— Paul Otchakovsky-Laurens

Autant la mer

François Matton

Un militaire en Guyane, démobilisé, revient en France. Désœuvré, il décide de tout abandonner pour partir en bateau autour du monde. Le mieux n’est-ce pas serait de construire soi-même son navire : mais il y renonce parce que c’est trop difficile… Coup de chance, on lui propose d’acheter un vieux ketch de 9,10 m, une merveille. L’affaire est faite, le rêve sur le point de se réaliser. Mais il faut tout de même rénover, nettoyer, réparer. Et puis il faut nettoyer le pont, c’est épuisant, une pièce cède, elle ne se fabrique plus, il faut changer le moteur, il faut aussi changer le mât… En fait, les rêves sont difficiles...

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La presse

Rêves entravés


Cahier de notes dessinées, haïkus graphiques, chroniques mentales, les livres de François Matton ne ressemblent pas à des bandes dessinées. Publiés pour la plupart chez l’éditeur de littérature P.O.L, ils sont tout autant livres d’écrivain, recueils de poèmes que journaux dessinés.Le très beau Autant la mer est conçu à partir du journal de bord du frère de l’auteur. Soldat en Guyane, il quitte les Caraïbes, rêve de construire un bateau pour traverser les mers, déménage, dessine, attend, achète un vieux ketch en bois qu’il faut retaper, avant de partir, peut-être bien.
La succession des vignettes dans ce livre au format à l’italienne est comme le story-board d’un film mélancolique, dessiné à contrechamp du récit. Le personnage, dont le visage est barré, insaisissable, regarde le monde s’agiter devant lui avec tendresse et distance. Cartons du déménagement, images de cauchemars, outils pour travailler le bois, les dessins de François Matton déstabilisent nos attentes, jouent de l’ellipse pour surprendre notre regard. Le dessin se fait méditatif : le trait précis et subtil capte des objets qui disent l’incertitude, les déceptions quotidiennes, la paresse et le plaisir de vivre. « J’en ai assez que ce monde me résiste ! », s’écrie le marin à quai. C’est précisément ce réel qui résiste que saisit avec finesse François Matton.


Victor Pouchet, Marianne, janvier 2010