— Paul Otchakovsky-Laurens

Usufruit

Nicolas Combet

Paul, le héros de ce premier roman, hérite d’une grande histoire, peut-être trop grande pour lui : un immeuble et une maison en Seine-Saint-Denis à Montreuil, mais aussi le baptême de Charles V, une décision de quitter l’Italie au début du vingtième siècle, un couteau planté en travers de la gorge, le meurtre d’un colon à Madagascar, le voyage d’une sculpture monumentale. Il a épousé sa voisine Viviane et découvre qu’elle est incapable d’aimer la vie. Il s’est fâché avec ses voisins les Dominique, il a manqué se faire assassiner par sa belle-fille Violaine. Mais il a surtout été l’ami de Renée, la...

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La presse


Montreuil ou la mort


Aux yeux de Nicolas Combet et de ses personnages, la ville de Montreuil (Seine-Saint-Denis) est le centre du monde. Tout y converge, y passe ou en part dans ce premier roman foisonnant, volontiers digressif. De quoi hérite-t-on et que peut-on s’approprier quand on y vit depuis toujours ou qu’on s’y installe par hasard?
Usufruit organise la rencontre de Paul, locataire puis propriétaire d’une maison dans cette ville limitrophe de Paris, et d’Adama,un migrant né en Haute-Volta (futur Burkina Faso) « à la fin des années 1970 ou au début des années 1980 ». L’un ne sort presque plus de la maison qui lui a été léguée.L’autre est passé par la Libye, les côtes grecques et l’Allemagne avant d’arriver à Montreuil. Un jour, il s’installe dans l’une des dépendances de la maison de Paul. Dans cette fiction écrite en hommage à un « Adama [qui] a vraiment existé mais [qui] est mort » avant d’arriver en France, Nicolas Combet dresse un tombeau de mots chargé d’histoire et inscrit dans un lieu de mémoire.


Florence Bouchy, Le Monde des Livres, 04 février 2022



Le primo-romancier raconte un petit groupe d’habitantes de la banlieue est de Paris pour mieux s’ouvrir à toutes les mémoires du monde.


En ouverture de son premier roman, Nicolas Combet use d’un procédé balzacien : prendre de la hauteur géographique et du recul historique pour mieux fondre sur un microcosme, Soit, donc, des origines jusqu’à nos jours, la banlieue est de Paris, puis le territoire de Montreuil, puis une parcelle de terrain et, sur cette parcelle, une petite maison, un atelier d’ébénisterie, un immeuble modeste et la cour qui les relie. Comme il a le goût des autres, le narrateur ne met en place ce décor que pour raconter les humain-es qui l’habitent : des humbles, des sans noms à qui il donne des prénoms, des vies infimes rendues immenses par leur agrandissement romanesque, Paul, jeune puis vieux, qui pcut-être n’aurait jamais dû habiter là, Renée, la doyenne, dont il est dit sans en faire tout un foin qu’elle est née garçon, les Dominique, couple paranoïaque, et, au final, Adama l’Africain, qui prend ses aises de squatteur bienveillant.
Nicolas Combet ne se penche pas sur ses personnages, il leur tend la main, les extirpe d’un néant qui est aussi le gouffre de nos existences. Sans compassion sociale ni hystérie ethnologique, on vit leurs vies, chacun-e pour soi et tous-tes ensemble. Le roman, mode d’emploi, est ainsi dit : "Évoquer des souvenirs, parce que je suis certain que tout ce dont on ne se souvient pas, ce dont on ne garde pas, s’échappe dans l’air ou dans la terre ou dans l’eau, et vieillit et ne s’use pas, non, mais use le présent, l’érode et le corrode."


Gérard Lefort, Les Inrockuptibles, Mensuel de Décembre/Janvier 2022



Nicolas Combet, Orpailleur du passé



Voilà un livre rare. De ceux dont la langue, singulière, vous attrape dans ses méandres, vous tient en haleine, le temps que vous arriviez, presque essoufflé, au bout de ces longues et belles phrases. Quel beau premier roman qu’ Usufruit, que Nicolas Combet a publié en janvier chez P.O.L! Le roman d’un Montreuillois qui explore l’histoire de sa ville, tente de remonter aux sources, celles des premières cultures d’arbres mitiers « sans doute au xve siècle», à la noue qui abreuvait Vincennes la royale, au baptême de Charles V en l’église Saint-Pierre-Saint-Paul... L’assistant de production, qui ne s’est autorisé à écrire qu’ après avoir fait, à 40 ans, un master de création littéraire à la fac, tenait à « donner de T épaisseur » à sa commune « parce qu’ on oublie trop souvent T histoire des villes de banlieue, comme si elles étaient nées au xxe siècle». Mais cet orpailleur du passé, qui tient tant à « montrer que Montreuil a de tout temps été traversée par le monde » se penche surtout sur « les vies minuscules » - comme dirait Pierre Michon, « écrivain capital » aux yeux de Nicolas Combet. Celle de Paul son (anti)héros, ouvrier minutieux né dans le bidon ville de La Noue, adopté par la vieille Renée. Celle de Viviane, mère cabossée. Celle d’Adama l’exilé besogneux. Ce qui intéresse Nicolas Combet, c’est de « raconter avec le plus de dignité possible ces vies déniées, méprisées, qui passent sous les radars ». Pour cet humaniste qui a cohabité avec la planète entière dans sa maison du Bas Montreuil, il n’ y a pas de petite histoire. Un chat, un pigeon, l’état d’usure d’un escalier ou le bmit de chaussons en pilou pilou valent la peine d’être racontés. « II me semble important de mettre en récit ces petites choses qui font nos vies auxquelles nous ne prêtons pas attention», résume celui qui rêve d’« aiguiser la raison sensible » de ses lecteurs en les invitant à « être attentifs à ce qui les entoure et ce qui fait leur monde». Des petits détails. Mais un grand livre.



Maguelone Bonnaud, Le Montreuillois, 28 avril 2022



Montreuil, héritages et fantômes


Il y a d’abord un lieu, Montreuil (Seine-Saint-Denis), une terre autrefois vierge de toute présence humaine devenue une banlieue industrielle de l’Est parisien connue notamment pour ses murs à pêches. Resserrant la focale, la caméra se stabilise et s’arrête sur une maisonnette construite au XVIIIe siècle, à laquelle est adossé un atelier d’ébénisterie. Au fil du temps et des héritages, l’habitation s’agrandira jusqu’à devenir un petit immeuble qui verra défiler divers propriétaires, locataires ou squatteurs qui le transformeront au gré des divorces, veuvages ou revers de fortune. C’est l’histoire de cet endroit et de ses habitants que raconte Nicolas Combet dans Usufruit, déployant images et souvenirs à partir de ce point fixe autour duquel gravitent une poignée de personnages. Il faudrait tous les citer, par ordre d’apparition : Renée d’abord, destinée par ses parents à perpétuer la lignée, épouse malheureuse de Constant, l’orphelin parti à Madagascar sans demander son reste. Paul ensuite, arrivé au début des années 1980, époux de Viviane et beau-père de Violaine, qui deviendra l’héritier de l’immeuble. Adama enfin, un ouvrier du bâtiment installé dans un appartement trouvé désert où s’est peu à peu constituée une communauté d’hommes immigrés. progressant dans le récit de manière non linéaire, Nicolas Combet fouille les strates de temps et exhume des souvenirs qui appartiennent aussi à la mémoire collective. Peu importe si ces récits sont fictifs ou réels, sûrement un peu des deux. Ils tissent un dialogue entre hier et aujourd’hui, entre l’ici et les ailleurs, entre les morts et les vivants.



S. J., L’Humanité, juin 2022

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