— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Cas Jekyll

Christine Montalbetti

Christine Montalbetti a écrit Le Cas Jekyll, une adaptation pour le théâtre de Docteur Jekyll et Mister Hyde de Stevenson, à l’intention de Denis Podalydès (de la Comédie Française), qui l’a mis en scène (avec la complicité d’Emmanuel Bourdieu et d’Éric Ruf) et l’interprète : somptueux monologue pour un personnage double.



Le Cas Jekyll sera présenté à Chaillot à Paris du 7 au 23 janvier prochain, puis dans toute la France.



«Denis Podalydès, Sociétaire d’or de la Comédie Française, s’est échappé pour quelques soirs de la salle Richelieu...

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La presse

Epoustouflant Denis Podalydès en Dr. Jekyll



Qui est-elle, cette étrange créature qui s’avance dans la pénombre ? Un homme ? Un monstre ? Un comédien ? Ou tout cela à la fois, que résume, sur le plateau de la salle Gémier, au Théâtre de Chaillot, un acteur magique  : Denis Podalydès, qui interprète et met en scène Le Cas Jekyll, réécriture contemporaine, par l’auteure française Christine Montalbetti, du mythe inventé par Robert-Louis Stevenson à la fin du XIXe siècle.


C’est le spectacle qui va faire fureur à Paris, en cette rentrée de janvier, avant de (re)partir en tournée un peu partout en France jusqu’à l’été (il a été créé à la maison de la culture d’Amiens en mai 2009)  : parce qu’il est fin, drôle, et enveloppe délicatement son intelligence dans les replis d’un pur plaisir théâtral. Et que Denis Podalydès y est plus que jamais époustouflant, dans cette partition qu’il s’est taillée à sa mesure.


Il faut dire qu’elle semble faite pour lui, l’histoire du respectable Dr. Jekyll et de son double noir, Hyde, hantant de ses forfaits les bas-fonds de Londres, tant elle se loge au coeur même du mystère de l’acteur, cet explorateur par essence des zones les plus obscures de l’homme. Le voici donc tel qu’on le découvre dans son antre victorien de guingois, ce Dr. Jekyll qui d’emblée, dans la confession qu’il livre de son inquiétante aventure, plonge le spectateur dans l’espace d’un récit et d’un mystère trop rares sur les scènes françaises : un petit homme tout ce qu’il y a de respectable, en costume de tweed brun bien coupé (par Christian Lacroix).


Mais voilà : "La vérité, c’est que la vie studieuse que je menais alors me paraissait, comment dire, une chose étriquée. " Alors, Jekyll inventa Hyde, créature de pulsions, libérée de toute morale. Et Hyde prit peu à peu possession de Jekyll, comme un rôle prend peu à peu possession d’un comédien, en une troublante opération de dédoublement à l’intérieur d’un même être.


Ce qui est totalement jouissif, dans ce Cas Jekyll, c’est que la transformation progressive de Jekyll en Hyde offre à la fois la matière d’un formidable suspense théâtral, et une extraordinaire matière de jeu pour Denis Podalydès. C’est peu de dire que les métamorphoses de l’acteur sont fascinantes. Elles n’ont pourtant rien de spectaculaire. Quelques signes - deux mains velues, une perruque - y suffisent. Mais le corps du comédien, à l’image de ce que constate le savant fou qu’il incarne - " Notre corps est éminemment plastique et malléable ", affirme Jekyll - se transforme insensiblement au fil de la représentation.


Il y a par moments des échos de Richard III le boiteux dans cette créature hybride, clin d’oeil parmi d’autres à un Shakespeare qui est le premier grand poète de la dualité fondamentale de l’homme. Et c’est comme si Jekyll accouchait de sa part noire, lui donnant forme - presque - humaine, en une étonnante opération de transmutation théâtrale.


Cet objet théâtral singulier est porté par la magie d’une atmosphère à laquelle concourent tous les éléments du spectacle. La scénographie pleine de poésie d’Eric Ruf, qui joue magnifiquement avec l’espace du plateau : l’antre jekyllien, très Radeau de la Méduse, en avant-scène, et, au fond, les docks de Londres sous la lune, d’une beauté expressionniste à couper le souffle. Les lumières en clair-obscur de Stéphanie Daniel. Le texte d’une ironie vive et délicate de Christine Montalbetti. L’utilisation de la voix off et du hors-champ, qui donne une qualité très littéraire à la mise en scène...


Alors on la poursuivrait encore longtemps, cette trop courte balade dans l’envers de Londres et dans l’envers de l’homme, menée avec allégresse par un guide hors pair, en la personne de Denis Podalydès dont, décidément, l’étendue du talent et des curiosités ne cesse d’étonner.


Fabienne Darge, Le Monde, 9 janvier 2010





Jekyll et Hyde : les chemins obscures du bien et du mal


S’emparant d’une nouvelle de Stevenson avec le concours de Christine Montalbetti, Éric Ruf et Emmanuel Bourdieu, Denis Podalydès en signe une adaptation bouleversante et magnifique.



Transposer au théâtre Le cas étrange du Docteur Jekyll et de Mr Hyde, l’idée paraît bizarre. Publiée en 1886, la nouvelle de Stevenson a fait l’objet de nombreuses adaptations au cinéma. Depuis la première version «muette», dès 1908, on en relève au moins une douzaine.


Mais de là à porter sur la scène l’histoire du bon docteur errant nuitamment dans les rues sombres de Londres, transformé en monstre sanguinaire, double de lui-même, il y a un pas qui peut laisser perplexe. Surtout lorsqu’elle est interprétée par un acteur unique. Pourtant, dès que le plateau s’éclaire, comment ne pas être captivé, subjugué, saisi?


Dans un décor aux allures de capharnaüm (signé Éric Ruf), le petit homme qui s’avance lentement face au public n’est pas venu simplement pour lui faire le récit d’une nouvelle d’épouvante, d’une aventure fantastique que chacun ou presque connaît déjà. C’est de lui-même qu’il veut parler. La voix basse, douce presque, il commence : «  Écoute-moi bien. Je sollicite ton attention» Il ne s’arrêtera plus.



Au-delà du bien et du mal



Sans doute, au long de ce très beau texte, superbement réinventé par Christine Montalbetti (1), retrouve-t-on la plupart des thèmes abordés par Stevenson : la marche aveugle de la science, la foi absolue dans le progrès, l’obsession de l’ordre et de la norme, d’une hygiène ripolinée pour le corps ou l’esprit…


Ce monologue est une confession : celle d’un être confronté à cette part secrète, soupçonnée ou non, acceptée ou pas, que chacun porte en soi et que l’on appelle pulsion. Terrifiant et magnifique, Denis Podalydès s’en fait l’interprète bouleversant. Sans que soient jamais montrés ni fiole, ni effet de masque ou de grand-guignol, il se défait, au fur et à mesure de lui-même, pour se laisser enfermer, happé comme une proie, dans sa seconde peau, sans savoir laquelle est la vraie.


Bonhomme banal ou gnome infernal à la démarche simiesque ? Jekyll ou Mr Hyde ? Il est au-delà du bien et du mal, au point exact où les frontières s’annihilent, hors de toute morale, dans cet espace où l’« hétérogénéité  » triomphe. Où toutes les lignes se confondent. Où l’homme n’est plus «un».


Rejoignant avec une justesse rarement atteinte les interrogations profondes de la nouvelle de Stevenson, Denis Podalydès entraîne le spectateur sur les chemins tortueux qui conduisent au plus obscur de ses vérités. Le laissant pantois, assommé au terme de cette descente aux enfers de soi-même. Son frère dans l’effroi de soi.



Didier Méreuze, La Croix, 10 janvier 2010



Le cas Jekyll* * *



Au départ, il y a la rencontre entre Christine Montalbetti, spécialiste de littérature, et Denis Podalydès autour d’un mythe, héros de Stevenson : Docteur Jekyll, alias Mr Hyde à ses heures sombres. L’auteur en fait un personnage de théâtre, " incarnation de l’hétérogène  ", et d’en faire l’autopsie. Denis Podalydès - metteur en scène au côté de ses amis Emmanuel Bourdieu et Eric Ruf - se présente tel l’étudiant en sciences qu’il était et conte à un ami potentiel le récit de ses expériences, à savoir sa transformation en un autre, créature tortueuse et maléfique, Mr Hyde. Le comédien, dans une sobriété et une intériorisation de jeu exemplaires, expérimente le lent glissement, opère le changement de personnalité, jusqu’à la possession. Par les inflexions de sa voix, les mouvements de son corps, il rend la dualité visible, le combat contre l’autre à l’intérieur de soi palpable. Interprétation et écriture s’accordent. Le décor, comme tiré d’une gravure de l’époque, d’Eric Ruf joue sur les deux terrains  : bureau, vapeurs de laboratoire puis brouillards de Londres et obscurs recoins de l’âme humaine. C’est merveilleusement pénétrant.



Annie Chenieux, Le Journal du Dimanche, 9 janvier 2010




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