— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Patron

Célia Houdart

Le jeune Bilal s’enfuit d’un aéroport. Il est pris de vertiges.
Un médecin parisien chez qui il a élu domicile se demande quoi faire de lui. Un an et demi plus tard, on retrouve l’enfant heureux dans un cerisier.


 

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La presse

La lubie du jeune Bilal.


Enfance. Le fils d’un marabout kabyle adopte un prof de médecine.


Les romans de Célia Houdart – nous en tenons désormais deux – sont de grands romans miniatures. Le genre est là tout entier, la mémoire, la vie, l’amour, la mort. Mais en modèle réduit : cent pages pour le premier, Les Merveilles du monde (P.O.L, 2007), vingt de plus pour celui-ci, Le Patron, l’histoire d’un attachement. Bilal, 13 ans, fils d’un couple de marabouts kabyles, habitant cité Pierre-Brossolette au Perreux, se fait adopter par un professeur de médecine.

Le Patron aurait pu s’appeler Le Jeune Bilal. C’est comme ça qu’à l’hôpital on l’appelle. D’abord l’interne, le jour où Bilal vient passer une IRM car on craint les conséquences d’un traumatisme crânien, il s’est cogné, a vomi. Puis la secrétaire, quand il débarque à Lariboisière, dans le service de neurologie, en prétendant qu’il a rendez-vous : « Le jeune Bilal est là », dit-elle afin qu’on prévienne le professeur Pierre Wilms. À la suite de cette seconde visite, Bilal se rend au domicile dudit patron, 34, quai de Béthune.


Bonbons


Le plus souvent, le point de vue est celui du garçon. C’est ce qui donne au texte son côté pur, poings serrés, attention farouche à certains détails, « la métamorphose des bonbons » dans la bouche, ou « les modèles de jeans et de baskets » commentés avec l’amie Iris. Il est amusant de penser que la modernité de Célia Houdart vient de ce qu’elle ne se cantonne pas au regard de Bilal. Elle file en Algérie donner le point de vue des parents, ou à Munich sonder l’âme de Pierre Wilms. Elle a de brusques changements de focale pour veiller ses personnages : « Les enfants s’endormirent gonflés d’une joie comme végétale. »

Oui, mais tout cela ne nous dit pas la raison de cette mystérieuse relation. « L’amour que Bilal portait à Pierre Wilms était différent de celui qu’il portait à son père ou à sa mère. Il était plus violent, plus difficile à vivre aussi. Venu on ne sait d’où. Pierre Wilms le comprit. Il se le formula, quoique assez obscurément. » Tel que le roman avance, il est aussi simple de prendre cette affaire comme elle est, inscrite dans les astres, ou dans les gènes. Bilal choisit le médecin contre sa mère, dont il déteste les sorts. Ils ont en commun des vertiges : Bilal revient à l’hôpital pour ça. Et Wilms, retraité dans le premier chapitre en forme de flash-forward, essaie un médicament, le Serc, à quoi le lecteur ne prête d’abord pas attention.


Mâchoire


Plusieurs existences interfèrent. « Un voisin de Pierre Wilms, Hervé Desbordes, venait d’hériter de la maison, des terres et des ruches de son oncle Jacques Desbordes. » Ou encore : « Monsieur Serge était sujet à de fréquentes douleurs maxillaires et avait la hantise des bars depuis une soirée où, pour une affaire de jeton de flipper, le gérant du Monaco, un tabac-PMU d’Egletons, lui avait brisé la mâchoire. » Monsieur Serge, prof de sport et peintre amateur, fait le portrait d’élèves, dont Bilal et Iris. Le sujet du Patron est peut-être la manière dont les enfants nous inspirent.


Claire Devarrieux, Libération, 4 avril 2009


Que lire cet été ?


Célia Houdart est entrée en littérature il y a deux ans avec Les Merveilles du monde. La revoilà avec Le Patron, un ovni romanesque dont l’histoire coule, aussi fluide et transparente qu’une rivière et où, pourtant, à chaque page, on se frotte les yeux d’étonnement. Le jeune Bilal fuit ses parents pour aller vivre chez « le Patron », un médecin qui l’a soigné après qu’il a reçu un coup sur la tête. Célia Houdart n’est pas un écrivain à donner des explications : Le Patron n’est plus seul dans son île Saint-Louis devant ses pâtes au beurre et son jambon de Parme, le voilà otage de l’amour de Bilal, à sa grande inquiétude d’abord, à son bonheur ensuite. Le lecteur guette la catastrophe, mais c’est avec le fantastique que flirte le style aérien de Célia Houdart, sillonnant entre songe et réalité. On va de surprise en émerveillement pour refermer le livre, aux anges, la tête dans un cerisier.


Olivia de Lamberterie, Elle, 20 juin 2009


Reflets dans un œil d’or


Tiraillé entre deux cultures, le personnage du roman de l’auteur n’en reste pas moins touchant, sensible, et nous entraîne dans son univers avec enchantement.


Les histoires de Célia Houdart ont une délicatesse de neige et la légèreté des îles flottantes. Avec la douceur d’une pâtissière, cette jeune romancière (par ailleurs auteur et metteur en scène pour le théâtre) prélève d’un monde brouillon ses personnages, leur univers et les quelques mois où l’on va les suivre pour les déposer sur un lit de crème.

Nulle mièvrerie ni facilité dans ses écrits pourtant, où frappent la singularité de son regard et la justesse de son ton. « Le monde est tout ce qui a lieu », écrit-elle en page d’accueil de son site Internet. Et c’est bien ainsi qu’elle le prend, avec ses joliesses et ses étrangetés.

Le personnage de son deuxième roman est un jeune garçon de 13 ans d’origine algérienne, Bilal. Il est un peu timide, aime bien sa vie dans la banlieue Est de Paris, les entraînements de hand-ball et les conversations avec son prof de sport ou son amie Iris, dont le joli prénom est peut-être un clin d’œil au précédent livre de l’auteur.

Quand ses parents et ses frères et sœurs sont forcés de partir en Kabylie où les réclame une urgence familiale, Bilal fugue, se réfugiant bientôt chez un homme qu’il n’a vu qu’une fois à l’hôpital où il était venu pour une banale chute : un neurochirurgien veuf et solitaire, vers qui il est attiré sans trop savoir pourquoi. Y a-t-il un modèle (« un patron ») déjà tracé pour chacun, où que l’on soit né ?

Bilal va malgré lui s’inventer une autre vie et un autre avenir, à cheval entre deux mondes que Célia Houdart jamais ne caricature ni n’oppose. Sa réflexion est ailleurs, et si elle est politique ce n’est que manière subliminale quand elle effleure la question de l’immigration et la différence des cultures. Le titre de son premier roman, Les Merveilles du monde (POL, 2007) prédisait-il un projet littéraire ?

C’est à considérer, tant cette nouvelle histoire montre que Célia Houdart n’a rien perdu de son inclination à l’émerveillement. Elle aime regarder, et au-delà elle aime voir, comme ses personnages : voir sous toutes les coutures, en changeant de perspectives et de lentilles, ajoutant volontiers des filtres de couleurs. C’est très beau, émouvant, élégant, réjouissant et très souvent surprenant. Ce que l’on demande aux meilleurs romans.


Sabine Audrerie, La Croix, 20 juin 2009


Le talent si singulier de Célia Houdart était déjà perceptible dans Les Merveilles du monde. Le Patron est encore plus emballant. Neurochirurgien, le professeur Pierre Wilms répare la mémoire ou les facultés motrices de ses patients. Wilms est veuf, père de deux grands garçons, il habite dans l’île Saint-Louis et possède une maison près de Fontainebleau. Un jour, le professeur eut à traiter le dossier du jeune Bilal. Un enfant qui avait été amené à passer un IRM après s’être cogné contre l’armature métallique d’un lit. Ailier droit dans l’équipe de handball de son collège du Perreux, Bilal a le droit d’aller se promener à Paris un samedi après-midi par mois avec sa camarade Iris. Lorsque sa famille doit retourner en Kabylie, le gamin leur fait faux bond, rentre chez lui avant d’aller rejoindre le professeur Wilms… Célia Houdart a le don d’amener son lecteur où elle le veut, de le surprendre un peu plus à chaque chapitre. Son Patron est un livre étrange dans lequel il se passe une foule de choses, où l’on croise une multitude de personnages attachants. On serait bien avisé de ne pas rater ce court roman d’apprentissage que l’on traverse émerveillé et que l’on repose enchanté et ému par tant de grâce et de finesse.


>Alexandre Fillon, Le Figaro Magazine, 12 juin 2009


Une fiction de filiation dont la magie se passe de pathos.


Pourquoi, comment, à la suite de quel processus mental ? Tout le roman de Célia Houdart repose sur cette énigme. « Le jour de la consultation à l’hôpital il avait observé les gestes de Pierre Wilms. Là il avait su. C’est avec lui qu’il avait choisi de rester. » On ne saura pas ce qui a poussé Bilal à quitter ses parents pour se donner en Pierre Wilms un père d’élection. Ce qu’on sait : qu’il l’a choisi dès sa première rencontre, qu’il a faussé compagnie à ses parents, frères et sœurs à l’aéroport, au dernier moment, juste avant le décollage de l’avion qui les emmenait en Algérie. Rien de plus. Quand Bilal s’endort devant l’appartement de l’île Saint-Louis, il est contenu en entier dans cette certitude. Il a choisi ce docteur qui un jour a examiné son crâne blessé et il ne doute pas de la réciprocité de ce choix.

Pas plus que l’IRM de Bilal, désespérément normale, le roman ne dévoile quoi que ce soit de la psychologie du jeune homme. Le propos est ailleurs. C’est l’exploration de ce qui fait une filiation qui constitue le centre de cette intrigue où nous sommes peu à peu convoqués. Bilal qui se cherche un « autre père ». Wilms et ses relations complexes avec ses grands fils à l’étranger. Le père de Bilal quitte la France, puis la scène (on ne dira pas comment). Toutes ces relations, et bien d’autres, forment un réseau complexe que l’approche naturaliste des personnages ne suffirait pas à épuiser. Rien de moins « réaliste » que cette histoire d’adoption à rebours. Rien de plus profondément vrai.

C’est dans la magie qui naît du mouvement même du récit que cette vérité prend origine. Le talent de Célia Houdart, que nous avons pu apprécier dans les Merveilles du monde, est de ceux qui savent créer un univers de presque rien. Un coquillage sur le parapet d’un quai parisien, les reflets colorés de vitraux ronds d’un hall allemand, le bruissement du feuillage de cerisier. L’itinéraire, de l’île au jardin en passant par le lieu de l’illumination musicale, a un sens que n’alourdit aucun symbolisme. Le spectre des sensations convoquées par l’auteur donne vie à un récit par ailleurs ramassé, elliptique, épuré. L’alchimie est subtile, et pourrait ne pas prendre. Elle prend cependant : nous adhérons à cette fiction filiale, et un peu du bonheur de ce duo père-fils passe par le couple auteur-lecteur. Que demander de plus ?


Alain Nicolas, L’Humanité ,23 juillet 2009


Dans Les Merveilles du monde (2007), son premier roman, Célia Houdart contait l’histoire d’un évanouissement. Celui d’Igor le photographe, qui se noie dans le lac Léman sans que jamais l’on ne retrouve son corps. Il réapparaîtra, comme en rêve, à sa compagne. Avec Le Patron, la romancière livre une nouvelle variation autour du motif, si insistant dans la littérature aujourd’hui, de la disparition. Au photographe des Merveilles fait place le « jeune Bilal », adolescent de treize ans qui s’enfuit de l’avion où toute sa famille a embarqué, obligée de rentrer en Algérie pour y régler une sombre affaire de succession. Livré à lui-même, l’enfant cherche à retrouver Pierre Wilms, un grand neurologue qui l’avait soigné quelque temps plus tôt. Dire que le roman de Célia Houdart raconte une quête de filiation, le passage à l’âge d’homme d’un enfant d’immigrés qui a choisi de se donner d’autres racines ne serait toutefois pas lui rendre justice, tant l’essentiel semble se jouer dans les marges ou les revers de la trame ainsi esquissée. Car la romancière suspend les explications, sait jouer des ellipses. Seules quelques phrases sibyllines viendront justifier la décision de Bilal « Le jour de la consultation à l’hôpital il avait observé les gestes de Pierre Wilms. Là il avait su. C’est avec lui qu’il avait choisi de rester ». Dans la continuité des Merveilles du monde, Le Patron s’offre aussi comme une tentative de capter le bruissement du monde. La romancière excelle à rendre la qualité d’une lumière ou d’un son, l’épaisseur d’un moment. « L’heure où les persiennes restituaient la chaleur du jour était l’heure où les carpes se décidaient à mordre ». Ou encore : «Le soir la Seine avait l’immobilité d’un lac. Les enfants s’endormirent gonflés d’une joie comme végétale ». Célia Houdart est une artiste multiforme, qui ne se consacre pas seulement à l’écriture romanesque mais a aussi conçu différents projets pour le théâtre et l’opéra, réalisé performances et installations. Passion pour les arts du son et de la scène qui trouve d’indéniables résonances dans sa prose sensible et sensuelle, dotée d’une musicalité et d’une densité poétique remarquable, qui font tout le charme de ce bref et intense roman.


Maryline Heck, Le Magazine littéraire ,juillet2009


Agenda

Du jeudi 4 avril au dimanche 7 avril
P.O.L aux Escales du livre à Bordeaux

Escale du Livre
Quartier Sainte-Croix
Square Dom Bedos
33063 Bordeaux

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Vendredi 12 avril à 12h30
Célia Houdart au festival Littérature au centre (Clermont-Ferrand)

Maison de la culture – Hotel Vialatte

29, boulevard Gergovia
63000 Clermont-Ferrand

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Mardi 16 avril
Célia Houdart au au Centre culturel & littéraire Jean Giono (Manosque)

Centre Jean Giono
3, boulevard Elémir Bourges
04100 Manosque

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Mercredi 17 avril
Célia Houdart à la Librairie l'Arbousier (Oraison)

1, avenue Abdon Martin
04700 Oraison

04 92 78 61 08
librairielarbousier@orange.fr

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Jeudi 02 mai
Célia Houdart à la librairie Vocabulaire

Librairie Vocabulaire
39 Bd de Port-Royal
75013 Paris

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Lundi 13 mai
Célia Houdart à la Librairie 47 degrés Nord (Mulhouse)

Librairie 47 degrés Nord
8b Rue du Moulin
68100 Mulhouse

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Samedi 20 juillet
Célia Houdart à la Librairie Le Vent se lève (Suisse)

Le Vent se lève
10, Rue du Quartier
2882 Saint-Ursanne Suisse

079 669 83 64

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Et aussi

Célia Houdart, Prix Françoise Sagan

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Célia Houdart Prix de la Ville de Deauville Livres & Musiques 2015

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