— Paul Otchakovsky-Laurens

Deux bêtes à l’intérieur

Nicolas Bouyssi

La méthode est dangereuse, mais quand on est pris dans une certaine logique, il est difficile de ne pas la mener à son terme, ne serait-ce que par curiosité.

 

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La presse

Nicolas Bouyssi, expert en malaises modernes

« La méthode est dangereuse, mais quand on est pris dans une certaine logique, il est difficile de ne pas la mener à son terme, ne serait-ce que par curiosité. » Nous voilà prévenus, le quatrième de couverture indique d’emblée que Deux Bêtes à l’intérieur, roman de Nicolas Bouyssi (qui a déjà à son actif cinq romans et un recueil de nouvelles) ne sera pas très confortable. On y éprouve d’emblée un certain malaise, et rien, page après page, ne vient démentir cette impression qui se fait de plus en plus vive, chemin faisant.
Tout commence dans l’inconfort d’un camping de vacances. « On est en été. Il fait beau, le ciel est sans nuages » Calme apparent, bien sûr. Les tentes, les caravanes des voisins se dessinent. Hélène, Sébastien. Puis d’autres, François, Geneviève. Ces voisins entament leur journée. Soudain l’un d’eux, « le petit », donne un coup de couteau à un autre, plus vieux. Stupeur !Enfin, après ce long travelling d’ouverture, surgit un « je » qui avoue qu’il a « la chair de poule » Ce narrateur est un client du camping. Interloqué par ce qu’il a vu, il s’interroge, ressasse, examine. Une femme dort sous sa tente, il y pense, raconte leur rencontre, revient sur ce qu’elle lui a dit d’elle.
Ce paléontologue ne va plus cesser, dans le roman, de tenter de rassembler les morceaux d’un puzzle. Il tente de décrypter ce qui l’entoure. Sarah, sa compagne, est-elle liée d’une manière ou d’une autre au « petit » qui a donné le coup de couteau ? Comment expliquer cet acte étrange ? Vers quoi évolue sa relation avec Sarah, sachant que ses anciennes amours se sont passées comme ci et comme ça ? En scientifique, le narrateur tente de faire des déductions, d’échafauder une explication, de reconstituer le squelette d’histoires enfouies dans le passé, quitte à espionner le téléphone de Sarah. Mais, après les mésaventures du camping, l’heure est à la fuite. Sarah veut s’en aller Le narrateur n’est pas contre. Voyage vers Rome – harassantes heures de voiture – puis, très vite, Bruxelles de nouveau de la route ! – où Sarah et le narrateur ne feront que passer. C’est que, étrangement, « le petit », l’homme au couteau, dont on apprend qu’il s’appelle Yann, s’est mis à les poursuivre d’un bout à l’autre de l’Europe et il parvient chaque fois à anticiper leurs mouvements.
Voici donc de bizarres vacances au pays de nulle part, où toute tentative de communication entre les êtres – malgré l’omniprésence des portables – est sans issue. Le narrateur n’y voit goutte, bien qu’une « logique » évidente et tragique soit à l’œuvre, au bout de laquelle il ira, un peu naïvement et sans doute « par curiosité ».

Éléonore Sulser, Le Temps, 29 mars 2014

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