Christian Prigent s’est pris d’intérêt et d’affection pour Martial, ce poète espagnol, venu chercher fortune à Rome aux premiers temps de notre ère. Son insolence, sa verve, son obscénité l’ont littéralement ravi. D’où la traduction de ces 650 épigrammes tirés de l’œuvre (par ailleurs intégralement publiée par Les Belles Lettres).
Tu voulais me lire ? Eh bien, me voici :
MARTIAL ! J’ai été très connu jadis.
Mais attention : ici, c’est du saignant.
Mon cœur bat toujours, je suis bien vivant.
À Rome, on me louait déjà plus encor
Qu’on ne faisait pour des...
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Christian Prigent s’est pris d’intérêt et d’affection pour Martial, ce poète espagnol, venu chercher fortune à Rome aux premiers temps de notre ère. Son insolence, sa verve, son obscénité l’ont littéralement ravi. D’où la traduction de ces 650 épigrammes tirés de l’œuvre (par ailleurs intégralement publiée par Les Belles Lettres).
Tu voulais me lire ? Eh bien, me voici :
MARTIAL ! J’ai été très connu jadis.
Mais attention : ici, c’est du saignant.
Mon cœur bat toujours, je suis bien vivant.
À Rome, on me louait déjà plus encor
Qu’on ne faisait pour des écrivains morts.
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De la brièveté
Nous connaissons tous ces faux prophètes, intellectuels désabusés, qui expliquent très sérieusement qu’on n’a plus le temps de lire, et qu’il faut désormais offrir des œuvres raccourcies, des livres brefs –quelque chose de plaisant pour sept ou huit stations de métro. Ne fuyons plus ces folles personnes, parce qu’elles sont comme des pendules arrêtées, qui donnent tout de même l’heure exacte deux fois par jour. Peut-être notre époque a-t-elle en effet besoin, pour mieux réfléchir, de formes brèves –mais plus exactement fragmentées, explosées. C’est dans le seul blanc de la page que le lecteur contemporain peut se retrouver, pour savourer et digérer la phrase qu’il vient de lire. Deux livres le prouvent. Ils sont anciens mais viennent de paraître.
Le premier est du poète Martial – ou du poète Prigent, on ne sait trop. Ce sont en tout cas les « Épigrammes de Martial, recyclées par Christian Prigent ». Le terme vous choque ? Prigent l’a choisi : et c’est qu’en effet il a mis beaucoup de lui dans ces vers latins, où quelque chose swingue à nouveau – et c’est la langue, qui est comme la mer de Valéry, « toujours recommencée ». Recyclées, donc, ces 650 épigrammes : c’est-à-dire interprétées, actualisées. « Elle veut m’épouser; mais moi non : très / Vieille. Si un peu plus vieille : on verrait » ; « Je t’ai dit “Monsieur”. Va pas plastronner : / Je dis ça souvent même aux employés ». Impossible, ici, de dévoiler plus d’insolence et d’obscénité. « J’ai voulu plutôt retrouver quelque chose de cette bonne humeur désinvolte et mal élevée qui fait des poèmes de Martial des boules d’énergie jubilatoires. » Pari réussi : le lecteur pioche, picore, rit, rougit, s’interrompt – et puis reprend. […]
Laurent Nunez, Le Magazine littéraire, mai 2014