Une femme, une femme seule au long de tout un été parle. Elle parle pour conjurer la solitude, elle parle pour ne pas devenir folle, ne pas disparaître. Pour continuer. Des souvenirs, des espoirs, des regrets. Du désespoir. Mais aussi du bavardage et de l’ivresse à parler, parler dans un mouvement qui se nourrit de lui-même et suggère une invention infinie, une liberté sans limite : « Tu voyagerais dans des pays nouveaux, inexplorés, tu parlerais les langues. Tu voyagerais en haute mer, tu franchirais à pied les cols enneigés et venteux. Tu endurerais la route interminable, les nuits sans sommeil. Tu connaîtrais le temps suspendu, la parenthèse ouatée des voyages en...
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Une femme, une femme seule au long de tout un été parle. Elle parle pour conjurer la solitude, elle parle pour ne pas devenir folle, ne pas disparaître. Pour continuer. Des souvenirs, des espoirs, des regrets. Du désespoir. Mais aussi du bavardage et de l’ivresse à parler, parler dans un mouvement qui se nourrit de lui-même et suggère une invention infinie, une liberté sans limite : « Tu voyagerais dans des pays nouveaux, inexplorés, tu parlerais les langues. Tu voyagerais en haute mer, tu franchirais à pied les cols enneigés et venteux. Tu endurerais la route interminable, les nuits sans sommeil. Tu connaîtrais le temps suspendu, la parenthèse ouatée des voyages en train, en avion, moment de rémission, suspens de tout et attente de tout, un espace pour rassembler ses forces avant l’inconnu, comme ces vieux avions qui faisaient autrefois le point fixe, moteurs à fond, toutes tôles vibrantes, avant de s’élancer de tout leur poids pour décoller, se soulever dans les airs. »
Comme un patchwork littéraire, ce livre est composé de fragments qui peu à peu s’organisent à travers leurs récurrences, des correspondances, des échos, des appels. Des genres s’y entrecroisent (journal, lettres, récits, fictions), ainsi que des textes écrits sous de féroces contraintes oulipiennes (notamment la contrainte du prisonnier), des tonalités s’y mesurent, de l’humour au lyrisme, de la mélancolie à la gaieté, pour mieux montrer cette pulsion vitale du dire à tout prix, dire le malheur, la tristesse, la solitude mais aussi la vie imbattable.
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Maud Basan, l’invention de la solitude
Un silence presque effrayant : « Le silence ordinaire, épais, un peu étouffant, celui de l’été en ville. » Olga est une femme qui parle toute seule, porte des robes courtes et colorées, pour sentir la fluidité de l’air et nager dans l’espace. Pourtant, cette saison idéale, l’été, lui fait peur. Elle se calfeutre derrière ses volets, conjure la solitude et parle encore pour éprouver l’ivresse de la parole. « Il y a péril en la demeure, tu le sais, mais contrairement à ce qu’on croit habituellement, le péril n’est pas dans la maison, il est dans le fait de demeurer, de rester immobile. » Cet état d’alerte engendre une parole qui s’invente librement, comme le film intérieur du naufrage ou de l’otage : « Tu voyagerais en haute mer, tu franchirais à pied les cols enneigés et venteux. Tu endurerais la route interminable, les nuits sans sommeil. Tu connaîtrais le temps suspendu, la parenthèse ouatée des voyages en tram, en avion... »
Ce livre en forme de patchwork mélange les genres, assemble lettres d’adieu, journal, fiction, exemples de grammaire et jeu oulipien. Mais au bout des pirouettes, on entend une petite musique qui raconte cette drôle de chose qu’est la solitude.
Daniel Morvan, Ouest France, 28 mars 2017
Aïe les beaux jours
«Alors l’été, pourquoi ça te fait peur, Olga ? » Dimanche 21 juin, la narratrice voit avec inquiétude se profiler l’espace immobile et aphone de la saison estivale, sa blancheur écrasante. Une certaine expérience du vide à laquelle il va falloir survivre. Cette héroïne du quotidien va ainsi tour à tour compter les minutes de soleil en moins, songer au pire, chercher dans l’histoire des exemples de persévérance insensée. Surtout, elle va tenter de rompre l’isolement en faisant le choix des mots, et entraîner le lecteur dans sa logorrhée infernale.
Le premier roman de Maud Basan est avant tout une subtile et poétique réflexion sur le temps qui passe, et celui qui nous reste. Si l’auteure évolue librement entre différents registres d’écriture, elle s’impose certaines contraintes stylistiques, comme pour tenter de donner un cadre à cette « dinguerie qui va tout détruire, effacer, ruiner ». Car l’été court à sa perte, nous rappelle Olga, et nous avec. Ne reste plus qu’à opposer à l’inéluctable ces « beautés incontestables » auxquelles il est impératif de croire : une robe rouge à fleurs, le son d’une radio, un projet de roman.
Avril Ventura, Le Monde des Livres, 17 mars 2017