— Paul Otchakovsky-Laurens

La Liseuse

Paul Fournel

Depuis 1452 et la parution de la Bible à 32 lignes de Gutenberg, le texte et le livre ont partie liée : publier un texte c’est faire un livre, lire un livre, c’est lire un texte, acheter un texte, c’est acheter un livre.

Ce récit commence le soir où la petite stagiaire discrète apporte à Robert Dubois le vieil éditeur, encore directeur de la maison qui porte son nom, sa première liseuse. Ce bel objet hightech qui le regarde de son écran noir, lui annonce que sa vie est en train de basculer. Que va devenir son métier maintenant que le texte et le papier se séparent ? Quelque chose couve qui pourrait fort bien être une révolution. Il le sait et cette perspective le...

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Traductions

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La presse

Quelle jolie bande de joueurs ! Depuis 1960, les écrivains membres de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) affectionnent structures combinatoires, parodies et contraintes, et prônent le mariage de la littérature et des mathématiques. Deux d’entre eux publient aujourd’hui, l’un et l’autre chez P.O.L, des œuvres aussi brillantes que délicieuses, d’une gaieté inattendue, distillant chacune un plaisir subtil qui tient à l’amour des mots – à l’endroit comme à l’envers… La Liseuse, le roman de Paul Fournel, décrit la vie de Robert Dubois, éditeur depuis trente ans et des poussières. Il vit plongé dans un silence de vieux papiers, mais ses douces habitudes sont soudain bousculées par l’arrivée d’une stagiaire qui lui tend une liseuse. L’objet high-tech le plonge dans un monde sans papier. Il ne s’agit pas pourtant, pour Paul Fournel, d’orchestrer une nouvelle bataille entre Anciens et Modernes. L’écrivain a de l’humour, il évite les sanglots et la nostalgie pour parler plutôt du plaisir intense et charnel de la lecture - sous toutes ses formes et sur tous les supports. C’est en achevant La Liseuse qu’une postface révèle la contrainte oulipienne que s’est imposée l’auteur : son récit épouse la forme d’une sextine, forme poétique inventée au XIIe siècle par le troubadour Arnaut Daniel. […]



Christine Ferniot,Télérama, 4 janvier



Entre poésie et progrès technique, Paul Fournel
s’interroge sur les exigences de la vie moderne.


Les menaces qui planent sur le monde des livres sont aussi anciennes que les livres eux-mêmes. Depuis l’époque du vieux Gutenberg, on nous annonce la fin de l’objet livre. Tour à tour, il sera détruit par ceci, par cela et par autre chose encore, prophétisent les grincheux. C’est dire si le livre est un objet dangereux ! Pour que tant de brillants esprits, sous tant d’horizons, en prédisent sans cesse la mort imminente, il doit être sacrément pernicieux, cet objet, non ?


Dernière alarme, tirée avec la plus grande vigueur par les partisans de l’imprimé : le livre électronique. La liseuse. Face à cette mode qui nous arrive d’Amérique, que faire ? Les plus intransigeants de nos intellectuels serrent les rangs pour dénoncer les méfaits du bidule électronique. Avec leur mine sévère, ils ressemblent aux grognards du carré de la Garde au soir de Waterloo et ne se font guère prier pour hurler en cœur le mot de Cambronne. D’autres, plus malins, plus élégants, opposent à la nouveauté une arme redoutable, venue des temps anciens : la poésie. Paul Fournel appartient à cette dernière catégorie d’écrivains. Avec humour et légèreté, il montre que la peur n’est pas une vision du monde. Dans un court roman qui ravira les Anciens comme les Modernes, il met en scène un vieil éditeur dépassé (entendez par là : racheté par une boîte placée sous la direction d’un « fils de » ayant courageusement abandonné la carrière de banquier pour embrasser celle d’éditeur et trimballant ses chiffres et son costume cravate dans tous les couloirs). Robert Dubois est le prototype du gentil blasé. Il représente une espèce en voie de disparition que l’on croise encore dans les rues de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, si l’on s’y promène juste avant 13 heures ou vers 15 h 30-16 heures. À ces heures, les derniers grands fauves marchent vers leurs abreuvoirs. Un beau jour, le progrès entre sans préavis dans l’existence de Robert Dubois. Sous la forme d’une liseuse. Pour faire bonne mesure, la tablette est accompagnée par le joli minois d’une stagiaire. Notre éditeur, de bonne composition, se pliera aux exigences de la vie moderne. Il imaginera même le moyen de porter l’imagination au pouvoir, avec la complicité de cette armée des ombres que contient toute entreprise : les stagiaires. Poétique, satirique, délicat, voici un roman à mettre d’urgence entre toutes les mains.


Francois Busnel, L’Express, 4 janvier 2012



Ecrivain numérique par anticipation


Que faire de cet objet high-tech qu’est " La Liseuse " ? S’en emparer avec humour et poésie, répond l’oulipien Paul Fournel.


La liseuse ? Une silhouette gracieuse, celle d’une femme absorbée dans la lecture - c’est ainsi que l’ont représentée Fragonard et Renoir, non sans une certaine sensualité. Celle qui donne son titre au roman de Paul Fournel évoque, sous la douceur du nom, un objet figé : la tablette électronique qu’une stagiaire, Valentine, apporte un jour au narrateur, Robert Dubois. Pour cet éditeur chevronné, qui a passé sa vie dans " un silence de vieux papier ", l’écran mangeur de pages modifie la physiologie de la lecture. " Je me retrouve à câliner ma liseuse. Elle est noire, elle est froide, elle est hostile, elle ne m’aime pas... Si je me regarde dans le miroir, avec ma tablette sous le menton, j’ai l’air d’un spectre. Je suis le fantôme du lecteur que je fus. "
Nouvelliste, explorateur de genres littéraires, Paul Fournel a été éditeur, avant de devenir attaché culturel au Caire puis à Londres. Face à la révolution technologique qui dissocie le texte et le livre, il a choisi d’évoquer, sous une forme romanesque délicieusement satirique, un milieu qu’il a observé de l’intérieur. Son personnage, Robert Dubois, dirige une maison d’édition qui, quoique rachetée par un groupe, porte encore son nom. Il continue à présider le comité de lecture, à déjeuner rue du Dragon, à Paris, avec ses auteurs - avant que la cuisine mitonnée de Mme Martin ne laisse place aux sushis. On trouvera ici une des plus belles pages jamais écrites sur l’artichaut, ce " légume méditatif " qui a ses règles d’élégance et se déguste mieux dans la solitude. Mais aussi de jolis portraits d’écrivains, avec leurs travers, leurs inquiétudes, leur talent. Regroupé lors d’un mariage et d’un enterrement, ce petit monde constitue une " foule de Sempé".Des " éditeurs électroniques de grand chemin " Dubois, " l’homme des marges et de la mine de plomb " - du livre " solide " annoté au crayon " gommable " -, se demande ce que deviendront les textes quand chacun, sur sa liseuse, pourra les modifier à sa guise, " changer la madeleine de Proust en petit-beurre Lu, (...) ajouter ici et là quelques gags désopilants dans Bernanos ". Il devine pourtant que s’ouvrent des possibilités infinies pour les jeunes stagiaires, à qui il essaie de transmettre son enthousiasme. " Lire, bien sûr. Tout, tout le temps. Et puis aimer très fort. Si tu aimes très fort le texte que tu publies, il a déjà fait un pas vers sa première éternité. " Avec l’aide du narrateur, puisque " la littérature ne cesse de modifier son champ et ses formes ", les " mômes ", qui ont le goût du jeu, fomentent un projet secret, intitulé " Au coin du bois ".Pour devenir des " éditeurs électroniques de grand chemin ", ils demandent aux auteurs de la maison de créer des feuilletons quotidiens, des " texticules ", des poèmes.
Voilà qui ressemble fort aux pratiques de l’Oulipo, dont Paul Fournel est le président. N’a-t-il pas été lui-même un " écrivain électronique par anticipation ", en regroupant dans Poils de Cairote (2004) une mosaïque de 500 chroniques quotidiennes ? Ce fieffé joueur a écrit L’Histoire véritable de Guignol (1975), Guignol qu’il acclame au parc des Buttes-Chaumont dans un DVD collectif, L’Oulipo court les rues de Paris (POL, 25 €). Ici et là, on rend hommage à Queneau, on aimerait avoir l’appui de Perec, on ressuscite La Cinquantaine à Saint-Quentin (1989), de Jacques Bens, " un petit opus si parfaitement dépressif qu’il en est drôle ".
La Liseuse, enfin, est un roman oulipien qui obéit à certaines contraintes : une sextine de 180 000 signes, variation géante sur une forme poétique du XIIe siècle et une " boule de neige fondante ",puisque le monde de Robert Dubois, progressivement, se réduit. Mais il n’est pas nécessaire de s’en aviser pour prendre plaisir à ce roman plein d’humour désabusé, à cette ultime célébration des livres de papier. La page n’est pas tournée, la vie vaut toujours " la peine d’être lue". Sous une forme ou sous une autre. Qu’importe ?


Monique Petillon, Le Monde, jeudi 9 février



Des bonnes tables de Saint-Germain-des-Prés aux tablettes de lecture, une plongée ironico-poétique dans le petit monde de l’édition.


C’est l’histoire d’un éditeur qui lit des manuscrits depuis plus de trente ans. À vrai dire, il ne lit plus, il relit, car c’est toujours la même histoire, celle d’« un mec qui rencontre une fille, mais il est marié et elle a un copain »…Rien ne le surprend plus, il lit dix pages d’un manuscrit et il le connaît déjà par coeur. Robert Dubois avait créé sa maison pour publier de la bonne littérature, mais ses comptes déprimaient et il a été racheté par un groupe. Il a donc un jeune patron qui ne connaissait rien aux livres lorsqu’il a commencé mais qui s’est pris au jeu. Tous les deux sont comme chien et chat, tel un vieux couple où les rôles sont distribués, où l’on joue à se chamailler. Il a une jeune ? assistante rousse qui le bouscule pour ne pas qu’il se laisse marcher sur les pieds. Il est marié avec une ? attachée de presse un peu fanée et qui fume trop, qui dit tout le temps qu’elle en a marre des journalistes mais qui aime son métier.


Un pied de nez au monde nouveau



Le roman de Paul Fournel décrit un monde qui disparaît, l’édition à l’ancienne, les déjeuners interminables dans les bistrots de Saint-Germain-des-Prés où l’on servait de l’andouillette-purée et où l’on surveillait son concurrent du coin de l’oeil. Maintenant, il y a des restaurants de sushis et les auteurs font des ? infidélités à leur éditeur avec Apple qui leur propose de créer des applications. Le narrateur de La Liseuse n’est pas amer pour autant, c’est ce qui fait le charme du roman. Un jour, une stagiaire en Doc Martens à fleurs lui apporte de la part du patron une tablette de lecture électronique. Il râle : cela change ses habitudes - plus de bureau encombré de papier, plus de cartable qui déboîte l’épaule quand on part le week-end avec cinq manuscrits -, mais il s’y fait. Et, pour faire un dernier pied de nez au monde nouveau auquel il sait bien qu’il n’est plus adapté, il débauche secrètement les stagiaires de la maison - un HEC, un Science Po et un geek - pour qu’ils inventent des contenus littéraires adaptés aux smartphones…


Le récit épouse avec naturel la jolie forme poétique d’une sextine. Il ne pèse ni ne pose. Légèrement mélancolique, l’auteur décrit de façon très réaliste le milieu de l’édition avec un humour teinté d’ironie mais toujours tendre. Un délice.



Astrid de Larminat, Le figaro Littéraire, jeudi 5 avril 2012


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Paul Fournel, La Liseuse, Paul Fournel - La Liseuse - janvier 2012

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Son

Paul Fournel, La Liseuse , Paul Fournel La Liseuse - entretien avec Katlheen Evin - ''L'Humeur vagabonde'' France Inter 13 février 2012