à la vraie vie. Les reproches adressés par la voix féminine à celle qui incarne l’homme tombent à chaque réplique : « A exister ainsi sous des visages différents, toi, où es-tu ? Qui es-tu ? » L’homme est l’être de tous les rôles, de toutes les circonstances, de tous les masques, or, chacun le sait, le masque se tient du côté du mensonge, de l’illusion, de la manipulation, de l’opportunisme. « Tu te répands barbarie..., mais toi, dans quel camp vas-tu te ranger ? Seras-tu de ceux qi vont ajouter à la confusion, l’injustice, la violence ? Ou au contraire, vas-tu t’employer, dans la mesure de tes moyens, à combattre ces fléaux. »


Charles Juliet explique dans une postface le choix de ces deux foix rivales et sexuées. La voix de la femme est celle qui est responsable de l’humanité devant tous les hommes, garante de la vie et de sa sauvegarde. C’est pourquoi sa force lyrique combative acquiert de plus en plus d’ampleur face à une barbarie montante. Elle se virilise lorsque celle de l’homme s’éteint dans son apathie et son manque de courage. « Renoncer à l’esprit de jouissance, de conquête, de domination. Renoncer à vouloir être quelqu’un. A vouloir jouer un rôle, se tailler une place. Une seule fois boire à la source de l’intarissable. Une seule fois. Alors les pierres éclatent, se désagrègent, deviennent une terre meuble et féconde [...] »


Ces deux voix entendues sur la scène sont aussi bien celles que tout être humain connaît au cours de la formation de sa personnalité ou de son existence (voix qu’il entend parler en lui), que celles tournées vers les avaleurs ou non-valeurs auxquelles chacun se retrouve confronté dans sa vie sociale. Actuel, donc, est ce morceau dramatique dont la composition épouse les principales préoccupations des humains.


Nelly Carnet, Le Nouveau Recueil, 2002

Et aussi

Charles Juliet Grand Prix de Littérature de l'Académie Française 2017

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