— Paul Otchakovsky-Laurens

La Traversée de la France à la nage

Pierre Patrolin

Pierre Patrolin dit qu’en imaginant écrire La Traversée de la France à la nage, il a immédiatement compris qu’il allait entreprendre à la fois un authentique récit de voyage, imprévisible et véridique, et un véritable roman d’aventures, dont le héros ne saurait sortir indemne.

Il franchit des barrages, il dévale malgré lui des rapides, il nage sous le sabot des vaches. Il s’écarte des routes : le propre de la nature de l’eau, des fleuves et des ruisseaux, c’est d’atteindre avec obstination le point le plus bas possible. De s’enfoncer dans le sol pour s’inscrire au creux du paysage. Au plus profond du paysage. Cette pente...

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La presse

Le flot calme de cette écriture majestueuse.


Lecteur, attention ! Le texte de Pierre Patrolin risque de déclencher, de prime abord, des réactions auxquelles il ne faut pas s’arrêter. Quoi ? Un livre si gros et sans dialogues ? Sans autre action que cette étrange fluctuation ? Sans un meurtre, un inceste, une crise de la cinquantaine, enfin quelques-uns des ingrédients qui pimentent l’ordinaire des romans ? Et puis tous ces paysages, quel ennui, n’est-ce pas ? Eh bien non. Car il suffit d’entrer sans crainte dans ce courant limpide pour être convaincu que cette prose magnifique est tout sauf ennuyeuse. Et que le récit singulier de cet auteur encore inconnu ne se limite absolument pas au simple défilement d’un paysage, si mouvant soit-il.


Comme le baigneur entrant dans l’eau froide, vous avancerez un doigt de pied prudent, puis un mollet frileux, avant de vous retrouver immergé, presque sans vous en rendre compte, dans le flot calme de cette écriture majestueuse. Pourtant, ce ne sont pas les beautés du paysage qui vous retiendront. Patrolin n’est pas tour-opérateur, mais nageur en eaux claires. Il vogue là où le courant le porte, c’est tout. Et comme les liquides coulent naturellement vers le point le plus bas, on ne trouvera dans son ouvrage ni points de vue spectaculaires, ni panoramas de cartes postales. Seulement, vu au ras de l’eau, ce que la nature et les hommes offrent de drôlerie subtile, de saveur, de mélancolie à l’occasion. La délicatesse d’une feuille, « une petite jungle de faux bambous » ou bien, quand le nageur sort de l’eau (il faut bien se nourrir), l’accent « nasillard » d’un serveur, la couleur incertaine d’une salle de restaurant, les contours d’un camping. La carnation du monde, en somme, considérée avec tendresse et décrite avec une infinie précision - une exactitude obsessionnelle et pleine de poésie. « Vu d’en bas, écrit-il, le monde ici est plat, inerte comme les feuilles qui défilent lentement, suspendues aux branches, la plupart immobiles. » Il faut accepter de se laisser aller avec l’auteur-nageur pour savourer la lenteur délicieuse et malicieuse de ce livre qui, si d’aventure on le mettait dans le cours d’une rivière, ne coulerait sûrement pas tant sa prose est légère. Gageons même qu’on pourrait en faire une excellente bouée, pour surnager dans l’océan de la vulgarité, de la bêtise et de tous leurs produits dérivés.


Raphaelle Rérolle, Le Monde, 5 janvier 2012



D’ordinaire, dans un récit de voyage, le héros commence par prendre la route. Chez Pierre Patrolin, il préfère se jeter à l’eau. Littéralement. Ce premier roman est le témoignage de cette immersion radicale, à contre-courant de tout ce qui meut la littérature d’aujourd’hui. Sur 715 pages, le narrateur ne fait que nager, calmement, obstinément, croisant un héron, des carpes, remontant la Garonne, l’Allier, la Seine, et traversant le pays par ses seules voies fluviales. " Je ne sais pas ce qui me pousse à recommencer tous les jours, à reprendre l’eau tous les matins. A poursuivre une si dérisoire épopée. Une expédition sans objet, sans but plutôt. Sinon celui de ne pas abandonner. Comme l’eau justement, celle des sources et des ruisseaux, qui coule, sans jamais renoncer. "Dans cette odyssée minuscule et colossale, il ne se passe presque rien : l’homme sillonne au ralenti les veines du territoire, passe la nuit dans des auberges et replonge chaque matin. Des pages entières sont consacrées à la description des aulnes, du limon, de la vase, des frondaisons, si bien qu’on flotte entre deux eaux, l’atlas hydrographique et la prose de Julien Gracq, la nature morte et l’eau vive. On barbote au coeur de cette matière-là - le paysage immuable des berges, la France organique et terreuse de nos aïeux - avec une curieuse impression d’instantanéité, comme si le temps de la lecture coïncidait avec celui de la traversée. D’où la sensation d’oeuvrer ensemble, au coude à coude avec le personnage, découvrant à ses côtés chaque pli de la rivière, chaque confluent, dans un mélange d’excitation et d’épuisement. On ne sait pas bien ce que le type fuit (une femme ?), ni même ce que nous fuyons en le suivant. La seule certitude, c’est cet exploit que nous partageons, entre enlisement beckettien et retour à la vie amniotique, défi incongru et sublime qui constitue tout autant une épreuve qu’une profonde délivrance.


Erwan Desplanques, Télérama, 8 février 2012


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Pierre Patrolin, La Traversée de la France à la nage, Pierre Patrolin La Traversée de la France à la nage - janvier 2012