— Paul Otchakovsky-Laurens

L’ Hostie profanée

Histoire d’une fiction théologique

Jean Louis Schefer

Cet ouvrage, considérable, monumental non pas tant par sa taille, que par la somme d’érudition et de savoir qu’il représente, l’ampleur de sa documentation et le très grand intérêt de son sujet, cet ouvrage est un événement.
Jean Louis Schefer, écrivain, historien, critique d’art, philosophe, s’est engagé totalement dans cette recherche.
Tout part de la célèbre prédelle de Paolo Uccello, Le Miracle de l’hostie (circa 1467) où l’on voit une hostie consacrée saigner à la suite du sacrilège qu’a commis sur elle un usurier juif à qui elle a été remise pour solder une dette. Jean Louis...

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La presse

L’hostie, corps du crime


N’en déplaise aux théoriciens du «nouvel antisémitisme», force est de constater que la haine des juifs, l’une des passions collectives les plus longues de l’histoire, révèle un imaginaire à la fois très pauvre et très résistant. De l’Antiquité à aujourd’hui, elle ne cesse de rebattre les mêmes idiomes : complot, crime rituel, exclusivisme religieux, etc. Pourtant, comme le montre ce livre étonnant, il arrive que telle ou telle sphère culturelle fasse preuve d’inventivité en cette sinistre matière. Tel est le cas de l’accusation de «profanation d’hostie» qui se répand dans l’Europe médiévale, à partir du XIIIe siècle. Contrairement aux fables d’enlèvement à des fins de sacrifices humains, qu’on repère dès le monde hellénistique, cette légende -dont la seule réalité établie est le châtiment, souvent atroce, des juifs calomniés et de leur famille- est forgée dans l’univers du catholicisme latin et, à ce titre, constitue véritablement une nouveauté.

Tout le travail du philosophe et essayiste Jean Louis Schefer, connu pour ses ouvrages sur la peinture ou le cinéma, est de montrer pourquoi l’évolution de la célébration eucharistique dans le catholicisme occidental, depuis l’époque carolingienne jusqu’au concile de Latran IV, en 1215 (où le dogme de la «présence réelle» du Christ dans l’hostie se voit solennellement proclamé) a ainsi suscité, en guise de légende noire, le mythe de la profanation des espèces consacrées imputée aux juifs.

Telle quelle, la thèse n’est pas nouvelle. De nombreux historiens de l’antisémitisme, parmi lesquels Joshua Trachtenberg, le pionnier des études sur les métamorphoses de l’image des juifs au Moyen Âge, ou l’Américain Gavin Langmuir, avaient déjà noté le lien entre, d’un côté, la doctrine officielle de l’Eglise latine sur la transsubstantiation du corps et du sang du Sauveur en pain et en vin, et, de l’autre, l’éclosion de prétendues «affaires» de vol d’hostie. La matrice en est fournie par le récit que Schefer nous convie, de façon haletante et savante, à explorer : celui du «miracle des Billettes».

Située sous le règne de Philippe le Bel, en 1290, et sans doute composée à partir de sermons, l’action met en scène un prêteur sur gages juif du nom de Jonathas, résidant rue des Jardins (l’actuelle rue des Archives à Paris). Ce juif convainc une pauvre femme de lui fournir une hostie, à laquelle il va infliger tous les tourments de la Passion, afin de ridiculiser l’Église en son dogme le plus affiché. Mais l’hostie ne se laisse pas détruire et saigne abondamment. Dénoncé, le juif est envoyé au bûcher et sa demeure est transformée en Église (elle est depuis le XIXe siècle un temple protestant).

Déclinée dans toute l’Europe au travers d’innombrables chroniques, mystères et représentations picturales, le «miracle des Billettes» inspire le thème d’une oeuvre célèbre qui sert de point de départ au voyage encyclopédique de Jean Louis Schefer : la «prédelle» (tableau d’autel) en six panneaux de Paolo Uccello, exposée au palais ducal d’Urbino (Le Miracle de l’hostie1467/69).

L’originalité de ce parcours fort bien illustré tient au sens que l’auteur donne au geste profanateur. Ce geste résumerait, comme dans une chambre noire, tout ce contre quoi l’Occident chrétien médiéval a cherché à se constituer. Avant tout contre l’Eglise gréco-byzantine, mise à distance depuis le schisme de 1054. Alors que le culte orthodoxe est marqué par celui de l’image -des icônes-, le monde latin érige l’hostie en signe théorisé par saint Thomas d’Aquin à l’aide de la philosophie d’Aristote. La présence divine a, avec l’hostie, la même relation que la matière avec sa forme. Or cette doctrine ne s’impose pas facilement puisque le Moyen Âge connaît un réveil de l’hérésie (albigeoise, vaudoise puis hussite) que l’Église était parvenue à étouffer dans ses premiers siècles.

Sous la figure du juif profanateur, qui évoluera dans le personnage de Shylock de Shakespeare ou dans celle du juif de Malte de Marlowe, se profileraient en somme toutes les menaces internes et externes que l’Occident a appris à détester. Ce livre est une contribution essentielle à la cartographie de cette haine.



Nicolas Weill, Le Monde des Livres, 21 décembre 2007





L’Épine dans l’hostie,



On peut, pour définir un territoire -qu’il soit géographique, culturel ou mental-, le dessiner « en plein », ou bien le laisser apparaître «en creux», par la délimitation des frontières des terres voisines. Pour déterminer son «corps» théologique, ses institutions, son aire d’influence, la religion chrétienne a utilisé les deux méthodes : elle a fixé ses vérités doctrinales, ses dogmes et ses rites, mais aussi élaboré des «figures ennemies» contre lesquelles elle s’est battue pour mieux affirmer son identité, toute victoire sur ce qui est posé comme blasphème, sacrilège ou hérésie consolidant l’orthodoxie.


Dans ce cadre, l’antijudaïsme a joué un rôle essentiel, tant pour la constitution du corpus théorique que pour celle du droit canon, des décrets conciliaires en matière de foi et de discipline. Dès 535, le synode de Clermont interdit aux juifs de recouvrir des charges publiques, en 1215 on les oblige à porter un «signe distinctif», et en 1555 une bulle du pape Paul IV les contraint dans les États de l’Église à vivre dans des ghettos. Entre-temps, le Moyen Âge latin aura élaboré quasiment tous les stéréotypes antisémites, du juif déicide au juif usurier, en passant par le juif infanticide qui tue rituellement les enfants avant Pâques pour perpétuer le meurtre du Christ ou utiliser leur sang dans la préparation du pain azyme. Au XIIIe siècle, les juifs sont aussi accusés de profaner l’hostie consacrée.



Processions.



Dans la Galerie nationale des marches, au palais ducal d’Urbino, se trouve l’une des oeuvres les plus célèbres de Paolo Uccello. «Il s’agit d’une peinture sur bois, à la détrempe, divisée en six panneaux, d’une longueur totale de 42 cm sur 361», commanditée par la Congrégation du Corpus Domini et exécutée en 1467 ou 1469. La prédelle met en scène le Miracle de l’hostie profanée : indépendamment de ses caractéristiques esthétiques et de sa place dans l’histoire de l’art, elle donne à voir, ou à lire – s’agissant d’une « narration visuelle » – la façon dont le juif est conçu dans l’imaginaire chrétien. C’est par l’examen du polyptyque d’Uccello que s’ouvre l’Hostie profanée. Histoire d’une fiction théologique de Jean Louis Schefer, écrivain, théoricien de l’art, historien et philosophe. Les six tableaux de la prédelle reproduisent une véritable histoire, une suite de scènes telles que celles représentées sur des chars lors de processions, qu’on comparerait aujourd’hui aux planches d’une bande dessinée.

Cette istoria est celle d’un usurier juif. Pour rendre à une femme le manteau qu’elle a mis en gage chez lui, celui-ci exige qu’elle lui apporte une hostie consacrée. Il veut la brûler, mais l’hostie se met à saigner et le «iquide rouge sinue sur les dalles et passe au dehors entre les pierres du mur» – alors que des hommes en armes tentent de forcer la porte. Une procession reconduit l’hostie vers un autel pour la reconsacrer. La femme est amenée sous un arbre pour être pendue, mais un ange lui tend la main. Le marchand juif et sa famille sont brûlés vifs.


Miracle.



Les séquences peintes par Uccello illustrent une affaire qui s’est déroulée à Paris en 1290, connue comme «le miracle des Billettes», dans laquelle un juif est mis au bûcher pour avoir tailladé, cloué, jeté au feu, bouilli une hostie – qui sort intacte de ses tortures et réapparaît en Christ crucifié. Jean Louis Schefer se met en quête de toutes les représentations similaires, antérieures et postérieures, rituelles, liturgiques, légendaires, miraculeuses (on laissera découvrir la façon dont, des «messes byzantines», il arrive au Marchand de Venise de Shakespeare et à Dracula), comme pour suivre photogramme par photogramme le « film » de la mise en place des principaux sacrements – avant tout la transsubstantiation et la présence réelle du corps du Christ dans l’hostie – par lesquels la religion chrétienne s’est instaurée en «seul interprète accrédité du message évangélique et des moyens de salut de l’humanité». Cet ouvrage, d’une érudition sans bornes et jamais pédante, est organisé comme recherche des pièces d’un puzzle ou des fils d’une énigme. Il contient des traductions inédites de documents latins, italiens ou allemands, ne se borne pas aux causes et conséquences des «menées antijuives», mais reconstitue le «théâtre eucharistique» dans lequel s’est jouée la construction de l’«Occident chrétien;».



Robert Maggiori, Libération; 27 décembre 2007





Les images médiévales ne cessent d’interroger, de surprendre et d’enthousiasmer. Quelques ouvrages récents rappellent avec force aux historiens la responsabilité qui est la leur de les considérer, au même titre que les sources écrites, indispensables pour l’intelligibilité du passé. Je pense notamment à Gil Bartholeyns, Pierre-Olivier Dittmar et Vincent Jolivet, Image et transgression au Moyen Âge, Paris, PUF, 2008 ; à Olivier Boulnois, Au delà de l’image. Une archéologie du visuel au Moyen Âge. Ve-XVIe siècle, Paris, Seuil, 2008 ; ou encore à Jérôme Baschet, L’Iconographie médiévale, Paris, Gallimard (« Folio »), 2008.

Le très beau livre de Jean Louis Schefer, écrivain, historien, critique d’art et philosophe, s’inscrit justement dans cette attention sans cesse renouvelée aux images médiévales. Elles constituent donc le fil conducteur de cet ouvrage tout en n’étant jamais seules, mais toujours en dialogue avec les textes, nombreux, que l’auteur interroge et auxquels il redonne de la voix dans le souci de tisser une histoire liturgique, sociale et culturelle de l’eucharistie. Ce va-et-vient entre visuel et textuel est sans doute une des qualités remarquables du livre de Jean Louis Schefer. Tout commence par la description et le commentaire d’un tableau. Il s’agit du Miracle de l’hostie peint sur une prédelle par Paolo Uccello vers 1467. C’est l’histoire d’une hostie profanée qui est mise en image. Afin de pouvoir rembourser une dette contractée avec un juif usurier, une femme chrétienne se décide à voler une hostie et la lui remet comme ils l’avaient au préalable convenu. Dans les mains du juif, l’hostie commence à saigner, témoignant ainsi de la perfidie du juif. Jean Louis Schefer s’interroge tout au long de son ouvrage sur la signification de cette représentation et retrace avec beaucoup de précision les origines de cette légende. Il s’emploie aussi à comprendre ses implications, ses réinterprétations et même à montrer à quel point elle connaît une postérité endurcie dont l’étude le conduit jusqu’au mythe de Dracula. Tout finit ensuite, à la fin d’un livre de plus de quatre cents pages, par les Libri carolini dont l’auteur propose de longs passages consacrés au refus des images saintes dans le monde carolingien, images qui contrairement au sacrement, n’ont aucun pouvoir de rédemption (à ce propos, nous attirons l’attention sur un livre récent qui n’est pas mentionné par Jean Louis Schefer : Kristina Mitalaité, Philosophie et théologie de l’image dans les Libri Carolini, Paris, Institut d’études augustiniennes, 2007).

L’ouvrage est donc dédié à une histoire ensanglantée du Saint Sacrement, celle de la profanation des hosties.
Deux grands chapitres (ou livres, comme l’auteur les appelle) structurent l’ensemble de ses réflexions. Dans le premier, « Récits et rituels », Jean Louis Schefer s’intéresse au rituel de la profanation d’hostie en tentant de saisir la signification d’un tel événement et en insistant sur ses implications politiques, religieuses et symboliques. À travers l’étude de récits, miracles, pièces de théâtre, peintures, tapisseries ou encore vitraux, largement reproduits dans l’ouvrage pour le bonheur du lecteur, l’auteur reconstruit une histoire de sang, de crime rituel et de miracles concernant le corps mystique du Christ. A la puissance sacramentelle de la communion où le corps du Christ nourrit et rassemble la communauté chrétienne s’oppose l’abomination d’un nouvel outrage du fils de Dieu : de la croix au pain, en somme. Le Moyen Âge tient, dans cette histoire, un rôle prépondérant dans la mesure où l’antijudaïsme médiéval se nourrit et s’exprima à travers justement la virulence de telles accusations.

Dans le deuxième livre, «Les aventures de la substance», une attention toute particulière est accordée aux causes et aux implications théologico-doctrinales des profanations ainsi qu’aux différentes interprétations et usages de l’hostie dans le monde latin et orthodoxe. JLS ne limite pas ses considérations à la période médiévale. Il aime traverser les frontières imposées par les grands et canoniques découpages chronologiques.

Au lecteur donc de s’enrichir par ce livre, à deux niveaux : d’une part, des réflexions profondes sur l’univers et la symbolique sacramentels conduisent à expliquer le mystère de l’incarnation et les enjeux, entre vénération et profanation, du corps du Christ ; de l’autre, de nombreux textes que l’auteur propose en les traduisant en français permettent cette intrusion bénéfique dans les sources de l’époque donnant au lecteur la possibilité de procéder par lui-même à une herméneutique du sujet. C’est donc un ouvrage d’un grand intérêt à la fois pour la pertinence et la profondeur des analyses et pour la richesse quasi anthologique des textes et des images qui y sont à l’honneur.

On a donc l’occasion de découvrir ou redécouvrir des passages de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours ; des passages des Constitutions de Hirsau sur la confection du pain d’hosties au XIe siècle ; des extraits des canons du concile de Latran IV concernant les Juifs et l’eucharistie ; des passages de l’Explication de la divine liturgie de Nicolas Cabasilas, rédigée à la fin du XIIIe siècle ; la représentation d’un miracle du corps du Christ mise en scène en Italie lors de la fête Dieu à la fin du Moyen Âge ; la légende de Bruxelles de 1370 ; des images et des textes concernant le vol des hosties à Passau en 1477.
Un riche dossier iconographique témoigne de la diffusion du thème de l’hostie poignardée et profanée. Parmi quelques exemples, citons : le cycle de vitraux de l’église de Saint-Éloi de Rouen aujourd’hui conservés au musée des Antiquités ; les vitraux de l’église Saint-Étienne-du-Mont à Paris, du XVIe siècle ; les tentures du XIXe siècle provenant de l’église Sainte Croix des Arméniens qui en neuf scènes retracent le miracle des Billettes ; ou encore l’enluminure attribuée au Maître de San Michele de Murano représentant la profanation d’un tableau d’autel accomplie par un juif en train de percer, avec une longue lance, le flanc du Christ.

Mais revenons à l’histoire des hosties profanées. Au XIIIe siècle, un intérêt nouveau se manifeste à l’égard de la nature de l’eucharistie et de la doctrine de la transsubstantiation selon laquelle, après la consécration à l’autel, l’hostie se transformerait réellement en devenant le corps du Christ. Une réflexion théologique de fond est accompagnée par la diffusion exponentielle de ce miracle par les prédicateurs. Or, au même moment, se développent dans l’Occident chrétien de nombreuses histoires qui relatent les crimes de profanation des hosties. Ces récits fonctionnent comme des exempla. Le canevas est bien ficelé. Qu’il s’agisse de profanations accidentelles ou délibérées, elles sont toujours accomplies par « l’autre », juif, mécréant ou même cathare. Faire saigner l’hostie revient à faire saigner à nouveau le Christ, accomplissant ainsi le sacrilège des sacrilèges. Mais l’histoire se termine toujours bien. En effet, un miracle vient rétablir l’injustice et réaffirmer ainsi avec force le bien-fondé de la doctrine de la transsubstantiation. En saignant, l’hostie stigmatise la perfidie juive et démontre la réelle présence du Christ en elle. C’est à partir de la fin du XIIIe siècle qu’un lien étroit est établi entre les Juifs et le sacrilège de la profanation. Le miracle des Billettes est à l’origine de ces légendes. L’histoire se situe en 1290. Une pauvre femme dépose ses habits chez un usurier juif contre trente sous. Voulant les récupérer pour Pâques, mais n’ayant pas de quoi payer, elle donne en échange l’hostie consacrée de la communion qu’elle dissimule sous sa langue. Le prêteur pique alors l’hostie et la fait saigner. Ensuite, en la plongeant dans l’eau bouillante d’un chaudron, il la cuit. Puis une voisine récupère l’hostie et la rapporte au curé. L’usurier est dénoncé, arrêté et brûlé, sa femme et ses enfants sont convertis au christianisme, leurs biens sont confisqués, leur maison détruite et remplacée par une chapelle. Le miracle des Billettes propose alors le premier scénario archétypal des accusations de crime rituel portées à l’encontre des Juifs (p. 37). L’histoire connaît une diffusion exceptionnelle, tant écrite qu’iconographique, et Jean Louis Schefer justement se propose, tout au long de son essai, d’identifier et décrire les différents échos que cette histoire a connus. Elle se diffuse notamment en Italie : la chronique du Florentin Villani et la mise en image dans le tableau de Paolo Uccello en témoignent. Elle connaît aussi un grand succès dans les pays germaniques. De nombreuses images, comme le bois gravé représentant le percement des hosties à Sternberg en 1492, comme la feuille volante intitulée Nouvelle chronique de ce qui s’est passé en 1591 à Presbourg en Hongrie attestent la grande diffusion de cette légende. L’auteur relie aussi cette histoire à une autre des accusations célèbres, celle du meurtre rituel par les Juifs d’enfants chrétiens. À ce propos, on aurait aimé malgré tout qu’il fournisse quelques approfondissements supplémentaires. Un récent livre d’Ariel Toaff, Pasque di sangue. Ebrei d’Europa e omicidi rituali (Bologne, Il Mulino, 2007), a crée la polémique en estimant que ces accusations étaient justifiées, car des Juifs procédaient réellement à de tels crimes. Une première série d’accusations de ce type avait eu lieu au moment des premières croisades (en 1144 à Norwich, en 1171 à Blois ou encore en 1182 à Saragosse). Mais c’est au XVe siècle que ces accusations se multiplient de manière exponentielle : à Innsbruck, par exemple en 1462, à Trente en 1475 et à La Guardia en 1490.
Qu’il s’agisse des hosties profanées ou des enfants assassinés et martyrisés par les Juifs afin d’en extraire le sang pour préparer le pain rituel consommé lors de la Pâque juive, l’antijudaïsme à l’origine des ces légendes se fonde sur des éléments précis : ces crimes sont toujours commis pendant la période de Pâques ; ils condamnent l’usure pratiquée par les Juifs ; ils témoignent de la répétition du crime de déicide, mais aussi de la perfidie des Juifs envers les chrétiens. Expressions évidentes d’un antijudaïsme ambiant, ces histoires vont être instrumentalisées au service de la propagande chrétienne et de la consolidation de la foi. Par le miracle de l’hostie profanée et par les miracles accomplis par exemple par Simone de Trente, l’enfant qui aurait été assassiné par les Juifs à Trente en 1475, c’est le triomphe de la vérité chrétienne qui s’exprime.

Nous avons voulu rapidement témoigner de la richesse du livre de JLS. Centré sur le mystère de l’Incarnation, sur la doctrine de la transsubstantiation, il est une invitation enthousiasmante à la découverte, par les textes et par les images, des multiples péripéties que le corps mystique du Christ a pu connaître. Vénéré, célébré, mangé et consommé, il produit même des miracles, témoignage ultime de la présence de Dieu dans le monde. Châtié, profané, poignardé et ébouillanté, il témoigne à nouveau de la perfidie attribuée aux Juifs et nourrit chez les chrétiens un profond sentiment antijudaïque à l’origine de bien nombreuses persécutions et pogroms.


Andrea Martignoni, Cahiers de recherches médiévales, mis en ligne le 22 août 2008.


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Jean Louis Schefer, L’ Hostie profanée, La Transsubstantiation avril 2014

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