— Paul Otchakovsky-Laurens

la formule flirt

Anne Portugal

Ce nouveau recueil d’Anne Portugal évoque le tremblé des choses, il est construit à partir de textes qui vont deux par deux, se font face à face. Différents ils portent le même titre et se croisent en se frôlant, un peu à la manière de Jane et de Tarzan qui chacun sur sa liane  va de son côté mais ils s’approchent de si près cependant, s’effleurent, cela s’appelle le flirt. On pourrait dire qu’il s’agit de ne jamais conclure, de ne jamais figer, de ne jamais entrer dans la chronologie dramatique : rien ne commence, rien ne peut s’arrêter. Tout est en suspens, fugitif, évanescent : on peut appeler ça la poésie, une certaine...

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Traductions

USA : La Presse Poetry

La presse

L’effleurement des mots, la caresse des propos


D’une page à l’autre, la finesse et la légèreté des travaux d’approche, où la langue dit sans dire, frôle sans dévoiler, construit un imaginaire de l’idylle et de l’inaccompli.


Le mot flirt, on le sait, renvoie à ce moment de jeu, de parole, que désigne "conter fleurette". On pense à Ronsard, au motif envahissant de la fleur dans la banalité du "poétique". Pourtant, on peut aussi céder au charme, considérer qu’il y a dans ce jeu et ses codes un territoire de liberté pour la langue et que c’est là que la poésie joue, d’une manière ou d’une autre, sa peau. Dire sans dire, effleurer sans toucher, ce défi est bien celui de la poésie. Le flirt, cet ensemble de travaux d’approche où l’inabouti n’est pas échec, où la conquête n’est que le prolongement du malentendu, ou la frustration du non-dit n’est qu’une forme de la jouissance déclarée, la poésie y est particulièrement son affaire. Anne Portugal nous propose ainsi une "formule" laissant place à toutes ces dimensions.

Les textes y sont appariés (on n’ose dire accouplés) en vis-à-vis sur deux pages, se faisant face par-delà le fossé de la pliure. Approches complémentaires, des motifs se partagent, des mots s’échangent, sautent le ruisseau central. Chacun de son côté, ils vivent, en indépendance affectée, mais chaque texte garde l’empreinte du frôlement de l’autre:

"toi brother pour gagner la ville des roses initiales

à ton nom mets des lèvres à la belle meunière

indication de toi simplement conditionnelle

ne pouvant concentrer un tel rôle négocie

opium motion processus inconscient dossier

régisseur et le matériel serait le plus joli

passait dans les veines porsche pressa le cou

s’améliora vit le soleil jusqu’à poser devant

épuisée rouge volume refondation conversa

pensa un peu que tout est résidence au lieu

d’herbe y a en pinçant les lèvres individus

jolis dauphins pointus qui rentrent à la maison"


On le voit, la compléxité du dispositif ne tient qu’à la difficulté de son exposition. Les images nées de l’évocation de ces scènes de flirt et de l’atmosphère des années où le charme de cette pratique n’était pas désuet déclenchent des réactions en chaîne où le concret, le sensuel voisinent avec les généralités, les formules toutes faites, les abstractions, les mots anglais enchâssés, pépites ou traces d’ailleurs. Le lecteur accède à un univers complexe, comme l’imaginaire de chacun, comme la vie. La grâce d’Anne portugal est de ne pas abdiquer devant cette impossible restitution tout en offrant un texte ouvert où l’on entre en étant sûr d’y faire une rencontre.


Alain Nicolas, L’Humanité, 17 juin 2010.



Agenda

Jeudi 25 avril
Anne Portugal à l'atelier Michael Woolworth (Paris)

atelier Michael Woolworth
2 rue de la Roquette, cour Février
75011 Paris

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Anne Portugal, la formule flirt, la formule flirt (1) - 2010

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