« Minable héroïne de seconde zone, Catherine est un personnage de fiction sans œuvre fixe qui a eu l’indécence d’élire domicile dans mon corps. Au départ, je m’étais faite à l’idée d’être deux : je suis partageuse, comme fille, moi. Mais le problème, c’est que la présence de Catherine est parfaitement incompatible avec la vie saine que je m’efforce de mener : elle est obsessionnelle, monomaniaque, hystérique, et j’en passe. Aussi ai-je décidé de l’éliminer. Définitivement. »
Tuer Catherine est le premier roman de Nina Yargekov.
Quatrièmes de couverture...
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« Minable héroïne de seconde zone, Catherine est un personnage de fiction sans œuvre fixe qui a eu l’indécence d’élire domicile dans mon corps. Au départ, je m’étais faite à l’idée d’être deux : je suis partageuse, comme fille, moi. Mais le problème, c’est que la présence de Catherine est parfaitement incompatible avec la vie saine que je m’efforce de mener : elle est obsessionnelle, monomaniaque, hystérique, et j’en passe. Aussi ai-je décidé de l’éliminer. Définitivement. »
Tuer Catherine est le premier roman de Nina Yargekov.
Quatrièmes de couverture alternatives
Brochure touristique
Aux commandes d’un magnifique cerveau de location avec chauffeur, découvrez en toute liberté un ouvrage qui vous mènera d’un projet d’assassinat parfaitement justifié – il s’agit de tuer Catherine, personnage de fiction squattant indûment le corps d’une jeune femme qui aimerait bien mener une vie paisible et sans histoires – à une notice d’utilisation qui vous révélera la véritable et profonde signification de votre voyage. Au cours de ce périple époustouflant, vous ferez la connaissance d’une pittoresque narratrice, dont l’activité se manifeste par des phénomènes géothermiques (gargouillis, fumerolles, implosions) et irez à la rencontre des Voix, ensemble folklorique typique de la fosse crânienne qui interprétera spécialement pour vous son numéro de fission psychique de haute voltige, avant d’assister à l’enterrement de Catherine et enfin visiter un village de textes résistants. Un programme exclusif, pour gymnastes cérébraux niveau expert uniquement !
Analyse grammaticale
Tuer Catherine. Verbe premier groupe infinitif et nom propre complément d’objet. Suggère l’idée d’un objectif à accomplir, d’un but à atteindre. Une sorte de mission sans doute. Donc un texte dynamique, avec de l’action. Peut-être un livre d’espionnage par exemple. On peut aussi supputer l’existence de deux personnages au moins : Catherine et son assassin, dont l’identité reste cependant incertaine. À moins qu’on ait affaire à réseau organisé. Difficile de trancher. Désolée de ne pouvoir en dire plus, j’ai tout oublié. Voilà un indice intéressant d’ailleurs : un livre tellement dérangeant que même son auteur en a refoulé le contenu.
Petit prince
Posez-vous la question. Serez-vous à la hauteur ? Parce que c’est bien gentil d’examiner nonchalamment ce roman histoire de vous donner de la contenance dans cette librairie où vous n’êtes entré que pour vous abriter de la pluie, de salir sa jolie couverture rainurée de vos doigts graisseux que vous n’avez même pas pris le temps d’essuyer après un déjeuner écœurant au fast-food du coin, de feuilleter à la va-vite ses pages délicates pour parcourir en diagonale quelques paragraphes sélectionnés au petit bonheur la chance, mais vous en oubliez l’essentiel : le problème n’est pas de savoir si ce livre va vous plaire, mais si vous, vous lui plairez. Car c’est bien lui qui vous choisira, et non l’inverse – soyez-en assuré.
Portrait chinois
Tuer Catherine est un livre …
– drôle comme un économe à éplucher les téléphones mobiles eskimos ;
– intrigant comme une invitation à une boom dans un hôpital psychiatrique ;
– ludique comme une pièce montée composée de quarante-trois sortes de choux différents ;
– réjouissant comme une partie de cache-cache dans une forêt peuplée de lutins malicieux ;
– soigné comme un gond de porte dessiné par une équipe de cinquante ingénieurs maniaques ;
– multiple et joyeusement contradictoire comme une assemblée de schtroumfs ;
– décoiffant comme une course automobile sans plaquettes de frein ;
– poétique comme le givre sur un carreau de fenêtre brisé par une balle perdue ;
– violent comme une fourche plantée en travers de l’estomac ;
– désespéré comme un camp de vacances en Sibérie un jour de panne de chauffage.
Tarzan
Toi lecteur. Moi écrivain. Enfin presque : moi écrivain si toi acheter livre. Alors achète, bordel. PS : si toi intéressé par rôle de figuration ou spéciale dédicace à ton amoureuse dans mon prochain roman envoie « CATH » par SMS au 1818.
Spoiler
Catherine meurt avant la fin de l’histoire. Si c’est tout ce que vous intéressait, passez votre chemin, ce n’est pas pour les petits joueurs ici. Pan ! En revanche, si vous voulez savoir qui est Catherine, qui la tue, pourquoi, comment, dans quelles conditions, avec quelle arme, quelle langue, quel mobile, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Et en option bonus, bénéficiez gracieusement de tout un tas d’informations non pertinentes livrées gratuitement avec le récit.
Harlequin
Vous. Oui, vous : le beau brun aux yeux de braise. Coucou. Je suis Catherine, la belle Catherine, héroïne magnifique des temps modernes, amante brûlante et passionnée. Venez. Je vous en prie. Venez me libérer. Mes jours sont gravement menacés. Ma logeuse, la narratrice de ce livre, veut me tuer. Seul vous, par la force de votre amour, pourrez me sauvez. Tendez-moi la main. Oui, c’est ça. Attrapez-moi. Je veux sentir vos doigts sur moi. Oui, comme ça. Plus fort. Serrez-moi plus fort. Je veux pouvoir entendre votre cœur qui bat à travers la couverture cartonnée. Et maintenant de grâce, emmenez-moi chez vous ou je meurs !
À bout de nerfs
J’ai sué sang et eau alors putain tu vas acheter mon putain de livre et tu vas le l’aimer parce que ce n’est pas humain non ce n’est pas humain tout ce que j’ai souffert pour l’écrire j’ai failli mourir cent treize fois j’ai fumé trois kilos de cigarettes bu vingt-cinq mille litres de café mangé six cent tablettes de chocolat j’ai perdu mon travail mon mec mes amis il ne me reste plus rien d’autre que ce livre dans la vie alors c’est tout de suite c’est maintenant tu sors ta carte bleue tu passes à la caisse et ensuite tu racontes à tous tes amis que c’est une putain de tuerie comme livre sinon je viens te péter la gueule c’est clair ?
Magazine féminin
Test : êtes-vous fait pour lire Tuer Catherine ?
1. Le matin, vous …
a) Buvez un café serré vêtu d’un costume Hugo Boss.
b) Crachez du sang dans votre mouchoir en dentelle.
c) Rongez un os.
d) Dormez bien profondément dans votre lit.
Le midi, vous…
a) Déjeunez au self du bureau en conversant poliment avec vos collègues.
b) Lacérez vos rideaux de soie avec un coupe-ongles.
c) Mangez des croquettes parfum saumon d’Alaska.
d) Dormez bien profondément dans votre lit.
Le soir, vous…
a) Allez au cinéma avec vos amis.
b) Tentez de vous jeter sous un train à vapeur.
c) Urinez contre un poteau électrique.
d) Dormez bien profondément dans votre lit.
La nuit, vous…
a) Ronflez joyeusement.
b) Écoutez la Traviata en boucle.
c) Hurlez à la lune.
d) Dormez bien profondément dans votre lit.
Solution :
Majorité de a : vous êtes bien trop normal pour ce livre.
Majorité de b : bravo ! Tuer Catherine est juste parfait pour vous.
Majorité de c : tu es démasqué, Rex, rentre de suite dans ta niche.
Majorité de d : une petite cure de vitamine C peut-être ?
Bande-annonce
Elle est jeune. Elle est belle. Elle a tout pour réussir. Mais elle est poursuivie par une ennemie mortelle : Catherine la maléfique. Qui sabote son existence. Qui l’empêche de vivre normalement.
Alors, armée de son stylo à bille perfection du tracé et de sa liasse de feuilles papier surfin, elle va affronter sa rivale de toujours.
Deux femmes. Un combat à fiction nue. Dans le sang et dans les larmes. Jusqu’à la mort.
Y arrivera-t-elle ? Soutenez-la !
Sortie nationale le 05 février 2009.
Publi-information
Comme beaucoup de femmes, vous souffrez régulièrement de poussées de romantisme et de fièvres dramatisantes. C’est désagréable, et parfois très ridicule. Pas de panique ! Vous avez sans doute simplement une Catherine® en vous. De nos jours, ce parasite se traite facilement et sans douleur. Ainsi, pour vous sentir enfin bien dans votre peau jour après jour et retrouver un comportement normal en toute circonstance, voici Tuer Catherine, un roman spécialement élaboré par nos laboratoires qui éradique rapidement (une seule lecture suffit) votre Catherine® et vous redonne le sourire !
Si le problème persiste après plusieurs jours de traitement, venez rejoindre notre groupe de thérapie réflexive. Toutes ensemble et par la force de la parole libérée, nous vaincrons nos Catherine respectives !
Racinien
Mesdames, Messieurs, j’apporte une funeste nouvelle,
Et de grâce, de grâce, ne me cherchez pas querelle :
Il n’y aura point pour ce roman comme il est d’usage
De quatrième de couverture derrière l’ouvrage.
Eh bien quoi ! faudrait-il piller Tuer Catherine,
Résumer le propos et en extraire l’essence,
Réduire le discours et en déformer la ligne,
Condenser le mot et en forcer la substance,
Le tout en une trop brève description sibylline ?
Faudrait-il le violenter, en vider la matière
Pour de vils motifs commerciaux et vulgaires ?
Faudrait-il offenser, mettre à sac un roman,
Pour séduire, attirer, appâter le chaland ?
Que ce vain exercice, que cette charge me pèse,
De grâce dispensez-moi, et dans l’heure je m’apaise.
Les Voix
– Nan mais je rêve, quatorze quatrièmes de couverture et pas un mot sur nous, c’est de la désinformation caractérisée !
– Euh, si je peux me permettre, il y a quand même une petite allusion dans « brochure touristique ».
– N’empêche, il n’y en a que pour Catherine, parce que bien sûr Catherine ça donne envie, ça fait vendre, un assassinat c’est tout de suite intrigant, ça fait saliver le Français moyen, alors que pour celles qui bossent derrière et qui font tenir tout l’ouvrage, qui le portent littéralement à bout de bras, rien, rien du tout.
– Sachant qu’on occupe environ 34,17 % de la superficie du roman, je pense que nous serions bien-fondées à demander l’attribution d’une parcelle de proportion équivalente sur le dos du livre.
– Mais c’est trop tard, c’est trop tard ! Vous n’avez donc pas compris que tout était joué d’avance, que dès le choix du titre qui fait la part belle à l’histoire de Catherine nous allions être exclues, spoliées ?
– Pfff. Comme si figurer sur un vieux résumé tendancieux il y avait de quoi se réjouir, moi je suis dans le roman j’y reste j’en sors pas, d’ailleurs dehors il fait froid.
– Hypocondriaque.
– Inconsciente ! Tu imagines si on attrape un rhume comment on fait ensuite ?
– Ben l’accent nasal ça peut changer un peu, égayer le propos.
– Ah non ah non ah non, si c’est ça je me mets en arrêt maladie par anticipation.
– Quand je vous disais qu’on n’est juste pas assez vendeuses pour figurer sur un quatrième, j’espère que vous comprenez maintenant.
– Mouais, et depuis quand elle veut le vendre son roman, l’autre ?
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Tuer sa névrose au risque de tuer toute fiction ? C’est le pari risqué d’un premier livre gonflé, qui se sert de l’écriture pour mieux assassiner le roman.
Nul romantisme et zéro sentimentalisme du côté de ce premier roman hors normes, extravagant, étrange, très drôle, d’une intelligence aiguë, trop intelligent peut-être. Nina Yargekov a trouvé une autre solution, encore plus radicale : il va falloir « tuer Catherine ». Ce qui lui permettrait, non pas seulement de gérer l’après rupture, mais bien plutôt de mieux vivre l’avant, c’est-à-dire de ne pas replonger dans les mêmes vieux schémas d’échec amoureux. Tuer Catherine pourrait ainsi s’intituler « Comment ne jamais se faire larguer », mais aussi « Le Roman de Catherine », et c’est ce roman-là qu’il va falloir flinguer autant dire le roman qu’on a entre les mains. Car le roman de Nina Yargekov c’est la névrose. Et Catherine, ce personnage de roman, sorte d’Anna Karénine du pauvre (c’est-à-dire de vous et moi), le sujet de la névrose, celle par qui le roman advient, fausse la réalité, et pousse l’auteur qui y croit à agir à nouveau de façon à se faire larguer. Catherine, c’est une entité qui se loge chez l’auteur, qui la met constamment en situation d’échec amoureux. Pour s’en sortir, pour refuser la fiction qu’est toute névrose, il a donc falloir se dissocier de Catherine, c’est-à-dire se dissocier du roman. Tuer Catherine est un dispositif de mise à distance, par l’écriture, de l’écriture même. Avouons que débuter en littérature par un premier roman qui n’est autre qu’un suicide romanesque est suffisamment périlleux, rare, gonflé, pour être signalé haut et fort. Nina Yargekov y alterne des pages de narration pure, des dialogues de pseudo analyses littéraires (les moments les plus drôles) pour introduire de la contradiction, de courts paragraphes poétiques, des modes d’emploi, et à la fin une sorte d’interview qui expliciterait point par point toutes les étapes du roman et ses enjeux avec, heureusement, la critique même de cette démarche, car, on l’aura compris, il ne faut pas compter sur l’auteur pour se valider elle-même : C’est complètement ringard ce truc, déjà qu’il y a du "making of" partout dans le texte, mais alors là ce bonus en fin de livre c’est vraiment n’importe quoi, si vous vouliez faire un DVD fallait le dire.
C’est aussi la place du lecteur comme croyant (à un récit, une narration) que Tuer Catherine, aussi brillant que parfois fastidieux, aussi étonnant et original que trop démonstratif, exercice de style parfait et hilarant, mais exercice de style, remet en question. Tuer le lecteur (plutôt que se faire larguer ?) C’est le pari risqué d’un roman profondément masochiste.
Nelly Kaprièlian, Les Inrockuptibles, 3 février 2009