— Paul Otchakovsky-Laurens

manque

Dominique Fourcade

« Dans ce livre il y a plus de lèvres que dans d’autres livres. Des traces de mots sur les lèvres, et bien sûr il y a aussi des traces de lèvres sur les mots. Un tel livre on ne sait pas qu’on l’écrit. Chacun de ceux qui sont ici, figurantes et figurants, qui sont là de toute part, ici dans manque, sait de moi ceci : en amour, comme dans la mort, j’ai deux sortes de cri, l’un où je simule que je suis proche, l’autre où je simule le lointain. »

 

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La presse


L’impossible auquel Manque semble tenu : faire du souffle ultime du défunt le premier souffle de l’écriture : voilà pourquoi Manque est une suite d’élégies mais surtout une expérience cruciale dans l’oeuvre de Dominique Fourcade. Si j’étais vivant, un texte écrit en 1998, « une simple feuille », l’avait préfigurée. Le poète y saisissait qu’écrire sur la mort, « avec assez d’amour », pouvait permettre, selon les morts « qui surviendraient » et selon les mots de la mort elle-même, la composition d’un « livre entier ».


La douleur ouvre désormais sur une forme d’impudeur. Éprouver la première exclut la consolation; assumer la seconde autorise une joie inédite : « Nous ne souhaitons pas cette expérience existentielle, parce qu’elle est synonyme d’un grand deuil, mais quand elle arrive nous ne nous y refusons pas, elle transfigure toutes choses de l’instant à vivre et notre regard voit ce qu’assurément il ne cherchait pas à voir, ni notre oreille ». Jamais cathartique, l’écriture exaspère l’affect - lecteur de Bossuet, Fourcade sait que la mort n’est pas aimable mais qu’elle fait aimer - moyennant une forme « dont on n’a pas le moule en soi ». Au coeur de l’expérience, « deux silences », quèlques pages où s’expose avec une subtile franchise la désolation d’être soi associée au « sentiment merveilleux d’obéir et de désobéir ». On rapportera cela à une mention troublante, inscrite au seuil du livre : PAS DU MÊME AUTEUR. Qui est alors cet autre qui écrit ? Fourcade répond : « Je suis écrivain, ce qui veut dire que je ne peux comprendre mon deuil que par l’écriture ; surtout, cela signifie que je ne puis l’éprouver qu’en l’écrivant ».


En Lisant Rêver à trois aubergines, un essai de 1973, repris pour l’exposition « Matisse. Paires et séries », on retrouvera le connaisseur fin et sensible de celui qui, voulant « faire face », ne combattit pas plus qu’il n’approuva.


Pierre Parlant, Cahier Critique de Poésie, n°25, 2013



Retrouvez également la note de lecture de Anne Malaprade du 22 mai 2012 sur Poezibao

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Dominique Fourcade, manque, Domnique Fourcade - manque - avril 2012

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