— Paul Otchakovsky-Laurens

Frappes chirurgicales

Dumitru Tsepeneag

« Dans la critique, la distance compte. Le lieu où l’on se trouve par rapport à l’objectif. L’angle d’attaque. La modalité. Et la frappe.
Walter Benjamin a raison : “[…] l’impartialité, le regard objectif sont devenus des mensonges, sinon l’expression tout à fait naïve d’une plate incompétence.” »
Ces douze chroniques, publiées de 2003 à 2007 dans les revues Seine et Danube et La Revue littéraire, prennent en quelque sorte Walter Benjamin au mot et sont autant d’occasions pour Dumitru Tsepenag d’analyser sans pitié près de quatre années récentes de notre vie...

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La presse

Razzia en terre germanopratine


Depuis ses premiers pas timides dans Ce pays que l’on croyait, que l’on croit toujours (qui, on ?), celui de la littérature, le Paysan danubien a perdu bon nombre de ses illusions et de ses préjugés favorables. Adoptant la position du franc-tireur, Dumitru Tsepeneag vise tour à tour le grand déballage de la rentrée littéraire (les 683 nouveaux titres de l’automne 2006 lui donnent le tournis : « Je ne suis sans doute pas fait pour lire des romans. A la rigueur, je préfère en écrire... »), la comédie des prix de fin d’année (« En réalité, tout le monde s’en fout, mais tout le monde en parle »), les abonnées aux best-sellers (Philippe Sollers, Philippe Labro, Bernard-Henri Lévy, Nancy Huston, Christine Angot, Michel Houellebecq, Michel Onfray, Frédéric Beigbeder en prennent tous pour leur grade). Ce qui gêne dans ce bras de fer vaillamment mené contre le consortium Galligrasseuil & Cie, ce sont les gants de velours que le pamphlétaire croit devoir utiliser lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux livres de son éditeur. Au milieu du détestable tohu-bohu médiatique, les seuls auteurs dignes d’être lus sont ceux de la famille P.O.L, encadrés par une ou deux pièces rapportées, forcément de chez Minuit.


Fin connaisseur du jeu d’échecs, Dumitru Tsepeneag anticipe habilement la riposte de l’adversaire (« J’écris sur les livres que je lis et je lis les livres que les éditeurs ont la gentillesse de m’envoyer »), avant de procéder à une extension progressive du domaine de la lutte. Après sa razzia en terre littéraire, il s’en prend au diktat du « politiquement correct » censé protéger, au prix même de la liberté d’expression, diverses catégories de citoyens : les homosexuels, les handicapés, les femmes, mais aussi - pourquoi pas, tant qu’à faire - les obèses, les femmes trop maigres, les Belges, les Américains, les Corses, les automobilistes qui sortent de leur voiture et crient « enculé ! », les Italiens qui font leur doctorat à Paris, les politiciens qui veulent devenir président de la République ou... les auteurs d’autofictions. « Petit à petit on est amené à penser que si l’on est noir ou juif on peut plus facilement, en parlant de soi, franchir la ligne jaune du politiquement incorrect. Les autres doivent marcher sur des oeufs. » Une prudence sans doute salutaire par les temps qui courent. Tsepeneag n’a jamais souhaité la faire sienne.


C. C. Tageblatt



C’est un recueil d’articles publiés dans La revue littéraire au cours des dernières années. C’est un panorama de l’actualité littéraire. Mais un propos sur l’écriture, le roman épicé de quelques détestations renouvelées. Soit un de ces livres qui se lisent avec délectation.


Centre France, mai 2009