— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Repas

Valère Novarina

Confronté au problème de l’adaptation théâtrale de certains de ses livres non directement écrits pour le théâtre, comme Le Discours des animaux, ou difficiles à monter, comme Le Drame de la vie, et pour éviter des interventions extérieures hasardeuses, Valère Novarina a décidé de proposer lui-même aux éventuels metteurs en scène des adaptations en quelque sorte « clé en mains ». Le Repas est une adaptation pour la scène des première pages de La Chair de l’Homme.

 

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La presse

Le théâtre de bouche de Valère Novarina


Ce jeune écrivain blond de 50 ans, écrivain et peintre, aimant Louis de Funès (ce qui est rare dans un certain milieu), vivant sur les hauteurs de Thonon en Haute-Savoie est un des grands auteurs du théâtre contemporain. Il est à Montpellier à l’occasion de la présentation de sa pièce "Le repas", mise en scène par Claude Buchvald aux Treize Vents.
Sur scène, huit convives : l’Avaleur Jamais Plus, le Mangeur d’ombre, l’Enfant d’Outre Bec, la mangeuse Ouranique, la Bouche Hélas, Jean qui dévore Corps, la Personne Creuse, l’Homme mordant ça. Une petite communauté difficilement identifiable, émergée de temps immémoriaux, qu’on situerait volontiers au début du monde (sauf que ces créatures semblent connaitre la Peugot) s’anime avec une étrange ardeur pour une grande bouffe. Au cours de laquelle sera refait le monde et plus que ça; il sera mangé "pour voir s’il est là ": des frigos, desenfants, des voitures.


Je lève mon verre à la suite des choses.


C’est totalement absurde et innocent. Remplacer les mets par les mots peut aider à comprendre cette orgie langagière qui voudrait, selon l’expression de Novarina, témoigner que
"la langue est notre chair" dans une sorte de parodie assez rabelaisienne de la Bible. Cette communauté métaphorique se nourrit donc du Verbe de manière solennelle et saugrenue : "je lève mon verre à la suite des choses", dit l’un de ses convives. "Inhumains sont les humains et vides sont les adversaires du plein", ou encore "Nous n’avons pas de noms parce que nous sommes professionnels" disent d’autres. Enfantins, détenteurs d’une sagesse mystérieuse délivrée de manière péremptoire, ils chantent, jouent au jeu de la voiure à vapeur punitive énumèrent les centaines de plats engloutis et inconnus de nous : "panisse, pelousses, pimpignoles, pissote...".
Fabuleux festin de mots attestant d’une langue disparue, portant des traces de patois, les vestiges d’une pensée rationnelle. Une aventure parfaitement singulière, menée avec l’obstination rigoureuse d’un moine, gigantesque quoique très épurée par rapport aux précédents livres comme "La chair de l’homme" comptant plus de trois mille personnages ou "Le Discours aux animaux" où Valère Novarina inventait mille noms d’oiseaux. L’auteur annonçant dans une fameuse "Lettre aux acteurs" qu’il écrivait "avec les oreilles" a donné une clef de ce théâtre acoustique, fait plus de sons que de sens.


Par Valérie Hernandez, dans La Gazette n° 505, en décembre 1997.

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