— Paul Otchakovsky-Laurens

Dream Police

Traduit de l’américain par Frédéric Boyer

Dennis Cooper

Dream Police est un recueil que Dennis Cooper a composé à partir de textes prélevés dans une production poétique abondante et qui s’étend sur de nombreuses années.

On y reconnaîtra tous les thèmes qui font la richesse de son œuvre romanesque, et son caractère si original dans la littérature américaine actuelle alors même qu’elle y a paradoxalement toute sa place par les thèmes abordés et la langue employée, une langue à la fois commune et traitée de la manière la plus subtile qui soit.

On retrouve ici les enfants perdus, le sexe, la drogue, cette impossibilité de rejoindre qui débouche sur la violence,...

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La presse


Eat it


Un roman, un recueil de poèmes, une conférence: dissection des obsessions de l’Américain, écrivain de la violence et de l’adolescence. Alors que Gus Van Sant (avec Elephant) et Larry Clark (avec Ken Park) ont définitivement imposé les troubles et la violence d’adolescents en pleine déréliction comme LE sujet contemporain, il faut rendre justice à Dennis Cooper de creuser obsessionnellement cette question depuis ses débuts avecCloser, publié aux Etats-Unis en 1989, jusqu’aux trois livraisons de ce printemps : un roman, Period, un recueil de poèmes, Dream Police, et la transcription d’une conférence, Violence, faits divers, littérature.
Stupide de comparer un écrivain à des cinéastes ? Sauf quand on sait que la plus grande influence littéraire de Cooper est celle d’un cinéaste, Robert Bresson, pour le ton monocorde de ses films. Ce ton, antidramatique, est pour Cooper, et pour ses lecteurs, la garantie que les actes des personnages - sexuels, violents jusqu’au meurtre - ne seront pas jugés, mais appréhendés avec un maximum de générosité. Non seulement Cooper ne juge pas, mais en plus li livre au lecteur ses obsessions personnelles, qui le travaillent depuis toujours, comme l’indique Violence, faits divers, littérature, le court texte autobiographique de la conférence donnée à la Villa Gillet, à Lyon, le 19 janvier dernier.
Quelles obsessions ? D’abord, la fascination pour la violence et l’érotisme, et le mélange des deux. Ensuite, cette certitude que le monde est gouverné par des adultes irrationnels et incontrôlables. Conséquence : les textes de Cooper sont peuplés d’adolescents. Et l’adolescence, chez lui, est quasiment une identité à part entière, une parenthèse où l’on est assez vieux pour baiser, mais pas assez pour avoir du recul sur ses actes, sexuels ou criminels.
Period ne déroutera pas ceux qui connaissent son oeuvre: on y retrouve deux ados défoncés au crystal meth, évoquant sans cesse Satan, qui vont en violer puis tuer un troisième. Cooper se glisse successivement et avec souplesse dans la tête de chacun de ses personnages. Outre son style monocorde, presque clinique, son écriture frappe par un sens très sûr de l’ellipse : dans une même phrase, il sait doser à la virgule près la part bandante et la part terrifiante.
Si l’on devait expliquer Period à Christine Boutin, on devrait d’abord lui demander si elle a jamais bouffé un cul. Au début, il y a un peu d’appréhension. Ca risque d’être un peu trop fort. Et puis, à mesure qu’on avance, l’appréhension cède le pas au plaisir, et à ses mille ramifications complexes et enivrantes. Ultime preuve avec Dream Police, poèmes écrits de 1969 à 1993, magnifiquement traduits par Frédéric Boyer, par ailleurs récent traducteur de la Bible.

Olivier Nicklaus, Les Inrockuptibles, 28 avril 2004