— Paul Otchakovsky-Laurens

La Finitude des corps simples

Claude Royet-Journoud

Ce nouveau livre de Claude Royet-Journoud s’ouvre par une très belle citation d’Emile Benveniste : « C’est pourquoi la question : à quoi sert le langage ? n’a qu’une réponse : à vivre. ». Elle est d’autant plus belle qu’elle éclaire d’un jour différent de celui auquel on est habitué une œuvre qui n’en est cependant pas moins inscrite dans le plus vif de la présence. Une oeuvre qui met le poème et les mots qui le composent, leur ambigüité, leur volatilité, au centre de toute interrogation.

Claude Royet-Journoud a publié quatre recueils de poèmes aux éditions Gallimard. Il a...

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Traductions

Norvège : Kolon Forlag

La presse

Le corps dans « le quartier des vocables »



Un nouveau livre de Claude Royet-Journoud, où l’interrogation sur le deuil se nourrit d’une réflexion sensible sur le langage.



Les corps simples, la chimie nous l’enseigne, sont les éléments de base à partir de quoi se construit la diversité du monde. Ce n’est pas de cela, a priori, que nous parle Claude Royet-Journoud dans La Finitude des corps simples, mais de simples corps humains, rendus à la présence par l’écriture.

« La montée des eaux repousse l’ordure
Et fait surgir
Un corps oublie. »


Un corps, on le comprend, inerte : « elle s’était enfuie », elle était morte. C’est à cette méditation sur le corps dont la « tête touche l’autre rive » que nous invite Claude Royet-Journoud dans son dernier livre. Son dernier poème, devrions-nous dire, car, ainsi qu’il l’a lui-même précisé, « le livre est un seul poème ». Un poème dont, cependant, certains éléments ont été prélevés, ou retravaillés, dans des ensembles antérieurs, ou des revues comme Kardia, la première des dix séquences qui composent le poème, mot qui renvoie à la fois au coeur et à l’estomac. L’exemple est significatif de la manière dont Claude Royet-Journoud fait travailler les mots, les « corps simples » de sa phrase. Dans son entreprise, en effet, le langage est son allié. « À quoi sert le langage ? » demande le linguiste Émile Benveniste dans la citation qui figure au dos du livre, « à l’extérieur », comme le dit l’auteur. « La question, poursuit-il, n’a qu’une réponse : à vivre. » Le langage, l’écriture font sortir du noir, du sommeil, du deuil. Séquence après séquence le processus se réamorce, chacune d’elles conduit au développement de la suivante après une pause, comme un fondu au noir, consciente de la fragilité de ses moyens et ne doutant pas, pourtant, du résultat. « Une phrase est seule », est-il dit, « l’image est encore loin », « on est sans défense». On avance, pourtant. Bien que nous soyons dans « un exercice d’absence », la « poussière narrative » se reconstitue à partir de l’image initiale, et pousse dans toutes les directions. On devine une autopsie, une dissection, on parle d’attentats, on avoue sa peur. « Des personnages tâchent de reconstituer une fin. » Est-ce là que réside le charme d’un livre en apparence aussi austère? On lit La Finitude des corps simples avec beaucoup de gratitude pour le poète qui a su laisser à l’émotion tout son territoire sans cesser de questionner les pouvoirs du langage et nous conduire à ce « quartier de vocables » où nous pouvons vivre.

Alain Nicolas, L’Humanité, 9 juin 2016.


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Claude Royet-Journoud, La Finitude des corps simples, La Finitude des corps simples - Claude Royet-Journoud - avril 2016

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