— Paul Otchakovsky-Laurens

Une biographie autorisée

Yves Savigny

L’amateur de biographies sera d’abord surpris par le titre énigmatique de celle-ci. Mais pour peu qu’il en entreprenne la lecture, il entrera dans la double ou triple vie du méconnu et cependant estimé Benjamin Jordane, auteur dont les écrits sont tous d’inspiration autobiographique, mais dont la vie est probablement la fiction la plus élaborée. Un peu plus tard, le lecteur apprendra du biographe lui-même comment, pourquoi, par qui il est autorisé à publier cet ouvrage. Entre temps, à travers quelques images intimes ou légendaires du siècle dernier, il aura suivi l’apprentissage d’un homme partagé entre des mondes inconciliables : adolescents...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage Une biographie autorisée

Feuilleter ce livre en ligne

 

La presse


Benjamin Jordane, le retour... Avec Une biographie autorisée, Yves Savigny ajoute un nouvel épisode au feuilleton qu’il échafaude depuis 1993 autour de son écrivain de prédilection : Benjamin Jordane, dont il nous livre cette fois la biographie, de la naissance à la mort. Une mort un peu bête puisque Benjamin Jordane succombe à une diverticule récidivante qui a échappé au diagnostic de la médecine. Comme si jusque dans la mort l’illustre écrivain avait voulu et réussi à berner les plus grands spécialistes. Or, Une biographie autorisée est aussi une histoire de dupes puique Benjamin Jordane n’existe pas, sinon dans l’imaginaire de son pseudo-auteur Yves Savigny, lui -même invention de Jean-Benoît Puech. Vous me suivez ? Jean-Benoît Puech, donc, professeur de littérature française contemporaine à Orléans, imagine des personnages et des situations absolument plausibles pour disserter sur son thème favori : la littérature. L’écrivain doit-il « sortir de la confidentialité », entrer dans « la littérature spectaculaire » ? Pour Benjamin Jordane, alias Yves Savigny, alias Jean-Benoît Puech, aucun doute : « L’écrivain qui n’écrit pas est l’accomplissement de la littérature. » Une biographie autorisée est la parfait démenti de cette assertion péremptoire… et une délicieuse plongée romanesque. Le roman peut d’ailleurs se lire en totale ignorance du petit jeu qui amuse tant son auteur, roué à l’art de l’écriture.

B.V., Libération, jeudi 7 janvier 2010.




Bio transgénique


Mort en 1994 dans un relatif anonymat, l’écrivain Benjamin Jordane bénéficie d’un remarquable bienfaiteur posthume en la personne de Jean-Benoît Puech. Depuis plusieurs années, cet universitaire s’acharne à faire connaître et publier l’œuvre de Jordane, restée largement inédite de son vivant en raison de son rapport torturé à la publication. Ainsi lui doit-on la mise au jour du journal intime de Jordane (L’apprentissage du roman) et de ses nouvelles (Toute ressemblance et Présence de Jordane) ; en parallèle, il a lancé avec son confrère Yves Savigny les Cahiers Jordane, dont le premier numéro a paru en 2008. Une monomanie qui n’aurait rien d’extraordinaire s’il n’y avait ce détail : Jordane n’existe pas, et Savigny, prétendu maître de conférences à Tours, est fort douteux lui aussi. Pour le dire autrement, Jordane est l’une des plus belles et perséverantes mystifications de la littérature contemporaine, et un sensationnel jeu de miroirs grâce auquel Puech réfléchit en acte sur son thème de prédilection : l’auteur dans son rapport confus (ou confusionnel) à l’œuvre. Après les vrais-faux textes et le vrai-faux recueil d’études, voici donc une pièce de plus dans l’édifice : la biographie de Jordane, pour laquelle Puech s’efface derrière son vrai-faux collègue Savigny. Un long chapitre final, censé démêler l’énigme et éclairer les rapports entre les trois hommes (Jordane, Puech, Savigny), achève en réalité d’embrouiller l’affaire et l’élève au rang de chef-d’œuvre du canular érudit. Quant au fond, Savigny offre un texte aux allures de récit romancé, truffe de références aux théories et auteurs qui agitent l’université depuis les années 1970 – certaines références étant elles-mêmes inventées, à l’image de l’omniprésent Pierre-Alain Delancourt, masque d’un écrivain bien réel. Miroirs en cascade, mises en abyme redoublées et mise à distance de soi : l’admirable projet vila-matesque que constitue le « cycle Jordane » n’a jamais été plus vertigineux qu’ici.


Bernard Quiriny, Le Magazine Littéraire, mars 2010.





Les vies parallèles de Yves Savigny


Inventé sous la plume de Puech, Jordane est mis en scène cette fois par Yves Savigny. Vous me suivez ?


Comment ça, vous ne connaissez pas Benjamin Jordane et Jean-Benoît Puech, deux noms qui vont pourtant très bien ensemble ? L’affaire paraît débuter en 1979, lorsque l’espiègle Puech décide d’inventer un personnage d’écrivain répondant au nom de Jordane. Chez Gallimard paraît d’abord La Bibliothèque d’un amateur. Un recueil – signé et préfacé par Puech – où ledit Jordane résume et commente ses romans préférés. Des ouvrages aussi difficiles à dénicher en libraire que Le Crime de l’allée Tonka de Jean Defoulay ou La Grande Muette de Jean-Pierre Lakanal, qui racontent des histoires de fantômes, d’enfants autistes ou de faussaires peu pressés d’avouer leurs talents.

Jean-Benoît Puech a continué à nous donner des nouvelles de celui qui aurait vu le jour à Étampes en 1947 et s’est éteint en 1994 à Aurillac dans Présence de Jordane (Champ Vallon, 2002), une esquisse biographique, et dans Jordane revisité, où une enquête plus approfondie montrait que notre homme s’était construit, en amont de ses fictions, une vie imaginaire ! Pour corser l’affaire, voici qu’est entré en piste le dénommé Yves Savigny. Un hétéronyme de Puech qui a d’abord cosigné avec lui un ouvrage intitulé Benjamin Jordane, une vie littéraire. Cahiers Benjamin Jordane n° 1 (Champ Vallon, 2008).

Ceux qui n’auraient pas encore plongé dans ce vertigineux labyrinthe borgésien en tiennent la parfaite clé d’entrée avec la Biographie autorisée proposée aujourd’hui sous la plume de Savigny. D’où il ressort que Benjamin Jordane naquit des amours de Solange de Coupange et du capitaine Pierre-Henri Jordane. Un père renonçant à sa carrière militaire pour s’installer à Étampes où il obtint, au service urbanisme de la mairie, un emploi en rapport avec sa formation de technicien.

Savigny nous décrit parfaitement l’enfance de son fils aîné. Rêveur, Benjamin aimait à s’évader grâce au Journal de Spirou où il dévorait les aventures de Tif et Tondu, de Buck Danny. Rebelle, le jeune Benjamin choisira de défendre l’Algérie française au mépris des valeurs familiales avant de continuer à défricher inexorablement les champs de la littérature, de la musique et du cinéma. Avec allant et subtilité, Puech réussit là un formidable roman d’apprentissage où la fiction côtoie sans cesse la réalité. Amateurs de mécaniques littéraires de haut vol, ce livre est pour vous !


Alexandre Fillon, Lire, mars 2010.




« je est un autre, » affirmait Rimbaud. Qui est alors cet "« autre » caché derrière benjamin Jordane, le protagoniste d’Une biographie autorisée ? Yves Savigny, l’auteur du livre de référence ? Jean-Benoît Puech, créateur d’auteurs imaginaires ? Vincent Loyauté qui a déjà écrit une première biographie dédiée au méconnu Jordane ? Ou alors la mystification est-elle totale et faut-il chercher ailleurs ?

À la manière des poupées russes, dans un pur style proustien, écrit à la troisième personne, Savigny chante un hymne à la gloire de la littérature et de la douce France du Loiret. Une vie entière se construit au fil des pages, passée au crible de la psychanalyse (Anna, Lise et moi !). On y côtoie les plus grands : Proust devient notre voisin de pallier ; on y dîne avec Kristeva ou Lacan ; on s’offre un petit tour en voiture en compagnie de Genette ou Barthes. Un délice romanesque. Mais il n’est pas question de littérature, Savigny analyse la deuxième moitié du XXe siècle et son cortège d’idéologies, sa lutte des classes, la complexité de l’amour, le cinéma d’avant-garde, l’image controversée du père ou la solitude de celui qui est différent. Benjamin Jordane, plus vrai que nature ? Mais l’auteur ne fait-il pas observer que « tous les personnages de ce livre son fictifs, y compris lui-même » ?

Peu importe, on a envie de croire à la triple vie de l’écrivain Jordane car « une œuvre n’est pas un reflet de la réalité extérieure, notamment biographique, mais la réalisation d’un reflet intime, d’un mirage, d’un rêve, qui manifestent eux-mêmes une qualité ou un défaut de son auteur. »


M.-D.R., Focus Vif / L’Express, 28 mai 2010.






Vidéolecture


Yves Savigny, Une biographie autorisée, Une biographie autorisée - 2010 - Jean-Benoît Puech

voir toutes les vidéos du livre →