— Paul Otchakovsky-Laurens

Dieu Jr.

Traduit de l’américain par Frédéric Boyer et Emmelene Landon

Dennis Cooper

Je n’arrive pas à croire que ce soit la tombe de Tommy. La dernière fois que j’ai vu Tommy, c’était un horrible trou juste là, sans comparaison avec aucune autre tombe. Maintenant le même gazon extrêmement doux égalise tout le monde. Je comprends qu’il est là dessous. Mais je suis si défoncé que c’est invraisemblable. Il aimait les mauvais films d’horreur. Il adorait celui dans lequel Christina Ricci surgissait de la tombe pour assassiner ses parents endeuillés. Il le regardait si souvent que Bette a fini par brûler la cassette. Je sais bien qu’il y a des millions d’enfants morts qui n’ont jamais eu l’intention de faire chaque petite chose stupide...

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La presse

S’il n’a guère de rapport avec les évangiles, Dieu Jr. n’en explore pas moins la question morale. Responsable de l’accident de voiture ayant provoqué la mort de son fils, Jim traîne sa culpabilité en fauteuil roulant. Incapable de surmonter le deuil, il a même construit un mausolée dans le jardin, inspiré par les dessins de l’adolescent disparu. L’esprit embrumé par les joints, le père désespéré rentre alors dans la chambre de son fils, pour reprendre la partie de jeu vidéo entamée par celui-ci. Histoire de le retrouver virtuellement, de le ressusciter par console interposée. Roman le moins sulfureux de Cooper, Dieu Jr. est aussi émouvant dans son sujet qu’inventif dans sa forme. Déroutant puis bouleversant, l’Américain signe là un magnifique requiem. Pour que continue le jeu de la vie.


B.L.,Lire, octobre 2006



« À l’origine, c’était sa partie. C’est une longue histoire, mais il est mort et je suis en train de jouer pour lui à présent ». Hanté par la mort de son fils Tommy dans un accident de voiture qu’il a lui-même provoqué, le narrateur reprend la partie de jeux vidéo qu’il avait laissée en cours sur sa GameCube, comme si entrer dans la peau du même personnage virtuel pouvait l’aider à retrouver sa trace et à expier sa culpabilité. Sa consommation forcenée de cannabis accentue sa propension à oublier la différence entre le monde fictif de la partie et la réalité […] Après les cinq tomes du cycle « George Miles», Dennis Cooper avait besoin de tourner une page et de prendre un nouveau départ. Dieu Jr. lui en donne l’occasion : resitué dans l’ensemble de l’œuvre, ce roman mélancolique et original résonne à la fois comme un ultime adieu à George Miles, ici représenté par Tommy, et comme une mise à distance de ce grand projet littéraire qui l’a occupé durant près de quinze ans. L’originalité du roman tient surtout à l’exploitation du thème du jeu vidéo : Cooper en tire toutes sortes d’artifices formels et en donne une vision quasiment mystique, le joueur s’apparentant pour lui à un véritable dieu – d’où le titre. Déconcertant, ce roman très élaboré n’en reste pas moins le plus accessible de Cooper. C’est aussi, sans doute, l’un des plus beaux.


Bernard Quiriny,Le Magazine Littéraire, octobre 2006



Dennis Cooper est l’équivalent littéraire des cinéastes Gus Van Sant (« Elephant ») ou Larry Clark (« Kids »). Il décrit des adolescents américains qui de droguent, se prostituent, se livrent aux pires excès, le tout dans de grandes villas propres et rutilantes aux pelouses vertes et bien coupées. Cette démarche fait de lui un auteur sulfureux, inquiétant, d’autant qu’il ne juge jamais ses personnages, mais semble plutôt leur trouver un charme terrible. Pourtant, cet écrivain de la beauté du mal (et même du jeune mâle) évolue aujourd’hui vers plus d’humanité en abordant le thème du deuil. Son nouveau livre, Dieu Jr., raconte l’histoire de Jim, un homme qui a causé la mort de son fils, lors d’un accident de voiture. Tétanisé par ce drame, Jim fait construire dans son jardin un drôle de monument, la réplique d’un édifice qui se trouvait dans le jeu vidéo préféré de son fils ! Lui-même s’échappe de plus en plus de son quotidien sordide (sa femme et ses voisins le croient fous) en jouant à ce jeu… A ce point de l’histoire, la lecture du livre devient aussi déstabilisante que lorsqu’on joue sur une console Nintendo pour la première fois. On est aussi perdu que Jim. On ne sait plus très bien où l’on est. Dans le jeu ? Dans la réalité ? Tout ce qu’on comprend, c’est que des thèmes éternels, comme la douleur, l’absurdité de la vie, sont traités ici à travers le thème très moderne du jeu vidéo. Et que Cooper se révèle un authentique innovateur en littérature, une voix qui, même si elle paraît brouillée, rend compte comme personne de l’étrange déréliction de notre époque, de ce « cauchemar climatisé » dont parlait Henry Miller. Ça vaut bien la peine d’essayer de jouer, non ?

Patrick Williams, Elle, 16 octobre 2006



Bienvenue chez les freaks, les gueules cassées, les cœurs ratiboisés, les têtes déjantées. Dieu Jr. est un livre sur l’impossible deuil (le narrateur a perdu son fils) et la terrifiante culpabilité. Dennis Cooper, prolifique et sulfureux romancier américain, plonge une fois de plus dans ce que la vie a de plus brindezingue, affolant. Il avance par petites touches, par images, souvenirs, bouts de textes tendus de tendresse et de violence. Drogue, regrets, jeux vidéo, soliloques, sarcasmes… tout est bon pour vivre avec l’impossible. En prime, ces quelques mots « La mort est quelque chose de si mauvais qu’on préfère devenir fou ».


Martine Laval,Télérama, 11 octobre 2006