— Paul Otchakovsky-Laurens

La Salle

Joël Baqué

La Salle suit le parcours d’un trader qui engage des sommes démesurées en contournant les procédures de contrôle de son employeur (une banque), mais ne poursuit pas un objectif d’enrichissement personnel.
L’auteur s’intéresse aux motivations et à l’économie psychique de ce rogue trader « à la française » – qui ne se superpose pas à l’image caricaturale que les médias véhiculent du trader –, à sa gestion du réel et du virtuel, à la solitude fondamentale à laquelle le condamnent ses actes.
Il est également question du pouvoir de l’image et de la parole...

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La presse

Au bonheur des traders

L’écrivain décrit la psychologie délirante d’un banquier.


AU SECOURS ! Ce roman risque de passer inaperçu, il est pourtant formidable, percutant. Le titre, La salle, fait références à la salle de marchés. Le narrateur est un trader. On utilise volontiers le terme anglais pour ne pas dire «opérateur dans une banque dont l’activité consiste à acheter et à vendre des valeurs mobilières, devises et autres produits dérivés. C’est un monde dont on entend souvent parler, mais qui reste une planète inconnue. Dans ce livre - et visiblement dans la réalité aussi-, les traders effectuent des opérations à la nanoseconde près. Joël Baqué nous fait pénétrer dans le cerveau d’un trader. Même s’il ne s’agit pas de lui, Jérôme Kerviel surgit- son nom est devenu une unité monétaire : « Peu avant la clôture, alors que la Salle tentait de reprendre son souffle, vous avez propulsé deux kerviels supplémentaires, soit dix milliards...»


Un dédoublement qui rend fou


La démarche de l’auteur est d’une efficacité ahurissante. Son langage emporte tout sur son passage en contant le récit à la deuxième personne du pluriel. Ce « vous » à la place du « je » donne un effet de dédoublement qui rend fou. « Vous ne voulez pas tant connaître vos limites que jouer avec. (...) » La salle de marché est le seul lieu où le narrateur a le sentiment de vivre pleinement, où il « communie ». « C’est l’espace où l’énorme pression du Fric permet l’émergence d’architectures démesurées (...). » Pour lui, le marché des changes, « c’est grand et c’est beau », c’est une cinquième dimension où se négocient quotidiennement plus de deux trillions de dollars. On apprend aussi ce qu’est le « day trading » : des rafales d’achats-ventes quasi simultanées qui font circuler des sommes mirobolantes, des robots sont à la manoeuvre. Dans la vraie vie, avec les amis ou les femmes, le narrateur se regarde vivre plutôt qu’il ne vit. Il décroche dans tous les sens du terme.
Comment le trader définit-il son métier ? « Votre job, c’est palper la face de Dieu ». Comme Kerviel, il va se mettre à tricher, à dissimuler, à perdre tout contrôle. «  Votre stratégie peut aboutir à un coup exceptionnel autant qu’à vous broyer ». Le moteur de cette escroquerie à un milliard n’est pas tant l’enrichissement que quelque chose de psychologique et de mystérieux. D’incompréhensible. Une revanche sociale, parce que le trader est issu d’un milieu modeste et n’a pas fait les grandes écoles ? Malgré une réussite fulgurante, des revenus hors norme, il ne restera qu’un parvenu aux yeux des parents bourgeois de sa chérie. Est-ce le sentiment de solitude ? Dans ce genre de texte, la caricature n’est jamais loin. Or, Joël Baqué ne tombe pas dans le piège du manichéisme. Il conte l’histoire d’un salaud, personnage peu sympathique, mais il va au-delà. Les réactions effarouchées de l’entourage du trader sont tout aussi incompréhensibles. La Salle est le roman d’un homme qui s’est pris pour Dieu.


Mohammed Aïssaoui, Le Figaro, 26 mars 2015.

Agenda

Du vendredi 17 au dimanche 19 mai
Neige Sinno et Joël Baqué au Festival La Comédie du Livre (Montpellier)

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