— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Vivier des noms

Valère Novarina

Cette nouvelle pièce de Valère Novarina, sera créée au Cloitre des Carmes au Festival d’Avignon le 5 juillet 2015.

 

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La presse

La fabuleuse histoire sans fin de Valère Novarina


Dans le ventre des Carmes, vous voyez ceci. Sur le sol, des silhouettes d’objets ou de personnages réduits à des traits essentiels, sur fond blanc : la substantifique moelle des choses peinte par Novarina. D’une galerie monastique sort l’actrice Claire Sermonne - n’oubliez pas ce nom, cette interprète est faite pour tous les jeux dangereux -, fine pythie fuselée dans une jupe noir longue et un chemisier blanc. Elle joue l’Histonenne. Pendant près de deux heures quarante, elle va exhumer à la face des étoiles des noms de peuples insensés, livrer à l’assistance non pas un arbre, mais une pieuvre généalogique. Surgiront alors dcs acteurs merveilleusement penauds, Julie Kpéré, Manuel Le Lièvre, Dominique Parent, Agnès Sourdillon, Nicolas Struve, René Turquois, Valétte Vinci, accompagnés pai l’accordéoniste Christian Paccoud.


L’art de détourner


Car de quoi s’agit-il au juste ? Comme souvent chez Novarina d’une histoire de l’homme au-delà de lui-même, de ses formes répertoriées - qu’elles soient psychologiques ou anatomiques; d’une opération poético-magique aussi au cours de laquelle le mot devient la chose. Barbant ? Non. Valère Novarina a lu tous les auteurs latins, mais il regarde aussi la télévision. ll détourne tout, les tics de Saint-Augustin comme les tocs de David Pujadas. Ecoutez Le Grand Communicateur : « Si le péril humanitaire persiste, nous coulons droit à la catastrophe homidienne, a commenté aussitôt le nouveau secrétaire très contesté de l’association Médecins sans scrupule. » Plus loin: « Un récidiviste vient de faire machine arrière à trois reprises : en lançant des arguments en tout sens vers les azimuts : son ombre a été abattue. » Admirez l’acteur qui débite ça : ces nouvelles ricochent sur plus de quatre pages.


Le refus de la chute


Le Vivier des noms est ce qu’il annonce : une réserve de possibilités, des impossibles qui prennent corps et s’éclipsent. Ecoutez encore, c’est l’Histonenne qui parle : « La Scène est en Amnésie. Entrent l’Enfant Mésopotamien, le Viveur de Couac, l’Enfant de Pensée, le Vieillard Carnatif, l’Enfant de la Viandeur », etc. L’encrier se déverse en nominations qui sont autant de défigurations de l’Homme. « Mort à la mort », crie un acteur - formule qui est un leitmotiv chez Novarina. « Quelle heure est-il ? » demande une demoiselle. « Le temps du désoubli. » La pièce dure près de trois heures, elle pourrait en faire trois de plus ou une de moins. Valère Novarina enchaîne les chutes, mais ne s’y résout jamais. Le refus de ma fin n’est pas le concernant une faiblesse littéraire, c’est un salut : l’écriture est la vie.


Alexandre Demidoff, Le Temps, 7 juillet 2015

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