— Paul Otchakovsky-Laurens

Version Live

Sigolène Prébois

Rien de plus tristement banal, en principe, que ce que raconte ce livre puisqu’il y est question des derniers jours d’une mère, de son agonie, telle que l’ont vécue ses enfants.

Mais cette histoire n’est pas seulement faite de mots – d’ailleurs justement choisis, pleins de pudeur – elle est aussi faite d’images.
Sigolène Prébois a mis tout son grand talent de dessinatrice au service d’une émotion filiale exprimée avec délicatesse y compris dans les situations les plus difficiles. Sans doute parce que ses dessins relèvent d’un imaginaire encore très relié à l’enfance, plein de candeur, de gravité, d’humour aussi....

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La presse

Dessine-moi un adieu


Chez Sigolène Prébois, tout est illuminé ! Son regard vif, les guirlandes carrées qu’elle crée pour Tsé Tsé, son premier roman graphique qui raconte la mort de sa mère en drôles d’images délicates et en mots doux. Un livre débordant de vie.


Cette fille a le talent joyeux. La preuve par tous les objets qu’elle dessine pour la marque Tsé Tsé avec sa complice Catherine Lévy, qui ont donné à nos maisons un grain de folie douce. La preuve encore par ce petit livre culotté où elle aborde la mort avec une finesse de vieux sage et une fraîcheur désarmée. L’histoire, simple comme bonsoir, commence par un coup de téléphone aux allures d’oiseau de malheur : sa mère n’est pas en grande forme. Suivent les urgences, les nouvelles de plus en plus mauvaises, pire, irréversibles, les médecins qui peinent à dire ce qu’on a pas envie d’entendre, puis la fin. Et pourtant, oui, dans version Live, tout est illuminé (y compris nos yeux qui brillent). Rien de morbide dans ces pages mais, au contraire, la volonté de célébrer sa mère morte, non pas avec une tête et une plume d’enterrement, mais sur un air de fête. Parce que Claire le vaut bien.


« Ma mère est formidable. Enfin, surtout avant d’être malade. Intrépide, indépendante et surtout totalement insouciante. » Claire, sous le crayon de Sigolène, est parée de l’énergie et des plumes d’un pivert, tandis que sa fille se portraiture en écureuil et peint son frère sous le pelage d’un ornithorynque. Forcément, tous ces animaux patauds qui essaient de se tenir chaud, ensemble c’est tout, ça lui en bouche un coin, à la mort. Sigolène sait faire surgir des scènes d’une tendresse inouïe, aussi bien que surréalistes, comme celle où les croque-morts se trouvent fort démunis devant le cercueil en cellulose (amoureuse d’objets insolites, elle reste) qui ressemble à « une boîte à œufs géante en forme de sarcophage ». Il y a même des images où l’on sourit franchement. « Rire, ce n’est pas seulement de la parade ou une façon de se forger une carapace, explique l’auteur. Dans les moments drôles, il y en a tout le temps, même quand on est très triste. J’avais envie de raconter le plaisir qu’on peut aussi avoir dans les moments les plus douloureux. Parce que la mort, c’est tellement…la vie !  »


Mine de rien, dans ce récit cent pour cent personnel, Sigolène Prébois pose plein de questions existentielles : faut-il maintenir sa mère en vie coûte que coûte ou la laisser s’éteindre ? La transporter à l’hôpital ou la garder chez elle ? Des derniers jours d’un pivert en perfecto, elle fait une petite merveille universelle qui raconte ce télescopage d’émotions et de situations paradoxales lorsqu’on a pour sa mère les gestes qu’on aurait pour sa fille, où l’on est forcé de prendre des décisions d’adulte alors qu’on se sent comme un enfant face au corps médical, où l’espace se réduit à une chambre tandis que le temps se dilate. S’en fout la mort, il y a la vie qui rôde, qui résiste, Sigolène est enceinte. Aujourd’hui sa petite fille, Cobalt, a trois ans et demi, et elle va très bien, conclut en riant l’auteur. Qui prépare pour la rentrée, avec sa complice de Tsé Tsé, un hommage à la mort, au 104, à Paris.


Olivia de Lamberterie, Elle, 7 mai 2010.