— Paul Otchakovsky-Laurens

Petits déjeuners avec quelques écrivains célèbres

Christine Montalbetti

Christine Montalbetti raconte neuf petits déjeuners qu’elle a pris, les uns, dans des circonstances privées, les autres, dans des contextes institutionnels, avec quelques écrivains.
Ces récits constituent des hommages discrets et délicats à ces auteurs, dont le portrait n’est jamais appuyé, mais seulement esquissé, presque fantomatique. Car ces textes s’inquiètent (et s’amusent) de notre fascination pour tout ce qui est « people » et qui hante le discours contemporain. Ils interrogent, implicitement ou dans un jeu explicite, notre curiosité, et les motivations de cette attente.
Jouant avec notre désir, Christine Montalbetti, comme les personnages de ses

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La presse

Sous les toasts, la page



En mettant en scène des rencontres matinales, réelles, avec certains de ses confrères, Christine Montalbetti expose certains secrets de ses fictions.



«Écrivains célèbres», annonce le titre. «Doucement people», promet la «quatrième de couverture». Ces petits déjeuners vont-ils nous révéler quelque chose des préférences alimentaires (ou autres…) des « célébrités» réunies pour l’occasion ? Et pourquoi pas, se prend-on à penser, au moment où la vie littéraire se pipolise, où le moindre coin d’intimité dévoilé fait événement? Le concept, comme on dit dans la communication, tient. Il ne reste plus qu’à imaginer la discrète Christine Montalbetti jouer les Mata Hari pour nous jeter en pâture que Tanguy Viel préfère le thé et Olivier Cadiot les toasts. Croustillants, bien sûr. Et à rester sur notre faim. Le projet de l’auteur est tout autre, plus anodin en apparence, en réalité bien plus mystérieux.

Rien d’anormal à ce qu’un écrivain rencontre un autre écrivain, et qu’ils se racontent des histoires d’écrivains. Des livres fondés là-dessus, il y en a des tas, anecdotiques, ou profonds, ou les deux. Pourquoi y ajouter la circonstance des petits déjeuners? Risquons l’hypothèse que les petits déjeuners appartiennent à cet entre-deux, à ce temps hybride où l’on est moins cuirassé, plus facile à surprendre, moins bon observateur aussi. Peut-être plus disponible à la rêverie, à la dérive de l’imaginaire, dans un univers aux traits moins accusés que ceux sculptés par la nuit. Peut-être aussi l’idée de prendre son petit déjeuner avec quelqu’un laisse-t-elle supposer une certaine familiarité, complicité ou idylle envisageable. Pour tout cela le petit déjeuner est une épreuve redoutable. On sait très bien qu’un petit déjeuner peut donner l’envie de passer sa vie avec quelqu’un, ou de le fuir à jamais. Pour toutes ces raisons, parce qu’il est le moment où aboutit tout ce qui aurait pu être et d’où part tout ce qui pourra être, le petit déjeuner est «le» lieu romanesque.

Rien d’étonnant si Christine Montalbetti l’a choisi. «Les Petits déjeuners sont les premiers textes où je me mets en scène à la première personne, et dans des situations tout simplement réelles.» Ce faisant, elle pose un geste qui, dit-elle, «pour moi, ne va pas de soi», «à cause de ce que décidément je ne peux qualifier autrement que nu et qui me semble affecter chaque instant réel donné comme réel dans l’écriture».

Sous la décontraction qui nimbe ces instants un peu flous perce alors un vrai risque, un enjeu réel. Le propos de l’auteur, dans ces moments passés avec ses pairs, semble être de bâtir une communauté, fondée sur la circulation d’expériences communes, où entrerait aussi le lecteur. De fait, on rencontre dans ces textes, où sont invités Jean-Philippe Toussaint, Laurent Mauvignier, Anne F. Garreta, Tanguy Viel, Olivier Cadiot, Jérôme Beaujour, Éric Laurrent et Hauki Murakami, une sorte de compagnonnage qui va jusqu’à la fraternité (avec Tanguy Viel) ou au cousinage (avec Éric Laurrent). Mais on y retrouve aussi ce qu’on apprécie chez Christine Montalbetti, le sens de la création, minimaliste, d’un univers (beaucoup de granit, de lumière changeante, de mer proche). Celui de faire de tout instant un petit théâtre où tout devient personnage, comme les deux mains d’Olivier Cadiot qui finissent par incarner Roméo et Juliette. Tout cela pourrait bien figurer comme l’art poétique d’un auteur qui, à petit bruit, bâtit un œuvre à ne pas négliger.



Alain Nicolas, L’Humanité jeudi 27 mars 2008





Les interviews racontées donnent parfois de belles rencontres. Les plus humaines, les plus fragiles, les seules qui valent vraiment la peine d’être racontées. La romancière Christine Montalbetti (Western, 2005) a trouvé une astuce pour saborder les entretiens qu’elle sollicite : les mener au saut du lit, dans cet « état de transition entre sommeil et veille » où l’on se sent « comme une forme vide, traversée d’échos », plongé dans une réalité encore ouatée par le songe.

D’où l’élaboration de ces petits déjeuners espiègles et lumineux, un projet « doucement people » , qui l’attable autour d’un café et d’une tartine avec les pointures des éditions de Minuit (Jean-Philippe Toussaint, Laurent Mauvignier, Éric Laurrent, Tanguy Viel), avec Olivier Cadiot ou encore Murakami.

Des «écrivains célèbres» qui, dans son récit, apparaissent au mieux comme des figurines de Giacometti, des fantômes, des personnages-écrans sur lesquels Montalbetti projette ses propres histoires. Elle contourne systématiquement le portail frontal –ce livre peut se lire comme un manuel pratique de la disgression– pour se couler subtilement dans l’univers des écrivains admirés.

Elle parle moins des rencontres que des sensations qui les précèdent ou les stratifient. L’incongruité d’une plante verte derrière Murakami, les reflets d’un aquarium à côté de Jean-Philippe Toussaint, le «ballet des mains» de Cadiot ou le moindre courant d’air suscitent chez elle un travelling ou un égarement façon Mrs Dalloway. Plus que de grands éloges, ces «petits hommages» sont autant d’éclats infimes et luisants d’un seul et même portrait : le sien.



Erwan Desplanques,Télérama du 5 au 11 avril 2008


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