— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Cocommuniste

Jacques Jouet

Ce roman se veut un parcours panoramique sur la confrontation épineuse entre l’idée communiste et le concret de ses tentatives.
Il propose sept approches successives à partir de situations historiques ou imaginaires différentes, à partir aussi de points de vue différents.

1. Les chiens pavillonnaires : en banlieue parisienne dans les années 1970, l’auteur est membre du PCF. Le roman fait un retour personnel sur cette période. La scène est à Viry-Châtillon, là où se trouvait au début du xxe siècle le premier aérodrome de l’Histoire. Un certain Lénine y venait...

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La presse

L’hihistoire ne se répète pas, elle bébéguaie


L’échec du communisme, traité à la mode oulipienne par un Jacques Jouet mélancolique.


En cette année 2014, Jacques Jouet publie Le Cocommuniste. En 1950, Louis Aragon signait Les Communistes, épopée fleuve retraçant le combat armé des communistes contre le fascisme durant la seconde guerre mondiale. A l’horizon de cette lutte victorieuse, une autre guerre se profilait, idéologique celle-là – la guerre froide. Il y a un quart de siècle, « 25 ans déjà », note Jacques Jouet, le mur de Berlin tombait. L’horizon ouvert par le roman d’Aragon se refermait. Le Cocommuniste commence là. A sa manière, Jacques Jouet est aussi un écrivain engagé, et son engagement a parfois pu prendre le nom de communisme. Pour autant, il est avant tout un écrivain oulipien. Un jour, dans un entretien à France Culture, il dit : « On n’a pas le droit de rester en deçà des potentialités d’une situation. » Et il ajouta : « Une idée narrative, il faut essayer de la traiter complètement. » La fin du communisme est précisément une telle « situation », qu’il convient de traiter en une « idée narrative » portée jusqu’à son point d’aboutissement.


Dans le sang

Le Cocommuniste relève le défi. L’étendue du résultat - une rhapsodie de 500 pages - en dit assez l’ampleur. Tout commence dans la banlieue rouge pavillonnaire des années 1970, où un chien s’échappe d’une maison où il est enfermé en prenant son envol, après y avoir détruit toutes les icônes communistes qui s’y trouvaient. Tout finit dans les bidonvilles en périphérie de la banlieue des années 2010, où l’on trouve des traces du même chien volant. Entre-temps, le roman remonte l’histoire. Il raconte les éblouissements de Lénine en exil devant l’envol des premiers avions à Viry-Châtillon ; le secret de la voix téléphonique de Staline. Il recompose, en une pièce de théâtre, l’histoire de quarante ans d’engagement puis de désengagement communiste d’ouvriers à Creil. Il dit le récit du déshonneur de Milos, écrivain d’un quelconque pays soviétique qui, croyant agir pour le bien général, a trahi ses concitoyens, puis il compose la légende tragique de Povarine, révolutionnaire d’un hypothétique pays d’Amérique latine : Povarine réussit à prendre le pouvoir, tente d’éviter les erreurs des régimes communistes en abolissant la dictature du prolétariat et finit torturé par les siens. Enfin, il retrace l’histoire contemporaine de Souvarine, ouvrier qui tente de sauver son neveu délinquant en créant une communauté en banlieue, la « cité fantôme ». Tout finit dans le sang. Avec une infinie mélancolie et une verve jubilatoire, le roman laboure l’histoire sur tous les modes narratifs possibles, hypothétique, grotesque, légendaire, fantastique, documentaire. Mais rien ne se suit. Tout se détruit. Le communisme meurt deux fois : tué par ses protagonistes, puis tué par le capitalisme. le roman, malade, bégaie comme son titre. Mais ce bégaiement est cathartique. « Un spectre hante l’Europe : le spectre du communisme », c’est par ces mots triomphants que Marx ouvrait le Manifeste du parti communiste (1848). « Le communisme dans la nuit est une petite étoile, morte et luisante à la fois », c’est sur cette humble profession de foi que Jacques Jouet termine son roman, en imaginant une autre manière spectrale, ailée, affranchie de la gangue de son histoire, à l’image d’un chien volant et iconoclaste, de vivre avec l’idée du communisme : non plus communiste, non plus « coco », comme on le disait autrefois désobligeamment, mais cocommuniste.


Marianne Dautrey, Le Monde des livres, janvier 2014



En 1970, en banlieue parisienne, un pavillon vide est ravagé par un chien. Les propriétaires, militants communistes, le revendent, le récit s’égare... La parole passe à l’homme qui doubla la voix de Staline, le remplaçant au téléphone dans le monde ubuesque du Kremlin. Puis quatorze poèmes résument en 2009 des vies de militants ouvriers, suivis d’une pièce de théâtre, « La ronde militante ». Séjour en Europe de l’Est, où un romancier travail aux archives, surveillé par le pouvoir. Arrêt sur Prosper Enfantin, avec quelques textes saint-simoniens et marxistes. Puis passage en Amérique latine où un activiste voit sa révolution s’enfoncer dans la modernité capitaliste. Retour en banlieue parisienne aujourd’hui: un communiste tente d’y mobiliser une jeunesse nihiliste, adepte d’un piercing mortifère. Dans cet ambitieux roman, à la construction saturée de subtilités oulipiennes, Jacques Jouet (La seule fois de l’amour, IMB mars 2012) se penche sur le dévoiement, l’échec et l’avenir de la théorie communiste. « La lectrice », parfois évoquée, s’interroge sur la succession logique de ces fragments qui décrivent les erreurs et horreurs d’un communisme d’État ou les actions des militants de la base... Le style vif, prolixe, multiforme, l’humour, la sincérité de la démarche, l’implication de l’auteur l’entraînent cependant jusqu’au bout de cet ouvrage atypique.


M.W. et C.BI., Notes bibliographiques, février 2014


Vidéolecture


Jacques Jouet, Le Cocommuniste, Le Cocommuniste 13 décembre 2013

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